Derniers articles https://www.freebelgians.be Derniers articles (C) 2005-2009 PHPBoost fr PHPBoost Mémoires de L’Hoest Nicolas né à Heure-Le-Romain le 6 Mars 1913. https://www.freebelgians.be/articles/articles-1-246+m-moires-de-l-hoest-nicolas-n-heure-le-romain-le-6-mars-1913.php https://www.freebelgians.be/articles/articles-1-246+m-moires-de-l-hoest-nicolas-n-heure-le-romain-le-6-mars-1913.php Rappelé sous les armes le 25 Aout 1939 au Fort de Pontisse.<br /> <br /> <p style="text-align:center"><img src="https://www.freebelgians.be/upload/lhoest_nicolas_001freebelgians_mars2024.jpg" alt="" class="valign_" /><br /> Nicolas L’Hoest affecté au Fort de Pontisse******</p><br /> <br /> <strong>Début de la seconde guerre mondiale</strong> :<br /> Le 10 Mai 1940 l’Allemagne estime que l’heure est venue de frapper le coup décisif et de passer à l’offensive. Pour la Belgique, pour les garnisons des forts de Liège, la guerre éclair vient de commencer.<br /> <strong>Le vendredi 10 mai 1940</strong> à 0 Heure 40 :<br /> Une communication de l’Etat-major annonce l’alerte, le territoire de la Belgique est menacé. Toutes les coupoles sont occupées et elles sont prêtes à entrer en action. Il en est de même pour les coffres de la défense rapprochée. Au Fort de Pontisse, tout est mis en place pour la défense de la position et de la zone qu’il doit couvrir.<br /> A 4 Heures 20 : Deux gendarmes de la brigade de Herstal viennent signifier au Commandant du Fort qu’il doit faire appliquer le plan « E » C'est-à-dire la phase d’alerte « Pied de Guerre Réelle »<br /> A 5 Heures : La coupole de 105 doit effectuer un tir sur le Fort d’Eben-Emael. Des parachutistes viennent d’être déposés par des planeurs. Cent coups de canon seront ainsi tirés en direction du toit du fort d’Eben-Emael, cette opération sera renouvelée plusieurs fois au cours de la journée. Durant ce premier jour de guerre, le Fort de Pontisse interviendra sur un autre objectif : il va empêcher, par des tirs précis de sa coupole de 105, le passage des chaloupes allemandes qui essayent de traverser la Meuse à la hauteur de la ville d’Eysden, cité hollandaise, en face de Lixhe-Lanaye. Les canots sont détruits ou ils ont basculé dans le fleuve, les Allemands vont ainsi renoncer à leur nombreuses tentatives de traverser la Meuse.<br /> <strong>Le Samedi 11 mai 1940</strong> à 1 Heure 30 :<br /> Le Fort de Pontisse fait un tir de concentration sur une batterie allemande repérée à 500 mètres du clocher de l'église de Saint-Rémy. Les tirs durent 5 minutes.<br /> A 2 heures : Sous la conduite de leurs officiers et sous-officiers, les hommes qui doivent rejoindre l'armée de campagne quittent le fort. Ceux qui restent savent, à présent que leur mission est de mener des combats retardateurs donc une mission de sacrifice.<br /> A 4 heures 30 : Les tirs vont reprendre, parce que les troupes allemandes tentent d’installer un pylône d'observation à Grand-Lanaye et de construire un pont, a environ 500 mètres plus au nord du lieu de passage, par ou elles avaient tenté de traverser la veille. 18 barques ou nacelles ont été détruites par les tirs, le pylône et le pont ne seront pas construits.<br /> A 5 heures 30 : Le Commandant du 2ème groupe des garnisons des Forts de Liège vient installer son poste de commandement au Fort de Pontisse. Il peut ainsi se rendre compte du zèle déployé par le Capitaine Pire et par ses hommes dans la défense de la position.<br /> A 6 heures : Le Fort exécute des tirs en avant du pont de Berneau.<br /> A 7 heures : A la demande du Fort d'Eben-Emael, les artilleurs de Pontisse tirent sur le Moulin, en bordure du Geer.<br /> A 8 heures 30 : Des troupes allemandes sont en marche dans le triangle Visé – Mouland – Warsage. Les coups répétés du Fort de Pontisse obligent l'ennemi à se réfugier dans une ferme proche, et les tirs sont alors dirigés vers cette ferme.<br /> A 10 heures : C’est la visite du Commandant de l’artillerie du IIIème Corps d’Armée. Il se déclare très satisfait des prestations du Fort de Pontisse.<br /> A 11 heures : La liaison avec Eben-Emael est coupée, on s'interroge. Au cours de la journée, le poste d'observation « P.L.13 » sur la route d'Oupeye est bombardé par l'artillerie allemande, installée dans la région de Dalhem. On apprend, en même temps, que la villa JOASSART à Argenteau est occupée et que les Allemands y ont installé un observateur. L'obusier de 75 du Saillant III réplique par quelques tirs précis, qui ont pour effet de calmer le zèle de cet observateur, et les tirs de l'artillerie allemande se dispersent.<br /> A 18 heures : On a appris que le Fort d’Eben-Emael était tombé, alors le Commandant du Fort de Pontisse autorise l’observatoire permanent 204 à se replier sur Liers après avoir détruit les dossiers.<br /> A 20 heures : Les guetteurs signalent que des patrouilles allemandes viennent de Hermalle, et qu'elles tentent de franchir le pont à Vivegnis. La coupole du Saillant III disperse cette patrouille par ses tirs au but. Le Fort tire alors sur le pont de Vivegnis, qui va sauter au 6ème coup. La coupole de 105 exécute des tirs sur le tunnel de Dalhem, ou les troupes allemandes se sont réfugiées. L'obscurité va empêcher de pousser les réglages au maximum pour les tirs sur le pont du Canal Albert à Hermalle, mais les ponts de Hermalle sauteront aussi sous l'action des troupes du Génie belge, le pont de Haccourt sera, quant à lui, détruit par les cyclistes frontières.<br /> La nuit : Pendant que des patrouilles de sécurité circulent dans les environs du fort, la coupole de 105 exécute des tirs d’interdiction sur les nœuds routiers de Withuis en Hollande, de Wonck et Bassenge dans la vallée du Geer.<br /> Le dimanche 12 mai 1940 à 6 heures 30 :<br /> Une patrouille de la section des mitrailleurs contre avions voit un bombardier léger, de la Royal Air Force, s’abattre dans la campagne de Rhées. Elle ira récupérer les hommes de l'équipage. Malheureusement, le pilote Mike ROONEY a été tué, le Capitaine TIDERMAN, chef de la mission et son observateur, blessé à la main, sont amenés au Fort. Dans la matinée, des patrouilles sont allées reconnaître la vallée du Geer, la zone de Milmort – Hermée – Grand-Aaz ainsi que le secteur de Lanaye, elles rapportent des renseignements intéressants sur les positions allemandes et les communiquent au bureau de tir. Ces positions deviennent des objectifs pour la coupole de 105 qui commence à les pilonner.<br /> Vers 11 heures 30 : Le poste d’observation « P.L.13 » signale une colonne motorisée, qui monte la route de Haccourt à Oupeye. Aussitôt, les 4 coupoles de 75 concentrent tous leurs tirs sur cette route. Prise sous les feux de Pontisse, la colonne allemande doit faire demi-tour, en laissant sur place quelques motos et une voiture.<br /> Vers 13 heures : La situation se répète avec une colonne d'infanterie allemande, qui débouche sur la grand’ route d'Haccourt. Bien renseignés, les tirs du Fort et les mitrailleurs de l'abri « P.L.13 » entrent en action et les Allemands, surpris par la précision des coups, se dispersent dans les vergers. Ils s'abritent dans les maisons proches, d'autres au cabaret « le Stop » et à la ferme d'en face. Mais le poste « P.L.13 » est tellement précis dans les coordonnées qu'il transmet au Fort, que les canons de Pontisse n'ont aucun mal à transformer le cabaret et la ferme en écumoire. Ainsi délogés de leurs abris, les soldats allemands s'éparpillent dans la campagne et les soldats du Fort les poursuivent de leurs tirs appuyés.<br /> Par après : Les Allemands, vexés par l'échec de leurs tentatives, vont essayer de s'emparer de l'abri-observatoire « P.L.13 », mais leurs attaques seront repoussées. Au Fort, la coupole du Saillant I semble avoir été touchée, mais elle sera vite réparée.<br /> A 20 heures : Barchon communique que la batterie allemande, qui tire sur le fort de Pontisse, est installée à la Chapelle de LORETTE, à Visé. Immédiatement, la coupole de 105 prend la position allemande sous le feu de ses canons. Alors, l'activité de l'artillerie allemande ralentit peu à peu et elle cesse quand la nuit tombe.<br /> Durant la nuit : Les Allemands ont fait installer des pièces d'artillerie en grand nombre. A présent, leurs canons à pied d'œuvre, vont commencer a harceler Pontisse.<br /> <strong>Le lundi 13 mai 1940</strong> :<br /> Le jour est à peine levé, que la bataille reprend et elle va durer jusqu'au soir et mettre en lumière, de façon éclatante, la valeur militaire de la garnison de Pontisse.<br /> En premier lieu : C'est le poste « P.L.13 » qui rallume le combat contre une colonne d'infanterie allemande venant de Haccourt vers Oupeye. Comme la veille, elle tombe sous le feu du Fort et elle doit rebrousser chemin.<br /> Peu après : L'artillerie ennemie va prendre le « P.L.13 »sous ses tirs, pendant que d'autres troupes allemandes apparaissent sur la route du Canal vers le Werihet, le Fort de Pontisse va les accrocher et quand les Allemands arrivent à hauteur du pont de Hermalle, ils tombent sous le feu des 2 coupoles de 105 du Fort de Barchon. Mais ces acharnés soldats parviendront quand même à traverser le barrage de feu. L'ennemi est exaspéré, de voir que tous ses mouvements sont contrariés par un Fort qui faisait figure d'adversaire insignifiant à côté de Eben-Emael, tombé en 36 heures. Aussi, le commandement allemand a décidé de lancer un assaut en règle contre Pontisse, pour mettre ce fort hors de combat.<br /> A 10 heures : Le sous-officier, chef de poste de l'abri prise d'air, signale qu'il reçoit des coups qui lui sont portés par des obus de petit calibre qui sont tirés depuis le Fond de La Vaux. Aussitôt, les coupoles de 75 et les fusils mitrailleurs commencent à faucher les positions allemandes de La Vaux. Très vite, l'abri prise d'air apparaît comme étant la cible principale et elle reçoit des moyens supplémentaires, qui lui permettent d'arroser de ses tirs, maisons, remises, hangars, jardins, vergers, lisières des bois, où l'ennemi pourrait trouver refuge. Mais les Allemands se sont déployés en éventail depuis la route militaire jusqu'au village de Vivegnis. De là, ils se lancent à l'attaque du Fort. Les coupoles de 75 frappent à coups redoublés dans les rangs allemands. Mais cela reste la prise d'air, l'objectif, où l'ennemi porte ses coups les plus redoutables et elle se défend avec acharnement. Deux petits canons allemands, bien dissimulés dans les jardins des maisons du Fond de La Vaux, sont repérées et réduits au silence.<br /> La bataille fait rage jusque 13 heures 30, après, le vacarme s'apaise, l'ennemi n'a conquis aucun avantage, il se replie et il regagne ses positions de départ.<br /> A 14 heures : On n'aperçoit plus aucun Allemand dans les alentours du Fort, seulement quelques véhicules de reconnaissance sur la route d'Oupeye-Hermée. Les tirs du Fort vont les démolir à hauteur de l'Arbre du Chenay.<br /> A 16 heures 30 : Une batterie allemande, installée à la ferme de CROMWEZ, au nord de Dalhem, est prise à partie par les canons des Forts de Barchon et de Pontisse.<br /> A 17 Heures : Des troupes allemandes qui prennent position à hauteur de la ligne du tram vicinal Liège-Bassenge, et aux débouchés d'Oupeye sont repérées, les coupoles de 75 se chargent de les repousser, ceux qui se trouvent dans la campagne de Hermée refluent vers le champ d'épreuve de la fonderie des canons, où ils seront encore délogés par nos obusiers.<br /> A 18 Heures 30 : Les Allemands lancent une nouvelle offensive, les tirs de canons de petit calibre viennent frapper l'abri de la prise d'air, du poste d'observation cuirassé. Le Fort, lui-même, est bombardé par des obus de moyen calibre. Malgré cela, les obusiers ne lâchent pas leurs proies. Mais cela tire de partout et les cibles sont tellement nombreuses que nos soldats ne peuvent pas répondre à toutes les demandes. Les Allemands se rapprochent dangereusement, mais on ne peut plus faire face à tous les dangers qui menacent le Fort. A la même heure, le poste « P.L.13 » est attaqué par des troupes qui montent vers Oupeye par les champs du Wérihet et par la route de Haccourt. Il demande un appui au Fort, pour être dégagé mais, malgré ses appels pressants, il n'est pas possible de donner satisfaction, le Fort doit parer à des dangers plus immédiats.<br /> Pourtant, le chef du poste « P.L.13 » voit un officier allemand en side-car qui s'arrête à 30 mètres de l'abri à côté du sentier dit « du Sacrement », qui va d'Oupeye vers Beaurieux.<br /> Cet officier ne se rend pas compte de la proximité avec l'abri « P.L.13 », il déploie sa carte, le chef de poste signale la chose au bureau de tir du fort « discrètement ». Au moment ou l'officier allemand allume une cigarette; un obus lui éclate entre les jambes. Une fois la fumée dissipée, il ne reste sur place que des débris, les cadavres seront retrouvés à plusieurs mètres delà. Le chef de l'abri « P.L.13 » demande qu'on lui apporte des vivres et des munitions.<br /> A la tombée de la nuit : Le Fort s'est jusque là, défendu rageusement. Les Forts de Barchon – Evegnée – Fléron et même Flémalle ont aidé au mieux Pontisse pour barrer les accès au fort à l'ennemi. Avec l'obscurité, les combats diminuent et leur intensité est retombée, on peut alors penser à ravitailler « P.L.13 ».<br /> A la nuit : Une patrouille composée d'un gradé et de deux hommes quittent le Fort en direction de « P.L.13 ». Ils rentrent 3 heures plus tard, n'ayant pas pu passer les barrages ni de Oupeye, ni de Vivegnis, tous les chemins sont fortement gardés. De toute manière, c'était inutile, le chef de poste de « P.L.13 », constatant la rupture de liaison avec le Fort avait quitté l'abri avec ses hommes, profitant de l'obscurité, ils se sont refugiés dans les caves d'une maison voisine où ils resteront trois jours avant de regagner leur domicile. Des tirs de harcèlement sur les nœuds routiers. Une surveillance a été placée sur le massif pour détecter toute activité ennemie qui s’approcherait du Fort.<br /> <strong>Le mardi 14 mai 1940</strong> au lever du jour :<br /> On voit des travailleurs ennemis occupés à des travaux de terrassement sur la crête voisine, ils vont être dispersés par le feu des 75 de Pontisse, mais ils reprennent leurs travaux, dès que les tirs en leur direction cessent. Nos coupoles de 75 ne peuvent pourtant pas rester concentrées sur ces travailleurs ennemis parce qu'il faut aussi disperser des troupes allemandes à l'orée d'Oupeye. Le Fort de Barchon est attaqué par l'aviation allemande, et la coupole de 105 tire en fusant à l'aplomb du Fort de Barchon, pour obliger les STUKAS qui bombardent en piqué, de lâcher leurs bombes de plus haut.<br /> A 13 heures 25 : C'est à présent Pontisse qui est attaqué par les bombardiers en piqué, qui déversent leurs bombes sur le massif et sur les organes de défense voisins. C’est alors qu'un homme arrive au bureau de tir pour signaler que la coupole du Saillant II est hors service et qu'il y a des blessés.<br /> A 15 heures : C'est au tour de la coupole du saillant I de recevoir un coup dans sa proximité et ici aussi, la coupole a des dégâts qui vont handicaper son fonctionnement. Conjointement aux attaques aériennes, le fort subit aussi le feu des canons de campagne allemands, mais le Fort se défend avec acharnement, la prise d'air et les obusiers 75 intacts parviennent à maintenir l'ennemi à distance.<br /> A 18 heures : Des voitures blindées allemandes sont immobilisées près de l'arbre du Chenay, à Oupeye, sous les tirs du Fort de Pontisse. Ensuite, Barchon demande le concours de Pontisse pour exécuter un tir sur une villa de la route de Chefneux.<br /> A 18 heures 30 : Deux observateurs sont blessés, le premier à la main fracassée par un petit obus pénétrant, le second est atteint à la face par des éclats après l’explosion d'un autre obus.<br /> A 19 heures 30 : Comme c'était aussi le cas le jour précédent, tous les environs du Fort sont couverts par une épaisse fumée qui aveugle tous les postes de guet, c'est le prélude d'une grande attaque, aussitôt, bien que la visibilité soit nulle, les fusils-mitrailleurs, les obusiers de 75 et même la coupole de 105 déploient toute leur puissance de feu sur les glacis et ils transforment, en zone de mort, tous les endroits où des assaillants pourraient s'aventurer.<br /> A 20 heures 30 : L'assaut à sans doute échoué, parce que le Fort encaisse des coups d'un bombardement à gros calibre de l'artillerie lourde allemande. Les coups sont portés, à intervalle régulier, jusqu'à la tombée de la nuit et ils font trembler tout le Fort.<br /> <strong>Le mercredi 15 mai 1940</strong><br /> Les hommes sont épuisés par les alertes continuelles, ils essayent de prendre quelques heures de repos mais ce n'est pas facile, à cause des bombardements successifs, la tension nerveuse est au maximum.<br /> A 6 heures : Le Bombardement de gros calibre reprend contre le Fort et des mouvements de troupes ennemies inquiètent les défenseurs, qui répliquent par des tirs de leurs coupoles. Le Fort de Barchon exécute les tirs qui lui ont été demandés sur les arrières de la ferme THIRY et en revanche, Barchon demande que le Fort de Pontisse lance des salves d'interdiction sur les débouchés venant du village de Housse.<br /> A 7 heures : Tout rentre dans un calme relatif. Des patrouilles sortent du Fort, pour constater les dégâts, tout le long des glacis, les barbelés sont cisaillés, les piquets sont balayés, il n'y a plus aucun obstacle en place, la rampe d’accès n’existe plus, la porte du corps de garde est sortie de ses gonds qui sont arrachés, le fossé du coffre de gorge est comblé par des terres, plusieurs cratères ont de 4 à 5 mètres de profondeur entre les Saillants II et III, le cratère est immense. Sur les pentes des glacis, il ya une quantité invraisemblable de fusils, mitraillettes, grenades, boites de munitions et de fusées, pistolets lance-fusées, besaces, havresacs, lunettes de pointage, tout un matériel abandonné par les soldats allemands. Dans une excavation, on découvre le cadavre d'un soldat allemand, la tête à moitié arrachée. Des corvées sont désignées pour dégager les abords et nettoyer les glacis, il faut précipiter tout ce matériel, laissé sur place dans les fossés du Fort. Pendant qu'une équipe est chargée de combler les excavations du fossé de gorge, une autre équipe doit garnir de mines l'éventration de la contrescarpe. L'aumônier, aidé par quelques brancardiers porteurs du fanion de la Croix-Rouge, se préparent à enterrer le cadavre allemand. Ils sont appelés par un soldat allemand qui agite un drapeau blanc, marqué de la Croix- Rouge. L'homme dévale la pente, débouche par le petit sentier, il est aussi porteur d'un brassard de la Croix-Rouge et il vient expliquer aux soldats belges que le soldat tué est un « KAMARADE », et il demande à reprendre ses effets personnels, on les lui remet, à l’exception de ses papiers, qui seront remis au bureau de tir pour être examiné et le brancardier allemand repart par où il est venu en emportant les effets de son « KAMARADE ». Grâce au dévouement des deux cuisiniers du Fort, grâce à la complaisance des membres de l'administration communale herstalienne et au courage de monsieur LOUVEAU de Herstal, le fort a reçu, malgré les bombardements, du pain frais jusqu'à ce jour.<br /> Aujourd'hui : Les soldats du Fort peuvent prendre une douche, manger une bonne soupe chaude et du café chaud. Les spécialistes du matériel travaillent à la remise en état de la coupole de 75 du Saillant I. Le Fort d'Evegnée a repéré une batterie allemande installée dans le parc de Bernalmont et il demande au poste d'observation cuirassé de Pontisse de diriger et de renseigner ses tirs sur la position allemande. Dans l'après-midi, le Fort de Pontisse exécutera quelques tirs sur une batterie allemande installée au nord de Dalhem, et le harcèlement continue sur les principaux nœuds routiers.<br /> <strong>Le jeudi 16 mai 1940</strong> au petit jour :<br /> Un groupe de servants de la coupole de 105 est designé pour s’installer dans la ferme THIRY, sa mission est d'observer les mouvements des Allemands autour de la ferme et du fort, mais surtout de surveiller le versant du fond de La Vaux, qui est caché aux observateurs du poste cuirassé du Fort. Des téléphonistes établissent une ligne volante pour communiquer avec le fort et les hommes emportent cinq mitrailleuses pour la défense de leur poste. Seulement, ils reçoivent l'ordre de n'intervenir qu'en toute dernière extrémité pour ne pas dévoiler leur position.<br /> A 9 heures : L'abri d'observation situé « aux Communes », à Cheratte hauteur, signale une colonne de 200 hommes qui se dirigent de Haccourt vers Vivegnis. Le Fort de Pontisse accroche cette colonne par des tirs de la coupole de 105. Des groupes de travailleurs allemands se détachent en direction d'Oupeye et à la lisière du bois de Pontisse, les renseignements fournis par les postes d'observation de la prise d'air, de la ferme et de l'observatoire cuirassé du Fort concordent et les coupoles leur livrent une véritable chasse.<br /> A 14 heures 30 : Des fantassins allemands s'avancent sur la route de Hermée, le poste de la ferme Thiry demande à pouvoir intervenir, mais on leur répond de ne pas bouger, c'est la coupole du Saillant I qui se charge de cette besogne.<br /> A 19 heures 30 : Une troupe d'infanterie allemande débouche au pont de Haccourt et vient vers le sud en suivant le canal, le fort règle ses tirs qui se poursuivent jusqu’à la nuit tombante sur ce passage.<br /> Le soir : Le Fort d’Aubin-Neufchâteau transmet à Pontisse un message adressé au Fort de Liège signé par Léopold Roi des Belges, qui disait « Officiers, sous officiers et soldats de la position fortifiée de Liège, vous résistez jusqu’au bout de vos forces pour défendre la Patrie, je suis fier de vous ! » Le message de sa Majesté le ROI a été diffusé sur les antennes de la radio qui ajoutait encore que la population Belge toute entière exprime sa plus grande admiration aux héros qui dans les Forts de Liège, résistent à outrance à tous les assauts de l’envahisseur. Suite à ce message le moral du Fort est bon. Certains de nos soldats vont même pousser la chansonnette, il serait même question d'aller « pendre son linge sur la ligne SIEGFRIED »<br /> <strong>Le vendredi 17 mai 1940</strong><br /> Le bombardement qui avait cessé la veille reprend à une cadence assez lente. Barchon est attaqué par les avions qui lâchent leurs bombes en piqué. Le chef de poste, installé dons la ferme Thiry, donne des indications précises à la coupole de 105 pour procéder au déclenchement des tirs fusants au bon moment. De son côté, le Fort d'Evegnée procède par des tirs identiques. Touché par les éclatements de ce tir croisé, un STUKA est abattu, il s'écrase à proximité du Fort de Barchon. Après le S.O.S. lancé par Barchon, toutes les coupoles de Pontisse exécutent des tirs de dégagement dans les fossés et à la limite nord du Fort de Barchon, ainsi que sur la route de Housse.<br /> Vers midi : La liaison téléphonique, avec Barchon, est coupée, pour communiquer, il reste le lancement des fusées et la télégraphie sans fil.<br /> Après-midi : Un avion de reconnaissance allemand survole le Fort à basse altitude et peu après, le bombardement reprend avec violence, les obus de gros calibre martèlent le toit du Fort, les coups assourdissent et on sent même le souffle des déflagrations. Les petits canons de campagne allemands sortent du bois des Trixhes, et ils se camouflent sur la crête de La Vaux pour tirer sur les défenses du Fort. Des obus plus petits arrivent à grande vitesse sur leurs objectifs. L'observateur de la ferme Thiry et celui de la prise d'air guident, au mieux, les coupoles du Fort qui répliquent et pour le Saillant IV, qui n'a pas de vue directe, c'est le poste d'observation cuirassé qui dirige ses tirs. La coupole du Saillant III est détruite et deux hommes sont gravement atteints, le chef de poste fait savoir qu'un obus a traversé la coupole et il l'a réduite en ferraille. Quand le médecin arrive sur place, le premier homme est mort, quant au second, il est transporté à l'infirmerie mais il décède sur la table d'opération. Ce sont le soldat milicien HEUSY et le soldat rappelé BAJARD. BAJARD était un soldat d'un autre régiment, qui avait rejoint le Fort de Pontisse ne sachant pas où retrouver son unité. Quant aux blessés, les soldats BRITTE et HELLIN, ils sont soignés à l'infirmerie. Le Fort de Barchon a signalé qu'une batterie allemande, qui tirait sur Pontisse, était probablement située à Wandre, mais tous les efforts pour la découvrir sont restés vains.<br /> A 19 heures 30 : C'est le poste d'observation cuirassé qui est touché. Un obus de 88 allemand a traversé le blindage, et les observateurs ont dû battre en retraite. Au milieu de la nuit, les hommes du poste installé à la ferme Thiry ont pris les dispositions pour installer des obstacles sur lesquels les Allemands doivent buter en cas d’intrusion nocturne. Soudainement, l'homme qui assurait la garde entend des bruits de bottes au rez-de-chaussée. Ce sont effectivement des soldats allemands qui visitent la ferme, mais ils s'en iront sans avoir trouvé nos soldats belges installés aux différents étages.<br /> <strong>Samedi 18 mai 1940</strong> :<br /> A peine le jour est-il levé, que le bombardement qui s'était interrompu durant la nuit, reprend avec force et vigueur. Les obus de 88 des fameux canons allemands pleuvent sur le Fort de Pontisse. Qui plus est, les Allemands s'aperçoivent de la présence des soldats belges, qui observent depuis la ferme Thiry. Aussitôt ce poste est pris pour cible, plusieurs tirs en rafale ponctués par les obus de 88 balaient la toiture de la ferme. Mitrailleuses et appareils téléphoniques sont basculés, plus de communication avec le Fort. L'infanterie allemande surgit aux débouchés d'Oupeye, elle est accueillie par les salves des obusiers de 75 qui fonctionnent encore et par le tir fusant de la coupole de105. Le Saillant IV intervient contre les troupes allemandes rassemblées en bordure du Bois de Pontisse. Le Saillant I reçoit un coup qui bloque son fonctionnement, on essaye de suite de réparer.<br /> A 10 h 30 : Il ne reste plus qu'un seul obus à la coupole de 105, un officier et un sous-officier artificier sont désignés pour la faire sauter dès qu'elle aura tiré son dernier coup. Le Fort est fortement ébranlé par les bombes des avions allemands qui viennent encore s'ajouter au pilonnage terrestre. Soudain, une terrible déflagration, c'est la coupole de 105 qui vient de sauter. La prise d'air est également engagée contre l'infanterie allemande qui parvient à s'installer au-dessus de l'abri. Au bout d'une demi-heure, l'officier de tir voit une forme humaine qui se laisse glisser le long d'une corde pour attaquer l'embrasure de la prise d'air, aussitôt, l'officier abat cet intrus d'un coup de pistolet. Le Saillant IV tente plusieurs tirs à courte distance pour dégager la prise d'air, mais il n'a pas de vue sur cet objectif et les tirs sont dispersés. Il y a déjà une heure que les avions viennent bombarder le Fort, quand un coup plus violent que les autres ébranle les murs. Une bombe est tombée à l'aplomb de l'escalier qui conduit à l'étage du bas, une deuxième bombe qui viendrait frapper sur la gorge du massif couperait tout accès vers la sortie. La coupole du Saillant IV balaie les environs avec ses boîtes à balles. La prise d'air voit surgir les assaillants à l'embrasure avec des lance-flammes, aussitôt, c’est le « branlebas » les soldats belges évacuent et à peine la porte blindée refermée, les lance-flammes attaquent. Sous l’action de la chaleur, les munitions spéciales, balles traçantes et incendiaires ainsi que quelques grenades restées dans le local, explosent littéralement. Après la déflagration, des épaisses fumées envahissent la prise d’air.<br /> Par précaution, la ventilation est coupée mais l’officier entend les appels venant du Saillant IV, les servants sont menacés d’asphyxie, ils demandent que l’on rétablisse le système de ventilation. Les fumées se répandent dans tout le Fort et les soldats de Pontisse sont pris aux yeux et à la gorge. C’est à un point tel que, même cinq jours plus tard, nourriture et boissons resteront imprégnées de cette odeur. Un S.O.S est lancé au Fort de Barchon, mais il semble que l’appel ne soit pas reçu. Barchon ne répond plus, les tirs venant de ce Fort ont cessé depuis midi. Tous les efforts pour réparer la coupole du Saillant I sont restés vains, d’autant plus que les bombes lâchées par les avions ont encore aggravé le blocage. Alors, est donné l’ordre aux artificiers de la faire sauter. La liaison avec la poterne d’entrée est coupée, la situation s’aggrave. Seule la coupole du Saillant IV mène encore la vie dure aux assaillants et aux pièces de l’artillerie allemande située en bordure du Bois de Pontisse, mais ses munitions s’épuisent, il ne lui reste plus que 30 obus et boîtes à balles. Pour les coffres de défense, la situation devient insoutenable, on ne distingue rien à cause des fumées, et quand les fusils mitrailleurs veulent intervenir, des pièces lourdes installées sur le glacis tirent à bout portant sur les embrasures où les Allemands attaquent aux lance-flammes. Depuis la galerie, les soldats du Fort entendent des bruits de travaux : les Allemands sont en train de placer des mines. Des assaillants installés, à cheval, sur la caponnière tentent de répéter le coup de la prise d’air. Des mitrailleuses sont installées pour prendre la galerie en enfilade. Le Fort de Pontisse est acculé, il a épuisé tous ses moyens de défense. Le Saillant IV, seul en état de tirer, épuise ses dernières munitions<br /> A 13 heure 45 : Le drapeau blanc est présenté à l’entrée du Fort. Le Fort de Pontisse s’est rendu à l’extrême limite de ses forces. Après la chute du Fort de Pontisse, les Allemands n'en croyaient pas leurs yeux, étonnés qu'ils fussent du peu de perte subie par la garnison, en plus, ils croyaient que le fort était doté d'un système de télécommande, au vu de la rapidité et de la multiplicité de ses tirs. Un lieutenant allemand s'écriera même « DAS IST BRAVE SOLDATEN ». Ils accordèrent aux soldats de Pontisse le droit de pouvoir enterrer leurs deux morts au combat et ils rendront les honneurs militaires à ces deux combattants. Ensuite, ils feront évacuer les soldats belges blessés et malades, et ils vont également évacuer le major allemand qui commandait les troupes d'assaut. Cet officier supérieur a eu la jambe broyée par un obus et c'est un médecin belge qui lui avait donné les premiers soins. Les Allemands permettront au major SIMON, commandant du IIème groupe et au capitaine PIRE, commandant du Fort de Pontisse de conserver leurs sabres.<br /> Source :<br /> <a href="https://www.maisondusouvenir.be/soldat_lhoest_nicolas.php">https://www.maisondusouvenir.be/soldat_lhoest_nicolas.php</a> Thu, 29 Feb 2024 16:32:46 +0100 La campagne des dix-huit jours mai 1940 : Albert Dhondt https://www.freebelgians.be/articles/articles-1-245+la-campagne-des-dix-huit-jours-mai-1940-albert-dhondt.php https://www.freebelgians.be/articles/articles-1-245+la-campagne-des-dix-huit-jours-mai-1940-albert-dhondt.php <p style="text-align:justify">Albert Dhondt a connu le front depuis l'invasion de la Belgique par les Allemands jusqu'à la capitulation. En tant que sous-lieutenant au 2e Régiment des Guides, il commande un peloton qui fait le trajet d'Opitter dans le Limbourg jusqu'à la côte belge.<br /> Le 2 juin 1940, il fut fait prisonnier de guerre et déporté à Soest. Il y décrit la ‘’ campagne de 18 jours’’ telle qu'il l'a vécue au jour le jour. Les notes étaient écrites au crayon sur 69 pages dans des ‘’cahiers d'écolier’’ à trois lignes.<br /> L’auteur avait alors 25 ans et venait de se marier</p><br /> <br /> <p style="text-align:center"><img src="https://www.freebelgians.be/upload/19_2_03a4_albert_d_hondt.jpg" alt="" class="valign_" /></p><br /> <br /> <strong>Le début</strong><br /> <br /> <p style="text-align:justify">Juste au début de la guerre, nous nous trouvions avec les 2e Guides le long du canal de Campine , à 25 km devant le régiment, dont nous devions défendre 4,5 km avec le 5° escadron. pour les 4 pelotons, d'environ 22 hommes. Cela signifiait que je disposais d'une longueur de 1 100 m à défendre pour mon peloton en cas d'attaque.<br /> <br /> La garde-frontière, dont nous occupions actuellement le poste, était entré en période de camp depuis 14 jours et devrait se précipiter au secours de notre régiment en cas de danger. Lorsqu'il faut défendre une bande de 1100 m, avec 22 hommes armés de 2 mitrailleuses, abrités dans des abris en terre de fabrication artisanale, qui sont loin de résister aux bombardements, cela signifie que lorsqu'il faut résister longtemps, c’était impossible. J'en étais très conscient. Mais pour le bien des soldats, le chef de section devait garder une bonne attitude et cacher volontairement la vérité, ce qui était trop cruel.</p><br /> <br /> <strong>Le 9 mai</strong><br /> <br /> Vers 21 heures, nous nous sommes assis avec tous les officiers du 2e Groupe ainsi que les soldats des 5e et 4e Escadrons à l'auberge du maire d' Opitter où une fête a été organisée pour les soldats, organisée par l'aumônier Van Dijck , quand la nouvelle s'est répandue que les permissions de 5 jours étaient à nouveau admises.<br /> <br /> En raison de la situation, ces congés avaient été réduits de 5 jours à deux au cours d'un mois. Joie générale en apprenant cette nouvelle. Mais presque au même moment, étant sortis pour échapper au café moisi et prendre l'air, nous avons vus moi et le lieutenant Max Vandenkerckhove, en direction de Gruitrode une lueur rouge provenant d'un feu de forêt. Je n'avais jamais vu un tel incendie, et encore moins la nuit. Cette occasion ne pouvait pas être manquée. Nous prenons notre vélo et nous dirigeons vers Gruitrode. Ce sont les vastes forêts de la commune qui avaient pris feu. Le bourgmestre, les échevins et toutes les autorités étaient sur place et avec leur aide nous avons commencé les travaux d'extinction. Entre-temps, tout le régiment était sur place, de sorte que l'incendie fut éteint en deux heures. Une heure plus tard, les troupes étaient rassemblées et le maire a offert à toutes les personnes présentes plusieurs verres de bière.<br /> Tout le monde parut très surpris lorsque le sergent Verhelst entra et cria : « Lieutenant, la forêt est de nouveau en feu. » A ce moment-là, nous étions encore avec six officiers - les autres s'étaient tournés vers le cantonnement avec les militaires<br /> <br /> <p style="text-align:center"><img src="https://www.freebelgians.be/upload/19_2_03cdhodt2freebelgians.gif" alt="" class="valign_" /><br /> La position.</p><br /> <br /> <br /> <strong>10 mai</strong><br /> <br /> <p style="text-align:justify">Il était maintenant environ 2 heures du matin le 10 mai, à cette heure-là mon motocycliste est venu m'appeler : « Albert »… <br /> Arrivé à la position, les deux gardes m'apportent l'appel : Tout le monde présent, sauf 2 hommes en congé. Après les claquements et les salutations d'usage, ils sont autorisés à reprendre place dans leurs abris pendant que je m'assois contre un arbre. Fatigué et sentant que le sommeil va m'attraper, j'ordonne à mon infirmier et à ma trompette de monter la garde à tour de rôle au cas où je devrais m'endormir... "Lieutenant, lieutenant, regardez." Il était environ 4 heures du matin,… Vingt-sept avions ont survolé nos têtes. « Le brigadier Lenz , a mis en place le tir; le premier avion qui arrive essaie de le faire tomber ! L'ordre fut exécuté avec courage et, moins de dix minutes plus tard, six avions de bombardement lourd arrivaient en provenance de Maaseik. J'ai donné l'ordre de tirer. Tous les officiers le long de la ligne avaient fait de même et c'est là que nous avons eu les premiers vrais tirs de mitrailleuses sur des avions. Et tandis que le garde Janssens se tenait à mes côtés pour recevoir des ordres, une ligne de balles d'avion a éclaboussé l'eau et a tiré la ligne entre moi et ce garde. Durant la première heure de la guerre, les balles volaient à moins de dix centimètres de nos deux têtes. Une sensation étrange, brrr...<br /> A ce moment-là, Huyge , mon motocycliste, s'est approché de moi : « Lieutenant, vous les avez vus ? Des pilotes allemands ont survolé ! Ils disent tous que c'est la guerre ! Si je les avais vus ! <br /> <br /> Puis j’ai réuni les gardes : « Dites à vos soldats de votre groupement tactique que c’est la guerre. Chacun a son devoir à accomplir. Pendant toute la guerre et à tout moment, ils peuvent compter sur moi. Je compte sur toi et sur eux. Je ne veux pas de lâches dans mon peloton et le premier qui recule sans mes ordres, je tirerai comme un chien. Déterminé à tenir parole et sentant la responsabilité de 20 jeunes vies qui, comme je le savais bien, me suivraient comme des moutons, je me suis installé en vigie et j'ai attendu l'ennemi.<br /> Attendre de voir ce qui va se passer et rester seul avec ses pensées, dans les circonstances dans lesquelles moi et mes soldats nous trouvions à ce moment-là, est plus tortueux qu’un bombardement. Oui, que se passe-t-il en ce moment à Stekene avec tous ceux que j'aime, et surtout avec ma jeune femme ?.. Je savais qu'en réalité rien ne leur était arrivé, mais je pensais qu'ils étaient là-bas à s'inquiéter et à s'inquiéter pour moi. Non, personne ne devrait avoir pitié de moi, c'était la guerre, tout le monde devait se battre, il s'agissait de sauver sa vie et celle de ses amis. Si un, ou deux, ou vingt tombaient pour le bien de vingt et un, ils tomberaient. J’étais déterminé à le faire et, à partir de ce jour, je suis devenu dur comme l’acier.<br /> A 8 heures, nous recevons l'ordre de faire sauter les ponts de Bree et d'Opitter . Bien sûr, tout le monde était curieux de voir ce travail dangereux et de voir plusieurs milliers de kg. de fer s'envoler dans l'air. Ici, nous avons eu notre premier blessé : Seghers . Petite blessure, un morceau de fer au pied, mais comme c'était la première, cela a été largement rapporté.<br /> Après la destruction de ces deux ponts, la panique a bien sûr régné parmi la population vivant de l'autre côté du canal. Ces gens étaient enfermés : du côté nord, la garde ennemie, de l'autre côté du canal la première ligne de l'armée belge. Quand le choc a dû survenir, ils étaient au milieu de l’incendie. Il n'était pas question de transfert, nous avions coulé tous les bateaux en toute hâte.<br /> Vers 9 heures j'ai envoyé ma trompette à mon logement pour confectionner sacs et valises au plus vite et du mieux que je pouvais et aussi pour demander quelques sandwichs. La journée s'est poursuivie dans la même tension anxieuse jusqu'à ce que, vers 16 heures de l'après-midi, nous recevions le choc d'une quarantaine de cyclistes qui patrouillaient. Nous leur avons envoyé quelques balles, mais en vain. Ils rebroussèrent chemin et un peu plus tard nous entendîmes des tirs réguliers de fusils et de mitrailleuses sur notre droite : le 4ème escadron était au contact de l'ennemi.<br /> Et ici, je voudrais m'arrêter un instant pour évoquer l'un des gardes-frontières qui s'est comporté de manière imprudente, mais certainement héroïque. Lorsque le feu fut ouvert sur l'ennemi, l'un des soldats sauta hors de sa cachette et, le torse exposé, se plaça au sommet d'un des abris en béton et de là il abattit quatre soldats allemands ; le cinquième était lui-même. C'était un héros, mais je me demande : "Est-ce normal ?"<br /> A 18 heures, soulagement pour tout le monde, ordre de retraite. Nos camions se trouvaient à environ 4 km de notre position, de l'autre côté de la route d'Opitter. Cette fois, il n'était pas nécessaire, comme lors des exercices, de dire aux hommes de se taire et de suivre.<br /> Les garçons étaient littéralement entassés dans les camions, debout ou assis les uns contre les autres, et passaient la nuit à conduire. Nous ne savions pas où menait la route, il nous suffisait de suivre son prédécesseur à une distance de 20 mètres pendant la nuit, sans lumière et sans lune.<br /> En tout cas, ce fut un soulagement pour tout le monde lorsque nous avons traversé le canal Albert et entendu le pont sauter dans notre dos. Puis je me suis endormi.</p><br /> <br /> <strong>11 mai</strong><br /> <br /> <p style="text-align:justify">A 4 heures du matin, le 11 mai, j'ai été réveillé par le capitaine qui m'a dit : « Lieutenant, je crois que nous sommes là. » Nous sommes arrivés à Zepperen où nous avons rancontré une femme à qui nous avons acheté un sandwich pour trois francs. Nous sommes restés à Zepperen jusqu'à 11 heures du matin. Comme c'était bon d'enlever ses vêtements noirs et brûlés et de se laver.<br /> Ce matin-là, nous avons perdu notre premier soldat à cause d'une balle de mitrailleuse provenant d'un avion après en avoir abattu un nous-mêmes.<br /> <br /> Quand je me souviens de cette retraite d'Opitter, je dois vraiment dire que les Allemands avaient pitié de nous et qu'ils n'avaient en réalité aucune intention de nous tuer. Parce qu'ils ont suivi nos camions pendant une heure entière. Avec cinq ou six bombes, ils auraient pu détruire tout le régiment ou le mettre hors de combat. Ils ne l'ont pas fait. Et cela s’est produit tout au long de cette guerre : là où il n’était pas nécessaire de tuer, les Allemands n’ont pas tué.<br /> Nous quittons Zepperen le 11 mai à 11 heures avec pour mission d'occuper Kortessem, qui sera attaquée par les Allemands. Nous sommes partis à pied, et sommes arrivés à Kortessem vers 14 heures , après une marche forcée. Il ne faut pas oublier que les soldats devaient tout transporter, et transporter « tout » veut dire quelque chose, parlons simplement de leurs munitions. Il n’est pas surprenant que le peloton et l’escadron tout entier soient arrivés épuisés.<br /> J'ai reçu ma mission : « Occuper l'aile droite du village pour éviter un encerclement. En chemin vers mon point d'occupation, je croise tout un escadron de cyclistes qui, abandonnant leurs vélos, courent dans les champs en criant : « Retournez, sauvez-vous, les Allemands sont là ! Le peloton à ma gauche, pris de panique, s'est enfui et nous a dépassés, tandis que le peloton extérieur avec l'adjudant Theunisse s'était perdu et avait demandé à rester avec moi. Le lieutenant du peloton en fuite, actuellement en mission, était entre temps revenu et avait rétabli l'ordre. L'explication de cette panique ? La fuite lâche de ces cyclistes - je suis content d'avoir oublié le nom du régiment -, ajoutée à l'absence de l'officier alors que le peloton était attaqué par un char ennemi, qui avait tiré un coup de canon avec une bombe explosive sur eux.<br /> Les 7 chars français présents démarrent immédiatement une patrouille et reviennent une demi-heure plus tard : aucun ennemi n'est présent dans la zone.<br /> Mais cela ne suffisait pas aux soldats, ils avaient trop peur, ils n’avaient pas encore fait leur baptême du feu. Pour leur donner plus de tranquillité, j'ai reçu l'ordre du commandant d'aller en patrouille avec deux soldats jusqu'à trois kilomètres de la position, pour voir s'il y avait des Allemands.<br /> Arme à la main, accompagnés de deux volontaires, nous sommes partis en racontant des histoires humoristiques tout au long du chemin. Après avoir parcouru un demi-kilomètre, un habitant d'une maison est venu et m'a dit en toute confidentialité : "Lieutenant, n'allez pas plus loin, il y a au moins 10 chars allemands là-bas, à 300 mètres." Et quand je lui ai demandé comment il le savait, il m'a répondu qu'il venait de là et qu'il avait parlé aux conducteurs. Etant comme j'étais, pour ne rencontrer aucun ennemi, ou du moins pas un char, m'en remettant au dire de la patrouille française, je ne me fiais pas à ce discours ; et comme c'était plein d'espions là-bas, je lui ai mis mon revolver dans le dos et je l'ai laissé ouvrir la voie. Une heure plus tard, ma mission était terminée et je retournais en position avec mon bon citoyen où je le remettais au commandant. Je ne sais pas ce qui lui est arrivé d'autre. Mais la surprise du commandant fut grande lorsque je l'informai qu'il n'y avait aucune troupe amie de ce côté et que nous étions donc à l'extrémité de cette ligne de défense.<br /> Et plus tard, on a découvert que nos amis voisins étaient partis à la demande de civils qui ont semé la panique parmi nos soldats. Qui sait, peut-être des Allemands habillés en civil ou des parachutistes.<br /> Comme mes hommes souffraient de faim et de soif - ils n'avaient ni mangé, ni bu ni dormi depuis le 9 mai (imaginez le moral), nous leur avons permis d'aller chercher tout ce dont ils avaient besoin dans les maisons abandonnées.<br /> Pendant la nuit, la moitié du peloton était autorisée à dormir, tandis que l'autre moitié devait rester de garde. Moi-même, je dormais comme un bébé, avec un artilleur qui, après avoir dispersé sa batterie, avait débarqué près de moi, et mon ordonnance. Entre nous se trouvaient deux chiens perdus.</p><br /> <br /> <strong>12 mai</strong><br /> <br /> <p style="text-align:justify">A minuit, l'ordre de retraite arriva, qui devait avoir lieu à 13 heures. Dans tout l'ordre et dans un silence complet, murmurant des ordres d'une oreille à l'autre, un véritable calvaire commençait. Tout le monde était encore fatigué de la veille et, pire encore, nos camions étaient perdus. Comme nous étions sur le point d'être encerclés, la retraite devait se faire à marche forcée de ±7 km/h. Après une marche de 10 km, nous avons eu notre premier repos. Les garçons tombaient comme des blocs sur la route parmi les fantassins qui dormaient partout. Le repos ne doit pas durer longtemps pour ne pas laisser les pieds se refroidir et ne pas donner la possibilité de s'endormir. Il y avait des cuisines, des chariots, des voitures partout, circulant dans des fossés et en silence (il ne faut pas oublier que tout déplacement devait se faire de nuit et sans éclairage). Il fallait aller jusqu'à Alken , où le colonel enverrait un moyen de transport. Nos pieds étaient littéralement déchirés. Pourtant, la route continuait. Beaucoup avaient déjà pris un vélo en cours de route et suivi à vélo. Tout le monde a été très déçu lorsque nous sommes arrivés à Alken et qu'il n'y avait aucune trace de camions. Nous continuerions la marche sur la route de Diest. J'ai été envoyé en avant à vélo avec ordre de savoir à Diest, par téléphone, où se trouvait le régiment (il était maintenant vers 8h30 du matin le 12 mai (dimanche) et de demander au colonel pour un moyen de transport, pour diriger, car l'escadron était en morceaux et ne pouvait plus avancer à pied (nombre de km ±50).<br /> À Diest, il y a eu une véritable dévastation. Il n'y avait pas une seule maison devant laquelle je suis passé qui n'ait été endommagée par des éclats de bombe ou des explosions aériennes. A l'entrée de la ville, de chaque côté de la route, il y avait deux cratères d’obus d'un diamètre d'au moins 12 à 13 mètres. Pas une seule personne n’était visible dans la rue. Une belle vue, une vue tellement mortelle en plein jour. Arrivé à la mairie, j'ai tout fouillé, je n'ai rien trouvé, jusqu'à ce que je pense à regarder dans les rez-de-chaussée et les caves. La première porte que j'ai ouverte, je les avais : Le maire, le curé, le secrétaire et tout ce qui appartient à une telle mairie. « Est-il possible de téléphoner ? Non, toutes les lignes étaient hors d’usage. Puis je reviens d’où je viens. Ces gens me regardaient avec des yeux du genre : « Eh bien, il marche dans la rue. »<br /> J'ai trouvé l'escadron près d'une villa qui se situe sur la route principale entre Alken et Diest. Nous étions là, nous, soldats, épuisés de fatigue et avec du sang dans les chaussures. Je ne pouvais plus marcher debout. Il fallait néanmoins continuer le voyage, aussi avons-nous décidé entre officiers de réquisitionner tous les vélos de la région ou des réfugiés qui se trouvaient sur le chemin<br /> Ici, je peux affirmer avec certitude que ce n'était pas agréable d'enlever les vélos des gens avec une arme à la main. Mais il fallait le faire. <br /> Dans la nuit du 12 au 13 mai, nous, les 5 officiers, montions la garde à tour de rôle pour voir s'il y avait un retrait des troupes. Rien à voir.</p><br /> <br /> <br /> <strong>13 mai</strong><br /> <br /> <p style="text-align:justify">Je proposai de me procurer un cochon et de l'abattre pour l'escadron. Au moins, les garçons pourraient manger de cette façon. Accord total. Les soldats étaient logés dans une maison vide où il y avait beaucoup de pommes de terre disponibles. Un cochon a été réclamé et deux heures plus tard, nous avions enfin de la nourriture qui avait pour la première fois le goût de la nourriture.<br /> Cependant, pendant que nous mangions, Van Cutsem est venu nous chercher pour former une résistance à Klein Vorst<br /> Sur le chemin de Klein Vorst, nous rencontrâmes la colonne du ravitaillement, qui ne sachant pas où se trouvaient les cuisines, se tenait le long de la route avec ses camions plein de pain. Une miche de pain a été rapidement distribuée à tout le monde, ce qui a contribué à remonter le moral.<br /> Lorsqu'ils arrivèrent à Klein Vorst, un contre-ordre avait été reçu car la brèche était trop grande. Le régiment était en grande partie parti et nous ne vîmes que des carabiniers en fuite qui durent occuper Klein Vorst.<br /> Les lieutenants Vandenkerckhove et Dumon avanceraient avec leur peloton et défendraient un point faible. Avant de partir, ils se sont serré la main et ont dit : « Ça va. » Ces deux pelotons risquaient une mort certaine. Je me tenais à l'arrière de la colonne pour éviter les désertions, tandis que le lieutenant Morel de Westgaver devait s'assurer que les camions faisaient demi-tour et que les hommes restaient à l'intérieur, prêts pour une retraite rapide.<br /> Et je ne peux passer sous silence l’un des plus beaux moments de toute ma carrière d’officier.<br /> Assisté d'un militaire - je n'oublierai jamais son nom car Reyniers a fait un travail formidable - j'étais bien décidé à ne laisser personne s'éloigner. Jusqu'à ce qu'à un certain moment, toute une bande de carabiniers accourent. Nous nous sommes tous deux positionnés au milieu de la route avec un pistolet dans une main et une grenade à main dans l'autre. Je leur ai crié à pleins poumons : « Le premier qui bougera un autre pied aura le plein chargement ! », tandis que Reyniers : « Si vous (et là il a proféré un énorme juron) ne retournez pas à votre poste. , je te jure que ma grenade arrivera sur ton cul...". Et comme frappées par la foudre, ces cent hommes s’immobilisèrent. Le major s'est avancé et m'a demandé des nouvelles. « Je suis désolé, mon major, j'ai pour ordre de ne laisser passer personne et j'exécuterai mes ordres même si ma première balle était pour vous. La vie de centaines de personnes peut dépendre de la vôtre. Et ils repartirent, de sorte que quelques heures plus tard, les deux pelotons, perdus sans aide, revinrent complètement sains et saufs. On n’oublie pas de tels moments.<br /> Vers 23 heures, nous sommes autorisés à nous retirer et notre escadron se voit confier 8 prisonniers de guerre (dont 2 blessés) capturés 't Kint de Roodebeke . (On apprend ici le décès du lieutenant Van Maldeghem , qui s'était aventuré sur la digue à moto pour donner du courage à ses soldats.)<br /> Les prisonniers de guerre devaient être répartis : deux par camion entre nos soldats, à qui nous avions d'abord chargé de les traiter comme ils l'auraient souhaité s'ils subissaient le même sort.<br /> Nos garçons ont répondu à cet appel et n'ont pas fumé une seule cigarette sans que les prisonniers ne fument également.<br /> Sans savoir où nous allions, chaque chef de section suivait la colonne ; mais par hasard, nous avons été coupés par une colonne française, à tel point que nous avons perdu le contact avec le régiment. Heureusement nous avions le mécanicien du régiment qui nous avait suivi et avait en sa possession le panneau indicateur : Nous devions aller à Londerzeel . Incapables de rouler plus loin dans l'obscurité, nous avons attendu le jour et sommes arrivés à Londerzeel vers midi.</p><br /> <br /> <strong>14 mai</strong><br /> <br /> <p style="text-align:justify">Ici, nous avons profité d'un repos bien mérité jusqu'au lendemain, le 15 mai.<br /> Cependant, je voudrais mentionner ici une réponse sympathique d'un de mes soldats, mais je ne me souviens plus de son nom. Lorsque nous avons déposé nos prisonniers et aidé les deux Allemands blessés à descendre du camion, un citoyen a crié : « Tuez-les morts, lâches, pourquoi devez-vous les nourrir et les aider ? » Puis l’un des hommes se redressa et dit : « Monsieur, ces garçons ont été capturés au cours de la bataille, les armes à la main. Ils n’ont pas demandé la guerre, pas plus que vous et moi, et si vous avez tellement envie de tuer des Allemands, venez avec nous demain, vous aurez autant d’occasions que vous le souhaitez. Alors ce citoyen, rouge de honte, disparut sans laisser de trace.<br /> Deux médecins civils ont fait le rapprochement : l'un avait reçu une balle dans le dos, tandis que l'autre avait les deux fesses transpercées. Et ici, nous avons appris d'eux qu'ils étaient assis avec 140 hommes de l'autre côté du canal, où, au moment de leur capture, il n'en restait qu'une quarantaine. Et tout un régiment de carabiniers s'enfuit !...<br /> A Londerzeel, j'ai essayé de joindre mon domicile par téléphone, mais sans succès. Ensuite, j'ai écrit une lettre. Je ne sais pas s'il est arrivé.</p><br /> <br /> <strong>15 mai</strong><br /> <br /> <p style="text-align:justify">Le 15 mai, nous sommes réveillés par un bombardement sur la gare de Londerzeel et sur notre colonne ; mais sans conséquence.<br /> Ce jour-là, notre cuisine est arrivée et elle était perdue. Le soir quand il a commencé à faire nuit, nous avons quitté Londerzeel, mais comme la route était bloquée, nous sommes revenus au même endroit à 3 heures du matin et avons passé le reste de la nuit dans le même lit que la nuit précédente.</p> <br /> <br /> <strong>16 mai</strong><br /> <br /> <p style="text-align:justify">Le 16 mai, il n'y a pas grand-chose à dire, si ce n'est que le matin, nous trois, moi, Morel et Dumon, étions en route pour acheter de la viande et avons été mitraillés par un avion que nous avons vu abattu une demi-heure plus tard par un tir de DTCA , qui y a magnifiquement travaillé.<br /> A 21 heures nous sommes partis pour Lochristi , où nous sommes arrivés à 6 heures le 17.</p><br /> <br /> <strong>17 mai</strong><br /> <br /> <p style="text-align:justify">Ici, nous pensions passer une bonne nuit de sommeil, mais nous avons vite su que nous étions en alerte pour intervenir à tout moment si nécessaire. Mon premier souci ici fut de téléphoner à nouveau à la maison, mais en vain. Vers midi, j'ai reçu une lettre de Maria. Imaginez la joie.<br /> <br /> Dormir dans un lit ne nous apporterait plus grand chose, car à une heure on nous disait d'être prêts pour le départ, et finalement à 9 heures du soir la colonne partait en mission pour le Moervaart. J'ai sauté de joie à cette nouvelle, peut-être que je verrais et parlerais à quelqu'un de Stekene qui pourrait transmettre ce message à la maison.<br /> Ce voyage à Moerbeke a été un véritable périple. Comme je connaissais bien le chemin de Gand à Stekene, j'avais du mal à suivre le pas d'escargot de la colonne et, fatigué, je m'endormais.</p><br /> <br /> <strong>18 mai</strong><br /> <br /> <p style="text-align:justify">Vers minuit, ils sont venus me réveiller.<br /> C'était Dumon, qui conduisait son camion devant moi, s'était égaré, ainsi que toutes les autres voitures dans la rue. Après une courte reconnaissance, j'ai déterminé que nous étions à Exaarde . Après avoir pris la tête, je me suis rendu à Moerbeke où se trouvait le Comdt. Ruzette et qui attendait déjà avec impatience car il pensait que les Allemands avaient déjà occupé le Moervaart.<br /> J'ai eu le secteur 500m à droite du pont, Vandenkerckhove le pont lui-même, tandis qu'à leur gauche Morel et Dumon.<br /> Épuisés de fatigue - ils n'avaient en fait pu dormir qu'une nuit dans la paille à Londerzeel - j'ai laissé le peloton dormir jusqu'au lever du jour (à condition qu'il y ait une demi-heure de quart), après quoi chacun devait se débrouiller. Nous pensions que l'ennemi pouvait apparaître à tout moment. Je pensais que Stekene était occupée par les Allemands et j'ai donc abandonné jusqu'à ce moment tout espoir de revoir ma femme. Taymans (le commandant de brigade de la gendarmerie de Stekene) est passé par ici et m'a crié que tout allait bien à Stekene .<br /> Mon activité ce jour-là était de couler tout ce qui se trouvait sur le canal comme moyen de transport, peut-être au grand détriment de la famille Van Garsse de Moerbeke. Miss Van Garsse et la famille Thys auront la gentillesse d'essayer de donner de mes nouvelles à la maison, lorsque le message arriverait que nous allions nous déplacer à Absdale avec deux sections, tandis que les sections Vandenkerckhove et Dumon occuperaient Hulst . Ceci dans le but de permettre la retraite française.<br /> Nous étions prêts à 4 heures du matin et nous avons discuté avec Ruzette de l'itinéraire à suivre. Ils passeraient par Hulst. Je n'ai rien dit à propos de la route le long de la Stekene. Je savais quelle route je suivrais... Revoir Stekene et tous les miens !... Imaginez mon retour à la maison... Non, ce jour-là et ces visages ne pourront jamais être oubliés.<br /> "Ma dame, n'ayez pas peur, ne vous inquiétez pas pour moi..." Combien de fois devrais-je le répéter même si nous savions ce que nous représentions. Et quand Ma me dit avec effroi : « Mais tu entres dans la gueule du loup », j'ai dû me retenir de répondre avec ma dureté acquise : « Nous ne sommes pas des moutons, mais ici c'est loup contre loup. » avec la ferme intention de ne pas me laisser massacrer sans avoir au préalable eu mon lot de victimes.<br /> Après être descendu d'abord dans la Kerkstraat, j'arrive à Absdale en même temps que le peloton Morel et le reste de l'escadron. L'installation du point de défense demandait une heure de travail, car les garçons avaient appris à faire autant de travail en une heure qu'ils en faisaient en une journée entière. J'ai pris un repas copieux dans une maison dont je ne me souviens plus du nom du propriétaire. Et en fait, la nuit dernière, j'ai bien dormi et je n'ai rien entendu des colonnes françaises qui passaient.</p><br /> <br /> <strong>19 mai</strong><br /> <br /> <p style="text-align:justify">J’ai été réveillé à 6 heures du matin et je me suis levé. Nous étions maintenant le dimanche 19 mai et j’ai écouté la messe dans une grange, lue par l'aumônier Van Dijck. <br /> A toute vitesse nous devions occuper la ligne Klinge-St-Gillis-Stekene à 12 heures , dans le but de stopper une éventuelle attaque allemande lors de la retraite des Chasseurs.<br /> J'ai dû occuper la route St-Niklaas-Hulst , là où se termine la Kattestraat .<br /> Ma mission était de mettre en place une seule arme tandis que le reste du peloton était obligé de rester dans le camion pour accélérer une éventuelle retraite.<br /> Et c'est ici que ma femme, après un voyage à Absdale, m'a rendu visite et a passé de bons moments avec mon père. Cependant, comme je m'attendais à une attaque allemande - après tout, on pouvait toujours s'y attendre - j'ai essayé de la renvoyer chez elle le plus rapidement possible car je n'aurais pas aimé qu'elle me voie au combat. Et je me souviens encore très bien du visage de mon père lorsque je lui ai demandé « Prends bien soin de Mariake ».<br /> Quelques heures plus tard, nous partions pour le tronçon Wetteren-Uitbergen Escaut , où nous occupions chacun un pont. Bien sûr, comme nous traversions à nouveau Stekene , j'en profiterais pour rentrer chez moi. Une fois le peloton chargé et prêt à partir, j'ai sauté sur ma moto et j'ai été ramené chez moi. Tout le monde n’a pas eu la chance d’être chez soi deux fois en deux jours pendant une guerre…<br /> Après avoir embrassé et rassuré ma femme, je suis monté dans mon camion, qui était entre-temps arrivé à la porte, et j'ai poursuivi et rattrapé la colonne à Moerbeke.</p><br /> <br /> <strong>20 mai.</strong><br /> <br /> <p style="text-align:justify">C'était à Lokeren . Soudain, la voiture s'arrête devant moi, ce qui fait que j'ai dû m'arrêter aussi. A ce moment, je vois la raison du retard : Lokeren a été bombardée. Rester immobile dans une ville surpeuplée pendant un bombardement, c'est rechercher le danger et risquer la mort. Conscient du danger, j'ordonne aux hommes qui sont descendus de cheval de remonter et aux conducteurs de repartir le plus vite possible. Et là, je peux vraiment remercier le bon Dieu. Au moment où le camion devant moi avait parcouru environ 20 mètres, une bombe est tombée là où il était immobile, donc à environ 20 mètres devant moi. Je roule vite et alors que j'étais à l'endroit où la première bombe est tombée, la deuxième est tombée à l'endroit où je me trouvais, donc à 20 mètres derrière moi. J'ai ri et j'ai dit à mon chauffeur : « Quels salopards ! et nous avons continué jusqu'à l'Escaut, entre Wetteren et Uitbergen, où nous avons reçu des balles de mitrailleuses d'une patrouille envoyée en avance, que nous n'avons pas eu l'occasion d'abattre correctement, car nous avons dû nous retirer à 21 heures.<br /> Et pendant l'attente entre Wetteren et Overmeire, le commandant m'informa : « Albert mon garçon, nous allons défendre ta commune, nous avons pour mission d'occuper Stekene et de former une ligne de défense sur ton lieu de naissance. Et à ce moment-là, j'ai eu peur pour la première fois. Je savais ce qui arrive à une municipalité où il y a une ligne de défense et où il y a de véritables combats. Et ce serait certainement le moment le plus périlleux pour moi de me battre alors que mes proches étaient en fuite et connaissaient le danger qui me guettais. <br /> Mais j’étais aussi heureux de revoir Stekene. Puis je me suis endormi...<br /> Quand je me suis réveillé et que je pensais être à Stekene, nos camions étaient à en Hollande. En chemin, un contre-ordre était arrivé et on m'a dit qu'après notre passage, ils avaient fait sauter le pont de Stekene. Je ne sais pas si c'est vrai, en tout cas, si je ne l'ai pas entendu, j'ai dû dormir sur mes deux oreilles .<br /> <br /> Nous sommes désormais le 20 mai vers 5h du matin. De Philippine nous sommes partis à pied jusqu'à, si je ne me trompe, Nieuwwestpolder, en deuxième ligne avec des Chasseurs Ardennais. Rien à signaler de toute la journée, sauf dans la nuit du 20 au 21, un bombardement, une vingtaine de bombes qui sont tombées sur notre ligne. Ils ne pouvaient même pas laisser une personne dormir paisiblement ici !</p> <br /> <br /> <strong>21 mai</strong><br /> <br /> <p style="text-align:justify">Je voudrais ici souligner l'avarice de ces agriculteurs, pourtant riches. Les officiers et moi n'avons pas eu à nous plaindre. Nous avons bien mangé, mais c'était clair : on mange bien ici, il fallait nous épargner...<br /> Cependant ce fut différent avec les soldats. Par exemple, il y en a un qui a demandé de lui vendre 2 œufs et le fermier lui à refusé « car ils n’avaient pas d’œufs ». Il est donc allé les chercher lui-même au poulailler.<br /> Un autre exemple , ce fermier est venu se plaindre parce que ceux qui posaient les lignes téléphoniques avaient coupé le fil de son pâturage, et cela "monsieur, sans rien demander", comme si ces garçons savent à ce moment-là à qui appartenait ce fil et s’ils en avaient le temps de s’en occuper. Deuxièmement, s'ils prennent le fil de votre pâturage, comparez cela avec un officier de Brasschaat (Artillerie) qui a reçu l'ordre d'abattre sa propre maison pour avoir une vue dégagée. Non, il ne pouvait pas comprendre quelque chose comme ça.<br /> <br /> Le soir, lors du départ vers Waterland-Oudeman , qui se faisait à pied, je lui demandait un verre d’eau. Sa réponse me stupéfia : "On vous donnera à boire un verre d'eau de pluie, lieutenant, c'est beaucoup mieux, mais vous ne pouvez pas le dire aux autres, sinon ils repartiront tous." Imaginez ça... Une demi-heure plus tard, pendant la retraite, sa maison a été bombardée.</p><br /> <br /> <strong>22 mai</strong><br /> <br /> <p style="text-align:justify">Nous sommes donc partis le 21 pour Waterland-Oudeman, où nous sommes arrivés le matin du 22 mai. <br /> Nous avons frappé à la porte de la première maison où, après avoir mangé du jambon, nous pouvions dormir jusqu'à 8 heures du matin. En prenant soin de nos pieds, en cherchant d'autres chaussures et vers le soir, j'entends encore le commandant nous dire : « Enfin une bonne nouvelle : nous allons à Zelzate , au pire point d'attaque, les garçons, nous allons être autorisés à tirer." L'avenir montrerait qu'il n'avait pas menti.</p><br /> <br /> <strong>La bataille de Zelzate</strong><br /> <br /> <p style="text-align:center"><img src="https://www.freebelgians.be/upload/19_2_03efreeblegians_zelzate.jpg" alt="" class="valign_" /><br /> Bataille de Zelzate</p><br /> <br /> <p style="text-align:justify">Nous sommes arrivés à Triest vers 21 heures , entre Assenede et Zelzate. De là, nous allions, à pied, pendant qu'il faisait nuit, relever les carabiniers et occuper la ligne sur le canal.<br /> En arrivant sur le canal, après avoir d'abord pris le poste, j'ai rencontré un habitant de Stekene, Albert Paelinck , et quand j'ai demandé comment était la situation et combien de morts il y eu, la réponse me réconforta. Une. Donc une position calme. L'escadron était positionné : A la frontière Belgo-Hollandaise, peloton Morel, successivement à droite : Dumon, Vandenkerckhove et moi. Nous avons occupé l'usine de goudron et je me suis retrouvé avec un groupement tactique à gauche et à droite des gros réservoirs de goudron et d'essence qui se trouvaient dans cette usine, avec le 1er escadron à ma droite, de l'autre côté de la route.<br /> Nous avions une grande position défensive (pour laquelle nous pouvons remercier les Carabiniers) et nous étions dans les caves des maisons qui se trouvaient à environ 15 mètres devant les chars.<br /> Comme les garçons étaient très fatigués, j'ai donné l'ordre de ne pas répondre au coup de feu avant le début d'une véritable attaque, et de laisser dormir tout le peloton, à l'exception de deux doubles sentinelles. Je suis moi-même allé au poste de commandement de Vandenkerckhove, à environ 30 mètres de ma première armeautomatique. Les coups de feu occasionnels continuaient, ce qui nous dérangeait le moins. Nous ne voudrions pas trahir notre position. Faute de bière, nous avons bu du vin et comme nous n'avions pas de cigarettes, nous avons fumé 5 à 6 sortes de cigares. Cette maison allait être démolie de toute façon, alors nous avons simplement apprécié ce que nous avons trouvé. Cette nuit-là, nous avons dormi comme des loirs, même si de temps en temps une balle ricochait sur le mur ou passait à travers la fenêtre.</p><br /> <br /> <strong>23 mai</strong><br /> <br /> <p style="text-align:justify">Le matin du 23 mai : la même fête s'est poursuivie de l'autre côté de la rue. J'ai donc fait preuve de la même vigilance et ceux qui n'étaient pas de service ont été autorisés à faire frire du bacon, à fumer des cigares et à jouer aux cartes. Mon ordonnance, ma trompette et celle de Vandenkerckhove avaient pour ordre de préparer un délicieux repas dans la maison où nous avions dormi à midi. C'était vraiment amusant cet après-midi-là. Nous avions des invités : Dhaeseleer , Marganne et le premier chef Vandaele . La soupe était servie par nos officiers en tablier, un cigare à la bouche et la bouteille de vin dans leur sac. Parce que encore une fois, nous avons bu du vin avec notre nourriture. Et celaavait bon goût !<br /> Cependant, nous venions tout juste de faire le bon choix ou, bang ! Nous avions une bombe là-bas. Nous nous sommes regardés avec un « Wow, ce n'était pas trop loin » et nous sommes immédiatement sortis pour jeter un œil. Six avions ont survolé nos têtes et les bombes sont tombées les unes après les autres.</p><br /> <br /> <p style="text-align:justify">Chacun de nous a immédiatement pensé la même chose : « Au peloton ». Cela ne fut pas attendu et sous la mitrailleuse de ces avions nous sautâmes dans les tranchées, chacun dans son peloton. Et aussitôt le bombardement de l’artillerie allemande commença.<br /> Lorsque le premier groupement tactique est arrivé, la panique était totale. « Pietje Blommaerts , vous restez avec le FM, les autres à leur poste, car une attaque va certainement commencer maintenant. Je vais jeter un œil au 2ème groupement tactique. Et immédiatement, j'ai sauté dans le couloir de la maison, dans la cour, et j'étais à environ 10 mètres du premier char, lorsqu'une bombe incendiaire y a mis le feu.<br /> <br /> Immédiatement, tout le char a pris feu. Le carburant enflammée a couru sur la route asphaltée, qui elle-même a pris feu, à tel point qu'il m'a été impossible d'atteindre mon 2ème groupement tactique et, pourchassé par le goudron en feu, j'ai sauté dans la maison dans la cave avec les hommes. "Lieutenant, regardez." Les Allemands tirent sur la cheminée de l'usine et le poste de guet s'effondre aussitôt.<br /> <br /> <br /> Et maintenant arriva l’attaque. Le tireur FM avait reçu l'ordre de tirer sur ce qu'il avait vu. A un moment il m'appelle : « Lieutenant, une vingtaine d'entre eux ont sauté hors de la maison. » « Piet, ne le manque pas mon garçon, eux ou nous. Nous ne pouvons pas rentrer à cause de l'incendie. Bogaerts , De Ceuster et Lenaerts aux meurtrières. Les autres aident à remplir les chargeurs. J'ai attrapé le premier fusil que j'ai trouvé et je suis allé aux côtés de De Ceuster. Et maintenant le jeu commençait.<br /> Nous avons clairement vu qu'une vingtaine d'Allemands ont sorti en toute hâte un bateau pour le jeter dans le canal et immédiatement une volée est sortie de mon groupement tactique (je ne savais rien de l'autre groupement tactique et n'ai entendu aucun coup de feu.) "Bravo, Piet." Six d'entre eux tombèrent dès la première volée, les autres s'envolèrent vers les maisons. Quelques minutes de repos, puis l'artillerie commença à tirer au-delà des fenêtres de l'autre côté. Et maintenant, le jeu est devenu vraiment agréable (c’est bien à dire, mais c’était vrai). Nous ne nous retrouvions plus homme contre homme, mais meurtrier contre meurtrier. Les balles rebondissaient sur le mur et arrivaient sifflants ànos oreilles.<br /> Sans plus réfléchir, nous avons regardé dehors, et la première personne qui a montré la tête vers la fenêtre est tombée au bout d'un moment et dans la rue. C'était devenu une compétition entre moi et mes autres tireurs à la carabine pour voir qui pourrait en tirer le meilleur parti. La mitrailleuse a été mise hors service pendant une demi-heure pour je ne sais quelle raison. J'en ai compté six qui sont tombés par la fenêtre et ont été remplacés par six autres qui sont tombés sous les balles de Piet, qui avait désormais récupéré son FM. Les balles ont ricoché sur le mur et à un moment donné, j'ai ressenti une vive douleur au cou. "Merde, ils m'ont eu!" mais au lieu d’une balle, c’est un éclat de pierre qui est tombé dans mon cou. Mais aussitôt la peur et la panique sont revenues : « Le lieutenant a été touché. » Mais cela n'a duré que jusqu'au moment où j'ai crié : « Piet, ils amènent une mitrailleuse dans la rue. Et le jeu recommença. La mitrailleuse s'est arrêtée, les hommes sont restés là, morts ou blessés par nos balles.<br /> Entre-temps, le feu s'était propagé à 20 mètres de notre maison, cela faisait maintenant environ deux heures que nous étions là et la sueur coulait sur nos corps à cause de la chaleur. Nos visages étaient noirs à cause de la poussière, et tout le monde éternuait à cause de l'odeur poudrée qui régnait. Le bombardement avait augmenté jusqu'à environ 7 à 8 bombes par minute qui passaient devant nous pour exploser plus loin dans l'usine. L'usine elle-même a également pris feu.<br /> Où serait l’autre moitié de mon peloton ? Brûlé ou sauvé ? Pas beaucoup de temps pour réfléchir et pas le temps de s’adoucir. Et nous avons continué à nous battre. Une demi-heure plus tard : <br /> « Lieutenant, la maison est en feu au-dessus de nos têtes. » "C'est bon les gars, nous sommes mieux ici que dehors." Personne ne parlait beaucoup, et quiconque venait se plaindre avait raison mais était envoyé à son poste avec mépris, jusqu'à ce que plus personne ne se plaigne et que le bon moral atteigne son apogée. Désormais, des blagues étaient racontées sur la base de ce que nous voyions devant nous. Nous avons fauché ce qui se trouvait devant nous jusqu'à ce qu'une porte s'ouvre de l'autre côté et qu'un canon de 37 mm apparaisse dans l'ouverture. Anxieux! La maison a tremblé au-dessus de nos têtes, la balle a touché le toit. Une seconde a mieux frappé et a provoqué l'effondrement du toit.<br /> <br /> J'ai laissé les autres ramper dans la tranchée, pendant que Piet Blommaert et moi essayions de faire taire le canon, mais nous n'y sommes pas parvenus et quelques minutes plus tard, la maison est tombée sur nos têtes. Mais comme c'était prévu, j'ai d'abord fait faire deux sorties, toutes deux restées ouvertes. Il était maintenant environ 16 heures, nous avions passé environ 3 heures et demie dans le feu, craignant qu'à tout moment ces chars (maintenant ils étaient tous en feu) n'explosaient et que le carburant bouillant et brûlant ne coule dans les tranchées. J'ai rassemblé mon demi-peloton à gauche de la maison et je leur ai assigné une nouvelle position, tandis que j'allais moi-même voir le commandant et lui rendre compte de notre travail et aussi de la raison pour laquelle j'avais changé de position.<br /> <br /> Je n'oublierai jamais le visage du commandant au moment où il m'a vu émerger. Celui-ci avait été soufflé en l'air à son poste de commandement au moment où il venait de quitter la maison. Il s'était donc rendu au peloton de Vandenkerckhove pour combattre à la carabine avec les soldats. "Mon commandant", entendis-je crier de loin, "regardez là-bas, le lieutenant Dhondt est toujours en vie, il est venu ici." L'homme avait presque les larmes aux yeux lorsque je me suis approché de lui. « Albert, mon garçon, nous pensions que tu avais été brûlé vif, car jusqu'à présent, la chaleur est presque insupportable. Retournez vite vers vos hommes car ils auront peur. Au cours de mon périple, devant parfois ramper sur le ventre, je retournai vers mes hommes.<br /> Alors que j'étais à environ 50 mètres de l'endroit, un coup direct a été porté à l'endroit qui leur avait été assigné. Une pensée insupportable : tous mes garçons sont morts. Mais quelques minutes plus tard, j'étais rassuré : effrayés par mon absence, ils s'étaient couchés dans la tranchée environ 20 mètres plus loin et avaient recommencé à vivre lorsque je leur avais marché sur le dos : « Le lieutenant est de retour », c'était tout. » disaient-ils, et la joie se lisait sur leurs visages usés et sales. "Lieutenant, ne nous quittez plus, car nous avons peur si vous n'êtes pas là." Cela ressemblait presque à une prière et à une confession. Maintenant, je n'avais plus d'effectif disponible et je remplaçais là où les hommes manquaient. "Allez les garçons, n'ayez pas peur, nous continuerons là-bas, les tranchés y sont plus étroites et plus profondes, vous pourrez vous reposer jusqu'à la fin du bombardement." Mon manteau gisait dans la maison où nous avions dormi, et craignant d'attraper quelque maladie, j'allai le chercher. Les balles s'envolèrent du mur. Allongé sur le dos, j'ai ouvert la porte d'un coup de pied et après la pluie de balles qui a suivi, j'ai sauté à l'intérieur et, après avoir porté également mon trompette, j'ai rejoint mes garçons.<br /> Il était maintenant environ 17 heures et les bombes les unes après les autres remuaient le sol autour de nous. L'air était plein de poudre et nous étions assis l'un contre l'autre dans une fosse, attendant notre bombe, fumant une cigarette après l'autre. Des heures horribles, devoir attendre sa mort. À ce moment-là, nous avons vu un soldat du peloton sortir du rang, soupirer et pleurer, se déshabiller, sortir de la tranchée et tomber au bout de quelques minutes. Pauvre fou !...<br /> Vers 20 heures, les bombardements avaient cessé et l'escadron était rassemblé. Arrivé au poste de commandement avec mes onze hommes, je trouvai le commandant du peloton Vandenkerckhove. Et à ma question ausujet de Dumon la réponse fusa :Tué en action. Et le lieutenant. Dhaeseleer et le lieutenant. Le Formanoir ? Mort. Et Morel ? Toujours pas de nouvelles. Sur les six officiers de notre secteur, trois avaient déjà été tués et un manquait à l'appel. Puis une demi-heure plus tard, Morel est arrivé, nous sommes tombés dans les bras l'un de l'autre et nous avons commencé à pleurer comme des enfants. Les soldats de nos deux sections sont restés silencieux et nous ont observés avec admiration et gratitude. Morel a eu 8 morts et s'est échappé de la même manière que moi. J'avais moi-même onze disparus, peut-être brûlés. L'escadron dans son ensemble a subi une perte d'environ 30 %, ce qui est énorme et ne s'est produit dans aucun autre régiment. Mais... nous n'avions pas laissé passer l'ennemi !<br /> La retraite ce soir-là à travers l'usine en feu était intimidante car nous n'étions pas soulagés. Les Allemands avaient percé une autre partie du canal .<br /> Nous nous retirons à pied vers Assenede , les officiers restants pistolets à la main. Les camions étaient prêts à Assenede. Machinalement, je suis monté et je me suis endormi. À mon réveil, j'ai demandé au chauffeur quand nous partions, ce à quoi il m'a répondu que nous étions déjà arrivés.</p><br /> <br /> <strong>Le 24 mai</strong><br /> <br /> <p style="text-align:justify">Il était maintenant 5 heures du matin le 24 mai et nous étions à Aardenburg .<br /> Fatigués d'épuisement, les garçons dormaient là où ils se couchaient dans le verger, pendant que nous, moi, Morel et Vandenkerckhove cherchions une maison pour nous reposer quelques heures supplémentaires. Le propriétaire était heureux de nous laisser entrer. Il ne pouvait pas nous donner de lit, deux officiers y dormaient déjà. Cela n'avait pas d'importance, du moment que nous avions un plancher pour nous coucher<br /> Vers 9 heures du matin, nous avons été réveillés par mon chauffeur de moto venu nous chercher en toute hâte : le convoi était parti pour Middelburg. Entre-temps, les deux motards de Morel et Vandenkerckhove étaient également arrivés et, après avoir d'abord mangé, nous sommes partis.<br /> "Ne bougez pas, lieutenant, la colonne a été bombardée." Avec ça, j'en savais assez et un km. De plus, 13 cadavres de nos motos gisaient sur la route. Pauvres garçons, qui sait, peut-être que ce ne sera notre tour plus tard !<br /> <br /> A Middelburg, après avoir d'abord évalué la situation du peloton, mon peloton fut complété par le reste du peloton Dumon, et je pris position sur le canal Léopold . <br /> Mais avant, je voudrais évoquer la blessure du brigadier. Fiérens.<br /> Il était peut-être midi quand soudain un avion survola notre cantonnement, mitrailla à une hauteur de ± 50 m et lança des grenades. Chacun s'est jeté à terre sur place ou a sauté dans le premier fossé ou trou pour se sauver. Cependant, Fierens , le sergent en charge de la cuisine, avait profité du calme et s'était endormi dans le camion-cuisine. Réveillé par le bruit, il s'est levé et a voulu sortir au moment où le camion était sous le feu des tirs. Il a reçu un éclat d'obus sous le nez qui lui est arrivé jusqu'à l'oreille, tandis qu'une balle lui a fracassé le bras. J'entends encore sa voix quand je m'approche de lui : « Regardez, lieutenant, qu'est-ce qu'ils m'ont fait maintenant. » "Ce n'est rien mon garçon, allonge-toi tranquillement, le médecin viendra plus tard." Son visage est devenu vide. J'ai mis sa tête sur mes genoux et j'ai renvoyé tous les spectateurs (les garçons ne devraient pas voir plus de sang que nécessaire). « Qu'en pensez-vous, docteur ? J'ai demandé quand il était arrivé. « Un oiseau pour le chat. Nous allons essayer… » Il a été soigné et emmené. Pauvre gars plein d'entrain, il voulait me donner son portefeuille avant de partir... Trois jours plus tard nous apprenions son décès.<br /> <br /> <br /> Lorsque nous avons vérifié le matériel après cette mitraillade, environ 50 balles avaient percé le camion-cuisine. <br /> Ce jour-là j'ai donc pris position sur le canal Léopold sans avoir à me défendre et à 20 heures ma mission était terminée.</p><br /> <br /> <strong>25 mai</strong><br /> <br /> <p style="text-align:justify">Il était remarquable de constater que nous étions toujours pour ainsi dire poursuivis et immédiatement découverts par les pilotes allemands. C'est pourquoi nous avons reçu l'ordre de quitter cet endroit rapidement à 3 h 30 le 25 en direction de Sluis .<br /> Déployés à Sluis, nous avons reçu l'ordre de partir immédiatement vers le Zoute pour défendre la mer . Cependant, mon peloton et moi retournions à Sluis pour renforcer le 4ème escadron. Des chars allemands y avaient été repérés et 2 prisonniers avaient été capturés. C'est pourquoi nous attendions l'ennemi là-bas.</p><br /> <br /> <br /> <strong>26 mai</strong><br /> <br /> <p style="text-align:justify">Le dimanche 26 mai, Sluis ne fut pas attaqué. Ce jour-là cependant, étant laissé seul à mes pensées, je me mis à réfléchir et j'étais déprimé. « Pourquoi le roi a-t-il permis que toutes ces jeunes vies soient massacrées ? Je savais qu'il ne nous restait plus qu'un petit coin de terrain et qu'en cas d'offensive sérieuse, il ne resterait plus un seul vivant de nous. Les garçons avaient été assez courageux, mais que voulez-vous, l'épuisement sans sommeil ni repos, manger de temps en temps ou ne pas manger du tout. Et absolument aucune, mais absolument aucune aide des avions anglais.<br /> Car pendant cette guerre, j'ai développé une haine contre l'Angleterre qui ne quittera pas mon cœur de sitôt. L'Angleterre perfide et égoïste, qui nous a promis son aide, mais au lieu de nous aider, elle a laissé nos soldats être assassinés et nos maisons pillées, menaçant nos citoyens avec leurs armes.<br /> Cependant, le roi ne s'est pas encore rendu, nous nous sommes battus pour le roi et le pays dont nos cœurs et nos femmes faisaient partie. Nous avons continué..</p>.<br /> <br /> <strong>27 mai</strong><br /> <br /> <p style="text-align:justify">Nous avons quitté Sluis à 4 heures du matin le 27 mai pour occuper le canal de dérivation Bruges-Zeebrugge. Eh bien, si les avions d'ici n'avaient pas eu pitié de nous, que serions-nous devenus ?<br /> Toute la journée, à 2 heures d'intervalle, Zeebrugge était bombardé et nous nous asseyions contre le canal, tout le régiment abrité dans une bande de 5m sur 1km dans un petit bois. En fait, ils n’ont pas tué là où cela n’était pas nécessaire.<br /> A notre droite se trouvaient des Français armés de fusils qui avaient vu l'autre guerre. Vraiment une bonne aide. <br /> Si cela devait se terminer par une bagarre, non, je ne donnerais pas un demi-cent pour nos vies, mais nous l'avons défendu et avons dû nous en sortir. . Ici, j'ai également trouvé le garde et 5 hommes de mon groupement tactique perdu. Ils n’étaient pas armés et presque sans vêtements. Et quand j'ai demandé où étaient les autres, leurs armes et leurs vêtements ? Des armes et des vêtements ont brûlé, probablement les camarades aussi. Ils n'ont pas été suivis.<br /> Nous y avions construit une défense très solide, avec même des passages souterrains. Ils pourraient toujours venir avec des armes égales, mais... des armes égales !...<br /> Les pilotes étaient venus bombarder à 8 heures du matin et on savait que le même jeu allait se produire vers 10 heures. Or, nous apprenons également que lors d'un bombardement, une dizaine d'hommes ont été tués et blessés, dont l'aumônier Van Dijck (fragment de bombe dans la poitrine).<br /> Après cette nouvelle, les soldats furent complètement terrifiés, et les aviateurs, d'abord méprisés et craints, furent désormais évités avec une terreur extraordinaire.<br /> A 21 heures, le message est arrivé que nous partirions à 22 heures à pied vers Zeebrugge, après quoi nous nous rendrions en camion à Lissewege pour assurer des patrouilles de l'autre côté du canal. <br /> Un travail dangereux qui entraînait presque toujours la mort.<br /> Avant de partir, le magnifique pont de Zeebrugge avait été inauguré, ce qui avait nécessité des années de travaux et coûté des millions. Je me demande pourquoi cette destruction, si nous ne défendions pas le canal après tout...<br /> Nous partons à 22 heures. Un de mes hommes, souffrant d'appendicite, a dû être transporté sur une échelle, faute de soignants. C'était comme un enterrement.<br /> Lorsque nous sommes arrivés à Zeebrugge, nous avons eu ce à quoi nous nous attendions. Ils y étaient. Et c'est ici que nous avons connu le bombardement le plus intense de cette guerre après Zelzate. Les Allemands ont largué des bombes qui, en explosant, allumaient également une lumière aussi aveuglante que si elle était en plein jour. Non, nous n'étions pas du tout à l'aise. Tout le monde se baissa là où il le pouvait et il se trouva que deux d'entre eux sautèrent dans une flaque de boue et en sortirent à peine avec la tête. Malgré le caractère critique du moment, il y a eu beaucoup de rires à ce sujet.<br /> Dès que les camions sont arrivés, nous sommes montés à bord et sommes partis. Cependant, à cause du désordre, nous avons perdu la bonne route et sommes arrivés à Lissewege vers minuit. L'escadron n'a pas pu être retrouvé et après deux heures de recherche, nous avons décidé de dormir dans la première maison que nous avons trouvée, ce que nous avons fait.</p><br /> <br /> <br /> <strong>le 28 mai</strong><br /> <br /> <p style="text-align:justify">Le matin du 28 mai, vers 8 heures du matin, nous avons été réveillés par des garçons du peloton qui sont venus nous dire que selon le dire des passants, le roi avait abandonné. Vandenkerckhove et moi avons fait des recherches plus approfondies et cela s'est avéré vrai. Le roi avait pris une sage décision.<br /> Tout le monde était content, et malgré la fatigue, nous avons trouvé le courage de crier solennellement : « Vive le roi ! Peut-être n’aura-t-il jamais été aussi sincère qu’à ce moment-là.<br /> <br /> Maintenant que la guerre est finie et que la misère est terminée, je voudrais faire quelques remarques pour mieux illustrer la misère dans laquelle nous avons vécu et donner les raisons pour lesquelles nous avons abandonné.<br /> N'oublions pas que pendant les 18 jours qu'a duré la guerre, nous n'avons pas eu un seul jour de repos ; que nous passions nos nuits 1° dans des camions, où il était impossible d'adopter une position confortable, 2° à ciel ouvert (et ce n'était pas beaucoup mieux) 3° ou dans une grange. Cela pourrait être qualifié de paix juste et réelle.<br /> Nous n'avons vu aucune nourriture les premiers jours et peu de nourriture les derniers jours. Et surtout la bataille avec des armes inégales et les actions égoïstes des Anglais qui ne nous ont pas aidé une seule fois pendant la bataille.<br /> Ainsi, à la fin de la guerre, nous nous sommes retrouvés avec des soldats épuisés, effrayés et moralement affaiblis, armés d’un matériel vétuste, face à une forte armée allemande, reposée et téméraire, aidés par des avions et armés de matériel moderne.<br /> La différence était trop grande, la bataille trop inégale. Et personne ne peut dire que le roi et nous avons manqué à notre honneur, comme l'a affirmé le ministre Pierlot dans son discours du 28 mai. Mais le roi est resté dans son pays, et il y en a qui ne l’ont pas fait.<br /> Le 28 vers midi, le groupe était rassemblé à Dudzele à la ferme Croos . Dans un silence complet, un verre fut pris avec le roi parmi le corps des officiers. Nous sommes restés là toute la journée et avons récupéré les armes à remettre. Les soldats se sont progressivement éloignés. Ils espéraient rentrer chez eux. <br /> La nuit du 28 au 29 s'est passée à la ferme des Croos. J'ai dormi dans le camion qui contenait nos affaires de voyage ; question d'attendre.<br /> Pas de nouvelles le 29 , attendez les ordres allemands.<br /> La nuit du 29 au 30 s'est passée à la ferme bruxelloise.<br /> <br /> Tôt le matin ( 30 mai ), nous sommes partis pour Assenede . Combien de garçons pauvres avons-nous vu sur le chemin, accompagnés par des soldats allemands. Les gens l'ont vu, nous avons été vaincus...<br /> Le 31 mai, nous sommes allés à Grembergen . Je laisserais ma valise ici et laisserais des nouvelles de quelqu'un qui se rendrait à Stekene le 2 juin.<br /> Nous y sommes restés jusqu'au dimanche matin 2 juin et sommes partis pour Brasschaat où nous allions être démobilisés. Cependant, à quoi avions-nous l'air le soir, lorsque nous avons embarqué pour l'Allemagne. Sur le quai de Kalmpthout , j'ai essayé de rassurer ma femme avec un message adressé à la Croix-Rouge. Si j'ai réussi, je ne sais pas .<br /> Nous sommes prisonniers, attendons le jour où nous pourrons revivre.</p><br /> <br /> <strong>Source :<br /> <a href="https://www.deuzie.be/artikels/19-2-03.htm">https://www.deuzie.be/artikels/19-2-03.htm</a><br /> Archives communales de Zelzate.</strong> Sat, 10 Feb 2024 20:56:49 +0100 En Campagne avec le 14e de Ligne https://www.freebelgians.be/articles/articles-1-240+en-campagne-avec-le-14e-de-ligne.php https://www.freebelgians.be/articles/articles-1-240+en-campagne-avec-le-14e-de-ligne.php <p style="text-align:center"><img src="https://www.freebelgians.be/upload/francois_duysinx_004_freebelgians_10_2023.jpg" alt="" class="valign_" /><br /> Monument à la gloire de l’Infanterie</p><br /> <br /> <p style="text-align:justify">Après avoir été un conducteur d’hommes modèle sur le champ de bataille, le Capitaine de réserve François Duysinx a été un des premiers à organiser la Résistance dans la région de Stavelot.</p><br /> <br /> <strong>Des clairons sonnent dans la nuit.</strong><br /> <br /> <p style="text-align:justify">Depuis douze jours, la 11 DI est au camp de Beverloo, en période de tirs et manœuvres. La journée a été dure : c’est que demain, vendredi, le 1/14 est appelé à un grand honneur : donner devant S. M. Léopold III une démonstration d’attaque avec préparation d’artillerie tirant à obus réels. Pendant des heures, on a répété le schéma de l’exercice et on a creusé une position de départ. Tout va bien : le Major est aux anges. Au Mess, après le souper, on trinque à la réussite de ‘l’attaque de demain ». Et on ne se fait pas prier de regagner son « bloc ». – Dans le sommeil, passe un songe : un clairon sonne... Ce n’est pas un songe : je suis réveillé et j’entends toujours un clairon, deux clairons, un autre plus lointain... Quel est l’imbécile qui joue à cette heure ? On se promet d’aller lui dire son fait... et tout à coup, on reconnaît la sonnerie : c’est l’alerte qu’on sonne là ! Plus de vingt clairons sonnent en canon ces notes lancinantes, obsédantes. Bah ! une alerte de plus : on connaît la chanson depuis la phase A ! – On s’habille en grommelant contre ses satanées alertes de nuit. Mais non : le clairon ne sonnerait pas la nuit pour un exercice. – Dans le noir, toutes les fenêtres brillent. On voit passer et repasser devant les carrés de lumière des ombres hâtives. – Il est une heure. Mon ordonnance entre, les yeux pleins de sommeil : « Mon lieutenant, il y a alerte ! » « Ça va ! » - Sans se hâter, le petit « boy » empaquète dans le coffre, les deux chemises, les bottes, les cartes, sans oublier les six boutons de col « réglementaires ». – Je suis en tenue. Je précède mon coffre au bureau de la Compagnie. Tout le monde s’affaire. Les voitures se chargent, les chambres se vident ; les cartouches, les gamelles, les douches de la cuisine s’entrechoquent ; les mille petits bruits familiers du camp qu’on lève, mais on ne parle pas ; on dort encore plus qu’à moitié.<br /> Sans battre aucun record de vitesse, la Compagnie, lanternes allumées, se rassemble. Appel. On se hâte au lieu de rassemblement du bataillon, pressés d’en finir et de regagner sa « calle ». Les quatre compagnies sont là, avec leur charroi. Sur les fusils, les têtes s’appesantissent. – Le side-car du Major, un ordre bref : « On doit quitter le camp immédiatement ». OH ! Oh ! c’est sérieux. Les arrière-gardes se constituent. Mission : évacuer par chemin de fer le matériel lourd des unités. L’arrière-garde ! Belle « carotte » pour ceux qui en sont : pas de marche en perspective. Un des mes soldats, le petit V..., un pauvre bonhomme débile, m’implore : « Mon lieutenant, est-ce que je peux aussi rester en arrière-garde ? J’ai mal à la jambe ». Je sais que c’est vrai. Ça fera un de trop pour la compagnie si on s’en tient au règlement. Mais qui le verra ? « Allons, reste aussi ». – Il s’en va tout content.<br /> 3 h. 20 – Le bataillon se met en marche. Défilé de lanternes blanches et rouges qui tortillent le long de la colonne. On quitte les « carrés », on travers la plaine de Stall-Eicker-Heide. Du sable plein les pieds ! Où va-t-on ? Que fait-on ? On ne se le demande même pas !<br /> 4 h. 55 – On est déjà loin du camp. Le jour s’est levé ; derrière nous, là-bas, en direction de Beverloo, on entend des détonations. Sans doute, l’artillerie qui « répète » ? Puis un moteur qui se rapproche. A droite, à gauche, de la colonne, un, deux, trois, dix avions. Les index se tendent : ils passent à « rase mottes » et on les voit entre deux arbres. Quelqu’un a crié : « Dat zijn Duitschen ». On rit, puis un bruit a couru le long de la colonne. On a vu sur le « zinc » des croix blanches. Les carnets de « figuratifs d’avions » sortent des « porte-cartes » des officiers... « Croix blanche, appareils sombres : nationalité allemande ! » Serait-ce possible ? Le major remonte la colonne en side-car. A chaque peloton, il s’arrête une seconde : « Ce sont des Allemands, il faut tirer ! » Stupeur ! Sans être trop certains, on fait charger les armes automatiques. Les tireurs F.M. refont, une fois de plus ce geste d’introduire un chargeur de balles « traçantes ». Mais il a pris maintenant, ce geste tant de fois fait, quelque chose de nerveux, de fébrile. – « Ben quoi ? Pas besoin de s’affoler ? Ce sont des égarés, mais il faut tirer dessus s’ils nous survolent ; c’est normal ! » Du nouveau : les têtes se tournent vers l’arrière ; dans le soleil tout là-haut, brillent de nombreux appareils. On les compte : quarante-sept là, trente-neuf plus haut, douze plus bas. Ils avancent. Ils passent. Des roulements sourds grondent au loin, vers l’avant, vers l’arrière, sur les côtés. Puis des coups plus secs, suivis là-haut, des petits nuages : la D.C.A. Mais ces nuages sont noirs aujourd’hui : avant, ils étaient blancs ? Qu’y aurait-il de changé ? Et toujours des appareils qui viennent vers nous. Au-dessus de Beverloo, un signe bizarre, comme un éclair permanent rougeoie. – Décidément, tout ça n’est plus « très normal ». La colonne stoppe. Les postes de défense anti-avions se forment. De derrière les haies, du fond des fossés, pointent les cache-flammes des F.M. et les canons des dix fusils sur lesquels chaque peloton compte. Les officiers circulent, mais plus n’est besoin des mille recommandations d’usage : les têtes sont cachées, les corps étendus au plus près du sol. Un 4,7 tracté passe en trombe vers la tête du bataillon. – Au dessus de tout ça, très haut, toujours des escadrilles qui se suivent. – On se remet en marche, en files, sous les arbres qui bordent la route. Pas un mot. De temps en temps quelqu’un qui, tout en marchant, charge son fusil ou son pistolet : « On ne sait jamais !... » Le Colonel est là qui regarde la colonne ; il est interdit de faire prendre le « pas ordinaire » pour passer à sa hauteur. A chaque officier, il glisse un mot vite et bas : « N’affolez pas vos hommes, les Allemands ont envahi le territoire et le survolent. On peut s’attendre à tomber sue des troupes de parachutistes ». – Cette fois, on sait ! Voici un patelin : tout le monde est dehors. Ceux qui ont entendu les premiers communiqués de la radio nous les disent au passage.<br /> </p><br /> <strong>Oiseaux de malheur dans le ciel</strong><br /> <br /> <p style="text-align:justify">On arrive à Webbekom (Diest). L’avant-garde nous attend sur la route : elle a assisté au bombardement de l’aérodrome de Schaffen qui est tout proche : elle a vu les premières victimes : des civils et aussi quelques soldats. Chaque peloton a son cantonnement, mais personne ne songe à se reposer. On parle de « ça ». Les équipes au travail creusent des tranchées de protection aérienne. Les civils sont affolés bien plus que la troupe. La route est déjà couverte d’autos, de vélos qui partent... Un communiqué de radio ‘quel émetteur ?) a lancé le premier « canard » : « La 11 D.I. belge est anéantie au camp de Beverloo qui a été bombardé ». Nous sourions... puis on pense tout à coup à ceux qui sont restés au camp en arrière-garde. Il faut savoir à quoi s’en tenir : un jeune lieutenant part avec trois hommes sur un camion réquisitionné : ils vont voir là-bas et au besoin ramener ce qu’ils pourront. A la grâce de Dieu, car il faut repasser le canal dont les ponts peuvent sauter d’un instant à l’autre. On attend. – Que va-t-on faire de la D.I. ? Pourra-t-on l’engager comme elle set privée de tants d’équipements, de matériel, de munitions, restés à Beverloo ? Bien sûr que non ! Nous irons c’est certain, « à l’arrière » pendant quinze jours pour nous reconstituer, et puis seulement, en verra ! Dans le feu des discutions, sur le seuil de la ferme, on ne pense plus qu’à ces « Messerschmidt » qui continuent, là-haut, leur rondeau sinistre. Tout à coup, on se retrouve par terre : un craquement terrifiant a secoué tout le patelin ; les murs ont heurté nos dos et nous voilà, immobiles et claquant des dents : première torpille tombant dans les environs, et encore pas très près ! On reste des minutes sans bouger, fût-ce le petit doigt. Puis, on relève la tête, tout penaud de sa piètre conduite dans ce baptême raté ! O héroïsme, où t’en vas-tu ? Une seule satisfaction : tout le monde a fait comme vous. – Voici revenir l’aventureuse camionnette : elle est chargée jusqu’au toit de sacs bleus, de coffres, d’archives, d’armes, de matériel culinaire, de réserves d’effets. – L’arrière du châssis est éventré ; le pont du canal a sauté pendant le voyage du retour. Les passagers sont livides : la première vision de guerre les a anéantis ; ils sont allés au camp sous les rafales des avions qui continuaient de survoler ; ils ont vu les blocs effondrés, le grand mess éventré, la voie ferrée tordue, les wagons démantelés et sous leurs débris, les corps d’une trentaine de ceux de l’arrière-garde, surpris par la première torpille, en plein chargement. Parmi ces premières victimes du 14, le corps noirci et défiguré d’un de nos amis, jeune lieutenant comme nous.<br /> On en reste hébété, n’osant y croire. – La journée se passe. Voici les soldats de la compagnie restés au camp en arrière-garde ; ils ont échappé au massacre et nous ont rejoints par hasard. Mon pauvre V... n’est pas avec eux : il ne reviendra que plusieurs heures après, mort de peur et de fatigue. Et peu après lui, un revenant ! Un de nos soldats, puni de cachot, et qu’on avait oublié (sic) dans une cellule de « Malakoff » à Beverloo. Il a passé à travers des murs en flammes pour s’échapper et son uniforme n’est plus qu’un souvenir. – Dieu soit loué ! La compagnie est au complet : on s’embrasse et on pleure d’émotion.</p><br /> <br /> <strong>Marches interminables</strong><br /> <br /> <p style="text-align:justify">En marche ! Tous feux éteints : pas une cigarette qui brille. On traverse Diest. Irait-on s’embarquer ? Non : l’itinéraire, jalonné à chaque tournant de rue par une veilleuse bleue, quitte Diest. Voici la route. On marche et l’on marche dans le noir. « Ils ont juré de ne pas nous faire voyager en chemin de fer ! » On s’indigne... mais on marche toujours. – Soudain, trouant le noir et aveuglante, une fusée s’allume tout près de la route. On se terre : la clarté s’éternise, très vive, puis meurt lentement. On repart. Voici Montaigu. Les haltes horaires n’existent plus en pratique, car la colonne s’étire de plus en plus et les arrêts de la tête ne suffisent plus à la queue pour « rappliquer »... Et cette tentation terrible d’allumer une cigarette, qui devient hallucinante... Voici Aerschot. On ne s’arrêtera donc jamais ! Si : à Betekom, non loin d’Aerschot. Le bataillon s’enfourne dans un immense bâtiment scolaire. Il est 5 heures du matin. Beaucoup d’hommes ont dû abandonner la marche : on ne les reverra plus. – Le survol ennemi nous réveille d’heure en heure. – Les postes de défense anti-aérienne fonctionnent dans chaque Compagnie. On entend bombarder au loin, mais on ne voit rien. Bref la journée est calme (pour nous).<br /> 20 h. 25 – On se remet en marche. On est tout habitué déjà à cette vie d’oiseaux de nuit. Et on connaît cette fois le but de la marche : Wavre-Notre-Dame. Ça fera encore quelques bons kilomètres « dans les pieds » mais la compagnie est en tête de la colonne et ça rend un peu de courage. Le Major marche à notre hauteur. C’est un officier merveilleux, toujours « en forme ». Il va à pied comme le simple plouc. Les premières étapes sont enlevées au pas. Il faut se hâter car il est prudent d’atteindre le but avant l’aube. Pourtant la marche se ralentit bientôt... les intervalles entre les pelotons s’agrandissent insensiblement : la fatigue fait son œuvre. Tant pis... on avance. L’aube est venue et nous sommes loin encore du but. Il est 5 heures. Voici Peulis : on va traverser la grand’route de Malines. Là-bas le clocher de Wavre : on y sera vite. Pressons-nous, car le survol ennemi commence à s’entendre et il ne faut pas se laisser repérer. – Un side-car venant de l’avant, s’arrête à hauteur de la colonne. Un pli pour la Major, urgent : « L’ennemi a franchi le canal Albert. On peut s’attendre à une attaque dans le courant de la matinée. Prenez position immédiatement. Le 1/14 occupera la position de la ligne K.W. dans un secteur délimité au croquis ».<br /> </p><br /> <strong>En position sur la ligne K.W.</strong><br /> <br /> <p style="text-align:justify">Une troupe d’un autre régiment s’arrête au centre de notre point d’appui. Petite hésitation. Un officier s’avance : « Vous occupez notre position ». « Zut ! » Je file trouver le Major. L’ordre d’occupation de la position est modifié. Il faut porter le peloton à la hauteur de l’abri P. 19 et en toute hâte car on nous signale une avance des éléments ennemis. En route ! – Voici P. 19. Ses petites fenêtres bleues aux rideaux trop bien plissés ne nous trompent plus. Ici, pas même un bout de tranchée ! Seul, un mince réseau de barbelés, ininterrompu, autour de l’abri. Orientons-nous. Voilà à trois cents mètres environ devant nous, les fameux éléments C. hérissés en un solide coude à coude. Un peu en retrait, quatre abris. Ce sont les deux compagnies avant du bataillon. Entre les deux, le clocher de Peulis : poste d’observation du bataillon. A notre droite et sur notre ligne, deux abris ; les autres pelotons de notre compagnie ; second échelon du bataillon. Derrière notre abri, un bosquet : le P.C. 1/14. Plus loin une troisième ligne d’abris : le bataillon réservé au régiment. De-ci de-là, une ferme ; coupant la ligne d’éléments C à hauteur de l’église de Peulis, la route et ses maisons qui s’étirent jusqu’à Malines. Derrière nous, à quelque cinq kilomètres, émerge Saint-Rombaud. Mes hommes travaillent aux tranchées des trois îlots qui protègent les abords de l’abri. Et voici la clé de P. 19 et le dossier d’occupation. Tout ça est très clair. L’abri a un champ de tir superbe. La liaison de feu entre les points d’appui est assurée. Voici installés aux fenêtres de tir un fusil-mitrailleur et une mitrailleuse. Les équipes de tir sont au courant de leur mission. A un adjudant-mitrailleur est confiée la conduite du feu de l’abri qui doit résister à outrance. Je me mets en liaison avec le tout jeune lieutenant qui commande notre compagnie. Celui-ci est malade : fatigue, énervement, émotion. La position s’organise. Il est midi : l’avant n’a pas encore tiré : tout semble calme au-delà de la ligne K.W. La route regorge de civils en fuite, lamentable défilé qui va durer des jours. On travaille sans arrêt jusqu’au soir. Le terrain est meuble et les travaux déjà avancés. On a reçu des dépôts considérables de munitions et même, le croirait-on, des caisses de grenades Mills. On a vissé avec d’infinies précautions les allumeurs sur les corps des grenades (Pas très rassuré, dans le fond, celui qui se livre à ce petit jeu pour la première fois !) – « Ils peuvent venir maintenant ! » - Un ordre du bataillon : « Le travail se poursuivra pendant la nuit ». Le soir vient. La nuit est noire. Le col de la capote frileusement relevé, la sentinelle fait les cent pas à quelques mètres devant l’abri. Dans chaque îlot, les pelles s’activent. Le jour se lève.<br /> Serions-nous déjà au lundi de la Pentecôte ? Un léger arrêt de travail pour prendre à la voiture-cuisine qui fait le tour des îlots, un pain et une gourde de café chaud. Et l’on se remet à la tâche. Les îlots sont entièrement creusés, déjà quelques équipes élaguent le champ de tir. Quelques créneaux s’ouvrent sur les parapets ; du camouflage apparaît par place. Au loin, on bombarde. Devant nos lignes, toujours rien. Le soir tombe une nouvelle fois. Un nouvel ordre : « Le travail se poursuivra par moitié dans la nuit. A l’aube tout le personnel sera en place. Attaque probable à l’aube ». Je ferme l’abri : un adieu, une recommandation suprême aux occupants. Dans le fond des tranchées, des groupes tassés sous une couverture : les équipes au repos ; ils en ont pour deux heures avant de remplacer ceux qui travaillent. Sous la lune pâle, les canons des fusils tracent des rais bleuissant sur le noir des parapets. La sentinelle scrute l’avant, immobile.<br /> Minuit. Des coups de feu assez rapprochés. La sentinelle m’appelle : « On tire sur l’abri ». Il est à plat ventre. Une balle me siffle à l’oreille : je me jette à terre. Une rafale. Quelques coups de feu. J’alerte mes groupes de combat. En un clin d’œil, chacun est à son poste, tendu vers l’avant mystérieux. On tire toujours. « Sacrebleu, c’est l’arrière qui tire ! » Frayeur de la première nuit d’attente. Les pelotons réservés tirent sur nos ombres. On enrage et ... on reprend le travail sans sortir la tête des tranchées. Voici l’aube qui point. On « les » attend, le doigt sur la gâchette, les yeux se fixent sur les buissons. Rien. Tout est calme. Il fait plein jour. Revoici la cuisine. Le café rend des forces. On se remet au travail. Il s’agit de couvrir les boyaux et d’achever le camouflage. Pendant toute la journée, des troupes passent sur la route vers l’arrière : la 9 D.I. reflue du canal Albert. Que se passe-t-il là ? Aucun de ces hommes n’ « en » a vu ! Midi : une colonne de troupes françaises portées en camions, monte vers le Canal. Les pelotons qui bordent la route entonnent la « Marseillaise ». Les camions des « Poilus » sont couverts de fleurs. Ils sont joyeux, ces « poilus ». On distingue quelques quolibets : « On va le peindre, Hitler ! » (Avec un bon accent du Midi). Pendant des heures, cette colonne passe. Voilà qui est bon signe ! Le clairon de guet anti-avion sonne l’alerte. Trois avions allemands nous survolent à basse altitude. On a vu des parachutistes en sauter. Illusion ou réalité ? Des patrouilles s’en vont en reconnaissance. Chaque civil devient un suspect. Et revoici le soir. Nouvel ordre : le même qu’hier. « C’est pour l’aube »... A 22 heures, une fusée éclairante monte à travers la nuit : un P.C. de première ligne qui veut savoir à quoi s’en tenir. Immédiatement, un feu violent se déclenche sur nos deux flancs et à l’arrière. La sentinelle aussi a tiré en criant : « Wie is daar ? » - Je vais voir : le pauvre diable claque des dents. Il me montre un bosquet. Je ne distingue rien. Derrière moi, quelqu’un crie d’une voix de stentor. Le Major ! « Cessez le feu, n... de D... ! » Un clairon sonne : « Cessez le feu ». Un autre lui répond. Le tir redouble. Chaque groupe accuse ses voisins de lui tirer dessus. Qui donc tire ? Et sur quoi ? En tout cas, l’arrière recommence le petit jeu de la nuit dernière. On voit les flammes des canons braqués dans notre direction. Plus d’une heure se passe avant que les clairons et les ordres aient raison des tiraillades. L’ordre de demain matin menacera de Conseil de guerre quiconque tirera par affolement et sans raison. – Nouvelle aube : nouvelle attente anxieuse, attente déçue. (Oui ! je crois bien que c’est la déception !) Reprenons le travail. La tranchée s’organise. En trois jours, nous avons atteint le raffinement qui, à la P.F.L., nous avait demandé neuf mois ! Pour parer aux difficultés du ravitaillement « réglementaire », nous avons de tout sous la main : six vaches dans la petite ferme là-bas : chaque groupe a sa cruche de lait remplie en permanence. Des sacs de sucre et des boites de gâteaux secs, ils viennent de ce magasin sur la route que plus personne n’occupe. Pour plus tard, (On les couve avec un soin jaloux) douze poules. Sur la camionnette qui fait partie de la compagnie à présent, chacun a trouvé des souliers de rechange et de la graisse d’arme. Tout va bien ! Par exemple, les fermes d’alentour n’ont plus leurs hangars : les trois pans et le toit en sont sur les tranchées, recouverts d’une bonne couche de terre ! Oh ! le doux plaisir d’opérer ces petits déménagements ! Neuf heures. Deux blindés ennemis passent le long de la ligne d’éléments C. Nos 4,7 ont ouvert le feu. Deux fumées blanches ont monté. Un coureur file chez le Major, porteur de la bonne nouvelle : « Deux chars hors de combat devant nos lignes. Vive le 14. On les aura ! » Illusion ! Une patrouille va démentir ce beau rêve...<br /> 17 h. 15. Du nouveau ! Au dessus de nos têtes passe quelque chose qu’on ne voit pas, avec un petit bruit de chariot de bois. Et là-devant, les maisons s’écrasent avec des craquements de Jugement dernier. Nos 220 tapent ferme. Y aurait-il enfin des troupes devant nous ? Oui ! les pelotons de première ligne les ont vues : des pièces d’artillerie et une cinquantaine d’hommes qui creusent à quelque cent mètres en avant de la K.W. Ça, c’est pour l’artillerie : trop loin pour nous, pauvres fantassins ! Un officier mitrailleur de l’avant va quand même risquer un tir lointain. Il installe sa pièce dans un grenier et tire lui-même. Demain, on ira voir son casque, la visière fendue à l’avant par une balle destinée à son front et qui a ricoché sur le cimier.<br /> La nuit vient sans que notre artillerie cesse son tir ; le travail est achevé dans l’ensemble : voilà le moment de dormir un peu ; on n’en avait plus guère l’habitude depuis cinq jours ! Dans chaque groupe, trois hommes veillent. A une heure, alerte ! Tirs de mousqueterie partout : derrière nous une fusée rouge descend très lentement. Un bobard circule : c’est un parachutiste. Et chacun de s’affoler. Le téléphone du Major sonne sans arrêt : « des patrouilles ennemies sont aux éléments C. Elles tentent de dériver les bancs d’attache ». On tire de plus en plus. Et pourtant on ne voit rien. L’aube vient. Le tir d’artillerie cesse. La fusillade continue, cette fois en première ligne. Dans une ferme, notre aumônier nous apporte la communion. On s’attend à quelque chose. Un adjudant part en patrouille avec une poignée d’hommes. Ils restent trois heures absents. Les éléments C sont intacts mais dans les maisons, en avant des lignes, quelques groupes d’ennemis tirent sur nous. Le temps de transmettre à l’artillerie d’appui une demande de tirs et le bombardement reprend de plus belle. Mais cette fois les boches ripostent. Un premier obus tombe au centre du point d’appui de la compagnie, visant l’emplacement des 4,7. On se terre et on attend. Ça dure des heures mais nos pièces tirent bien plus que les « leurs ». Quand on relève la tête, on aperçoit dans le clocher de Peulis une brèche béante : deux observateurs du bataillon ont été tués à leur poste. Le secteur redevient calme. Seule de temps à autre, une détonation : un G.P. tire sur nous de tout près. Qui ? Où ? On ne le saura pas ! On a demandé des volontaires pour de nouvelles patrouilles. Quinze hommes se présentent dans mao peloton ; j’espérais bien plus ! La journée s’achève, dans la fièvre de ces premiers contacts avec la guerre, sinon avec l’ennemi.<br /> </p><br /> <strong>On abandonne la ligne K.W.</strong><br /> <br /> <p style="text-align:justify">A 18 heures, une nouvelle circule de bouche en bouche, ahurissante : « On va battre en retraite ! » C’est fou ! Mais c’est vrai ! L’ordre officiel arrive. On est consterné. On se rassemble. Tout le charroi est regroupé à Malines et le régiment a exigé notre camionnette ! On doit laisser sur le terrain des monceaux de choses précieuses : des caisses de munitions entières, des vivres, des équipements. On a mis le tout hors d’usage. On a tenté de faire sauter et on l’a inondé de pétrole : en partant, on y jettera une allumette... Pour emporter le plus de munitions possible, on laisse là les havres-sacs. Chaque homme porte sa dotation de combat plus deux sacs de cartouches ; la charge est effrayante. Les trépieds pour fusils-mitrailleurs, inutile de songer à les porter à bras : on les laisse là. Et on part... Sur la route, les colonnes de fantassins sont doublées de colonnes d’artillerie, de colonnes de charroi. Dans Malines, l’embouteillage est à son comble. On avance de 20 m. en 20 m., et chaque fois c’est un mortel arrêt qui dure parfois ¾ heure. Le bataillon est coupé en deux. La queue suit, sans le savoir, une autre colonne. La tête doit se frayer un passage à travers les flots de civils qui déferlent vers l’intérieur du pays. On se retrouve par miracle ! Là-bas, vers Peulis, on tire : l’arrière-garde doit avoir été accrochée. On passe à Capelle-au-Bois. Autour du pont, les rues n’existent plus : c’est un amas épouvantable de ruines. Juché tout en haut d’un monceau de pierrailles, un T 13 français tient le pont. Toute la colonne a passé sans encombres. Il ne reste plus de l’autre côté du pont que les compagnies d’arrière-garde. On arrive à Malderen. On a marché douze heures. Beaucoup d’hommes sont restés sur les bords de la route ; beaucoup de sacs de cartouches jonchent le fond des fossés ! Sans enlever ceinturon ni casque, les hommes s’enfournent dans les granges. Les officiers de la compagnie, réunis dans la salle commune d’une ferme accueillante, se détendent. On se lave, on se rase (c’est la première fois depuis le 10 mai !) Puis on s’endort. Il est midi... Notre hôtesse improvisée vient nous secouer. Un coup d’œil à la montre. Serait-il déjà 19 heures ? – « Vos soldats sont tous partis ! » - « Allons, allons, pas de blague ! » - « Venez voir ! » C’est bien vrai ! Dans le garage, des armes, des pelles, des munitions, plus que trois soldats qui ronflent. On les éveille, mal éveillé soi-même. Rien à en tirer ! Sur la route un peloton est réuni : tout ce qui reste de la compagnie : 57 hommes. Quelqu’un nous apprend qu’une auto remplie d’officiers belges vient de passer en trombe. On a crié : « Les boches sont là, sautez sur les camions ! » Le bruit s’est répandu en quelques minutes ; des centaines d’hommes étaient partis, les uns accrochés à des camions français qui roulaient vers Eccloo, les autres sur les voitures des unités. Le commandant de notre compagnie saute sur un vélo « pour les regrouper » (où ?) On restera deux jours sans le revoir. Le Major est là, qui fulmine. On regroupe ce qui reste du bataillon : deux cents hommes peut-être, la plupart des officiers, et un caisson de mitrailleuse. Le reste a disparu, et c’est la même chose dans tout le régiment, peut-être dans toute la D.I. On installe ces maigres ressources en défensive. On attend : rien ne se passe. L’arrière-garde nous rejoint : elle a été accrochée, mais en est sortie indemne. Le Major confronte les carnets de campagne : l’arrière-garde s’est repliée avant l’heure prévue, et l’on parle de dégradation pour les responsables. Personne ne souffle mot ! A minuit, on reçoit l’ordre de se replier. En route. On sauve ce qu’on peut de ce qui traîne dans la paille. Des soldats portent deux fusils, d’autres un fusil et un F.M., d’autres encore un D.B.T. et deux G.P. On traverse Buggenhoude, Lebbeke, Audeghem. Sans alerte, mais aussi sans arrêt ! A l’aube, nous passons la Dendre sur une passerelle. Il y a là une colonne formidable : toutes les unités sont mêlées. On continue de marcher : Schoonaarde, Wikkelen, Uitbergen, Overmeire, Beervelde, Loochriste, Oostacker, Langerbrugge, Everghem, Cluysen. On s’arrête après vingt-six heures de marche. C’est le 19 à deux heures. On ne se demande même plus ce qu’on fait de nous, ce que l’ennemi fait... On ne pense plus. On dort huit heures tout habillé. Le commandant de la compagnie rapplique avec cinquante hommes. On s’installe en défensive, à Hulleken, en troisième échelon de D.I. On creuse. Quelques-uns de nos hommes nous rejoignent. Comment ? La moitié de mon peloton est présente, mais je n’ai qu’un F.M. sur quatre et un D.B.T. sur trois. Les travaux se poursuivent sans arrêt le 20 et le 21. Le 21, à 20 heures, le bataillon reçoit l’ordre de contre-attaquer vers le canal de Selzaete où l’ennemi aurait percé nos lignes. Notre artillerie tire sans repos. Nous marchons jusqu’à Ertvelde. On fait le plein de munitions et on attend le déclenchement de la contre-attaque. Rien ne vient. L’aube du 22 naît. On dort sur place. Ordre de se replier sur Ertvelde à 9 heures. Repos de neuf heures, bienvenu. A 21 heures l’ordre d’hier se renouvelle. On s’équipe et on part... On retrouve la position de la veille. On s’y tapit sous la lune froide. Le jour vient sans apporter rien de neuf. A 6 heures, nous rentrons au cantonnement de repos à Ertvelde. A 12 h. 30, nous sommes survolés par l’ennemi qui bombarde Ervelde et mitraille des colonnes sur la route. On assiste, du fond de son fossé, à des visions de cauchemar : un Messerschmidt poursuivant à travers champs un sergent qui court comme un fou sous les rafales. Dans les vergers où bivouaque notre compagnie, un obus tombe : il a pulvérisé un arbre, un des trois sous lesquels il n’y eût pas dix ou quinze hommes couchés ! On s’en tire avec une égratignure dans une guêtre ! Ertvelde flambe, tout proche. L’horizon se peuple de gigantesques fumées noires et lourdes : les réservoirs des usines en bordure du Canal. Et voilà la pluie qui s’en mêle ! Mais non, ce n’est pas la pluie : c’est une descente pesante de suie grasse que nous valent les nuages de fumée. En un instant on est noirci de la tête aux pieds. Et pas moyen de se débarrasser de cette saleté !<br /> </p><br /> <strong>Enfin ! On contre-attaque...</strong><br /> <br /> <p style="text-align:justify">16 heures : Ordre de contre-attaquer. Cette fois, c’est bien vrai. On va « faire quelque chose » ! On progresse à travers les haies, vers Rieme. On longe la route jonchée de cadavres d’hommes et de chevaux. Un câble à haute tension git par terre, dans un amas de briques et de tuiles. Un homme s’y laisse prendre : un corps de plus parmi tant d’autres corps. Sur la route refluent des groupes du régiment qui a lâché pied au Canal. C’est une panique effroyable. Ces visages sont horrifiés. N’essayez pas d’arrêter ces fuyards : ils ont perdu le contrôle de leurs volontés. Qu’ils fuient ! Nous, nous avançons. La nuit tombe. Nous voici au mur de la « Purfina ». On y fait des brèches et nous nous faufilons dans le dédale des ateliers, des hangars, des réservoirs. Tout ça flambe et gicle et crisse. De l’acide coule à flot sur les pavés. Un sergent tombe : il se relève entièrement brûlé, mais il ne se laissera évacuer qu’après la fin de notre opération. Les semelles et les contreforts des souliers s’en vont en lambeaux, rongés par l’acide. On avance dans un vacarme épouvantable et une chaleur de four. Les pelotons avant ont ouvert le feu : nous devons nous approcher de la tranchée à reprendre : elle est en bordure du Canal, au pied du mur de l’usine. Surpris par notre arrivée, l’ennemi lâche pied de toute part. La tranchée est libre. Nos hommes sautent dedans et tirent. Des groupes d’Allemands en déroute passent en hurlant sur le chemin de halage à un mètre des canons des fusils. Les voici étendus sur la berge. Deux « Fritz » ont jeté les armes et, à genoux, ont demandé grâce. Un ordre, et ils nous rejoignent dans la tranchée, « notre tranchée » à présent. Ce sont nos deux prisonniers. Quelle fierté ! Les soldats sont en proie à un délire d’action. Il faut les retenir pour les empêcher de traverser le Canal à la nage et d’aller balayer les tranchées ennemies qu’on devine là, sur l’autre rive, à 30 mètres de nous. Il y a un de nos gars qui a crié : « On va aller reprendre le Canal Albert ! » Belle minute vraiment ! En attendant, ils mitraillent à cœur joie « ceux d’en face ». Mais dans l’usine, il doit rester des détachements ennemis, car on tire par derrière. Mon peloton s’en va en patrouille. Une longue file qui rampe le long des bâtiments, immobilisée de temps à autre par une rafale hâtive. Et toujours cette rafale est suivie d’une course précipitée dans les hangars dont les toits tombent morceau par morceau avec des bruits sourds. Décidément, l’ennemi semble peu disposé à « tenir » ! Nous voilà au bout de l’usine. Nous n’avons pas eu à tirer un coup de feu. Nous rentrons dans le grand calme. Revoici notre bout de tranchée. Le commandant est inquiet : aucun des coureurs envoyés au bataillon n’est revenu.<br /> </p><br /> <strong>Repli général</strong><br /> <br /> <p style="text-align:justify">Voici un officier : un inconnu ; on se méfie ! C’est un lieutenant du 37 qui, renonçant à fuir avec son régiment, est revenu sur les positions, seul. Il a vu en passant notre Major et il nous apporte un ordre. Et quel ordre ? « Repli général de l’armée. Regroupement du bataillon à Rieme ». – Stupeur ! « Alors ? C’était bien la peine de reprendre cette tranchée ! » On ne comprend plus rien ! « Qu’est-ce qu’il f..., là-derrière ? » Il faut bien se résoudre. Mon peloton va protéger le repli de la compagnie. Je m’installe dans la tranchée. Le gros nous quitte. Un quart d’heure... Mon commandant revient vers nous avec son aide-comptable : « On a oublié de prévenir du repli les mitrailleurs ! » - « Vous en faites pas, on va faire ça ! » Ils s’en vont dans la nuit. Derrière nous une rafale, quelques coups de feu. – « Sacré nom ! il s’est fait prendre dans une embuscade ! » - Je regroupe mes mitrailleurs et je trouve, par surcroît, un peloton égaré d’une autre compagnie. Il est temps de partir. Tout mon monde est en marche. On sort de l’usine. La route, éclairée par le rouge des réservoirs en feu. On a tiré sur nous ! Nous sommes tous par terre ! Ça doit venir de ce terril qui surplombe un mur de l’usine. On tire encore : nous ne voyons pas d’où ça vient. Il ne s’agit pas de se laisser tirer comme ça ! On enfonce une porte et on se précipite dans une maison. On ne voit rien de plus ; et pas moyen d’en sortir par l’arrière : il faut revenir sur la route. On risque la tête, on ne tire plus ! Profitons-en ! Ai pas de course le long des murs (et les mitrailleurs portent leurs pièces à bras !) Voici enfin Rieme. Le bataillon est toujours là. « Où est notre commandant ? » - « Pas vu ! » Diable ! Un vélo nous tombe dans les jambes : l’aide-comptable. Il raconte l’affaire : « Le commandant est tombé avec moi sur six Allemands postés à la porte de l’usine. Pas moyen de filer ! Il a essayé de leur parler allemand, mais ils n’ont pas bougé. Alors le commandant a tiré les treize coups de son G.P. Ils ont tiré une rafale et se sont sauvés. Nous aussi ! » - Et bientôt, voici le commandant en personne. Il l’a échappé belle ! Il nous a sauvés, car ces six gaillards-là attendaient notre peloton d’arrière-garde pour le surprendre au sortir de la « Purfina ». La contre-attaque a fait plusieurs victimes dans le bataillon. Un adjudant a été blessé au ventre. On se met en marche. Eccloo-Necke. On a passé le Canal de Dérivation de la Lys. Le 24, à 14 heures, nous nous arrêtons : la première halte après vingt-trois heures de combat et de marche. On dort cinq heures. – Ordre de s’installer en défensive à Somerghem (second échelon de la D.I.). Les travaux n’avancent pas ! Le moral est tombé à zéro. Après l’enthousiasme de Rieme, nous voilà bien bas. Des groupes entiers sont restés en arrière pendant la marche ; sans doute sont-ils déjà aux mains de l’ennemi. Un de nos groupes de combat qui constituait pointe d’arrière-garde mobile pour le bataillon, à dû s’endormir sur place, car aucun de ses hommes n’a suivi ! – Nuit blanche et froide, mais calme. Aube sans histoire. Des avions nous inondent de prospectus défaitistes : « Les Allemands seraient à Dunkerque ». Cette blague ! – Les travaux n’avancent toujours pas. Il faut un bombardement à cent mètres de nos lignes pour décider les pelles à se mettre en mouvement. C’est le coup de fouet qu’il fallait. Le moral remonte d’heure en heure.<br /> Nos « camarades » (qu’ils disent !) nous tirent dessus ! Eh bien, on les recevra ! La position est déjà au point à 23 heures. On accorde repos pour la nuit. Mais dans les rares fermes des alentours, il n’y a plus une place : les granges fourmillent de réfugiés : ceux qui n’ont pu passer en France et qui mendient le reste de nos cuisines. Il y en a jusqu’à septante dans une remise.<br /> Le 26, l’ordre de la D.I. porte notre bataillon à l’ordre du jour pour la contre-attaque du 23. On reprend pied. On réorganise les unités. Il manque vingt-et-un hommes à mon peloton, disparus au cours de la marche. La journée est calme. Nos patrouilles circulent sans être inquiétées. A 17 heures, une « saucisse » s’élève devant nous. On n’y prend pas garde. A 19 heures, six obus atteignent notre point d’appui. Deux « entonnoirs » sont à moins de cinq mètres de nos tranchées. Les arbres sous lesquels est creusé mon P.C. sont décapités et noircis. « Satanée saucisse ! »<br /> Ordre de contre-attaquer vers le Nord<br /> A 20 heures, le bataillon reçoit l’ordre de contre-attaquer vers le Nord. Tant mieux ! On se met en place et on attend jusqu’au lendemain à 10 h. 15. On part enfin, mais la « saucisse » est encore là qui nous guette. Sur le bataillon en dispositif resserré, dans les champs sans fossé, plusieurs batteries déversent leur mitraille pendant près de quatre heures, sans une seconde d’arrêt. On ne croit plus qu’on en réchappera : on est entassé dans les moindres creux et on ne se donne même pas la peine de se faire un trou. Quand le tir cesse, on ose à peine faire l’appel. Les voix qui répondent : « Voorwaarts » sont haletantes... Il n’y a qu’un blessé léger pour tout le bataillon. Ça rend du courage ! On part... mais ce n’est pas pour contre-attaquer : c’est un nouveau repli général. Ça sent la fin... On gagne le Canal Gand-Bruges. Sur les deux berges, survolé par des avions qui ne tirent pas un coup, c’est un défilé sans fin. On croirait que toute l’armée s’est donné rendez-vous ici. Voilà le pont d’Aeltrebrugge. Sur l’aérodrome de Maria-Aelter, tout proche, s’écrasent les torpilles. Nous devons d’après l’ordre, passer le pont et remonter vers le Nord prendre position à Knesselaere. Pressons le pas. Une détonation terrible. Un blindé vient d’apparaître sur la berge nord et a tiré un coup de 3,7 sur la colonne. Ça a été rapide comme l’éclair, mais un monceau de corps et étendu à nos pieds. Pour notre compagnie : un caporal tué ; deux sergents et quatre soldats blessés gravement. En un instant la berge a été vidée. Tout le monde est en fuite. Les blessés seuls sont restés au bord du Canal avec les morts. Nous endiguons la panique comme on peut. Nous allons passer le pont. Celui-ci saute devant nous : l’ennemi est sur l’autre berge. La débandade est affreuse. Un sergent et quelques hommes retournent, malgré tout, vers le Canal. Ils y relèvent les blessés, les tirent vers l’arrière, les chargent sur une charrette et les évacuent. Que faire ? Où est le Major ? Où sont les hommes ? Nous avons, en tout et pour tout à la compagnie, trois officiers et une quarantaine de soldats. On attend en vain un ordre. Personne n’est en vue... Ce fantôme de compagnie part à l’aventure. Et c’est une marche infernale dans les blés, dans les fossés, sous les avions... On boit du lait, on gobe un œuf, en passant, au hasard des fermes. – Allons à Saint-Georges ! On y dort trois heures. Il n’y a plus de Belges là ! – Sur l’autostrade Gand-Bruges, on suit une colonne d’artillerie. – On subit un ultime bombardement. On se jette à travers champs. – De toute part, des groupes d’hommes qui marchent sans savoir. Du Sud, du Nord, de l’Est, ils affluent et toujours d’où qu’ils viennent, ils se prétendent poursuivis par l’ennemi. Une seule direction reste à envisager : Bruges. Qu’y fera-t-on ? Qu’y trouvera-t-on ? Mystère ! Mais on marche... Il est cinq heures. Nous sommes au 28 mai. On rencontre une fraction du 29e de ligne qui, sans ordre comme nous, a décidé de s’organiser en défensive, près d’Oostkamp. Notre bataillon (ce qui en reste !) doit être là derrière, paraît-il : un peu plus loin, sur l’autostrade. On gagne la grand’route. Quels sont ces soldats en bonnet de police et sans armes ? Rêvons-nous ? Non ! Une auto passe : des officiers belges, des officiers allemands.<br /> <strong>Et alors nous apprenons que, depuis quatre heures du matin...</strong></p><br /> <br /> François Duysinx.<br /> <strong>Source : Musée du Souvenir.<br /> <a href="https://www.maisondusouvenir.be/en_campagne_francois_duysinx.php">https://www.maisondusouvenir.be/en_campagne_francois_duysinx.php</a></strong> Thu, 28 Sep 2023 20:30:01 +0200 Relation des événements survenus au fort de Battice du 9 mai au 19 mai 1940 https://www.freebelgians.be/articles/articles-1-235+relation-des-v-nements-survenus-au-fort-de-battice-du-9-mai-au-19-mai-1940.php https://www.freebelgians.be/articles/articles-1-235+relation-des-v-nements-survenus-au-fort-de-battice-du-9-mai-au-19-mai-1940.php A 21 h 45, alors que tous les officiers sont présents au fort, le chef de corps, le colonel M. Modart, accompagné de son adjudant-major Cap. Cdt Gobert vient faire un contre-appel. Ces officiers quittent le fort à 23 heures.<br /> A 19 h 30, l’I.N.R. diffuse que l’action des congés de 5 jours est rétablie.<br /> De tous les événements que nous retenons se dégage une note d’optimisme qui n’est guère en rapport avec la brusque réalité qui se présentera une heure et demie après le départ du chef de corps. Il y a cependant huit mois que l’on ne cesse de nous recommander la vigilance et que l’on se montre sévère dans l’action des <br /> congés, des permissions et des autorisations de quitter le fort.<br /> <br /> <strong>vendredi 10 mai</strong><br /> <br /> <p style="text-align:justify">A 0 h 35, l’adjudant Duvivier, qui est de service au P.C. reçoit du C.A. par téléphone ordre d’alerte venant de l’ouest – prénom Alfred. Il s’agit de l’alerte réelle.<br /> En moins de 10 minutes, toute la garnison est alertée et, sous la direction des officiers, procède à la mise en état de défense du fort.<br /> Le déménagement aux baraquements est fait avec diligence à l’aide des hommes n’ayant aucune mission spéciale. Les militaires mariés logeant à l’extérieur et en congé spécial sont rappelés d’urgence et rentrent de façon normale. Vers 1 heure, toutes les armes sont en état de tirer.<br /> A 2 h 30, l’ordre est donné au contremaître de l’entrepreneur Carpeaux de prendre les dispositions pour l’évacuation de son matériel et la destruction du pont en bois reliant la contrescarpe à l’escarpe au droit de l’ancienne route.<br /> Le contremaître logé dans la ferme Donéa devra être appelé à plusieurs reprises par le Lieutenant Poncelet. Lorsqu’il se présentera vers 4 heures, il tergiversera prétendant devoir recevoir des ordres de son patron et finira par prendre la fuite avec son personnel dès que le fort sera survolé par les premiers avions ennemis.<br /> Rien n’ayant été prévu, le pont ne sera détruit que vers 9 heures par le personnel du fort ; une bétonnière et une voiture bureau seront abandonnées près de corps de garde (baraquement 2).<br /> D’autre part, entourant la nouvelle cheminée en construction, une toile sur piquets servant de masque ne sera pas détruite.<br /> A 3 heures, tout est prêt pour l’incendie des baraquements ; vers le nord et le nord-est, de nombreuses explosions se font entendre faisant penser à une attaque à travers le Limbourg hollandais.<br /> A 4 heures, un sous-officier des U.Cy.F. se présente au Lt Poncelet et demande que l’on sursoit à la destruction de la BAT., une ou deux Cies de garde-frontière venant d’Henri-Chapelle par la grand route. Le sous-officier annonce la violation du territoire et l’exécution parfaite des destructions le long de notre frontière. Ces U.Cy.F. se rendent à Bois-de-Breux.<br /> Le sous-lieutenant Renaux qui a été chargé de veiller à l’exécution des préparatifs de la destruction de la BAT se rend à moto vers Henri-Chapelle et croise la colonne des U.Cy.F. ; il revient bientôt et n’a rien de spécial à signaler.<br /> A 4 h 30, le major Bovy, que la voiturette est allé prendre à l’H.M. de Liège, rentre au fort. Au même moment, les derniers des U.Cy.F. passent à hauteur du fort dans un ordre parfait, suivis de charrettes et tombereaux sur lesquels ils ont accumulé un matériel invraisemblable. Peu après le passage de ces troupes, les explosions redoublent d’intensité au nord et nous assistons au passage de multiples escadrilles d’avions de tous genres venant de l’est et se dirigeant vers l’ouest.<br /> Cette activité aérienne ne se manifeste que dans la région Nord. Au sud, tout paraît calme. On reste stupéfait devant le défilé de ces centaines d’avions dont le vrombissement des moteurs se mêle de bizarre façon aux explosions et détonations des pièces de D.C.A. Le spectacle impressionnant suspend momentanément l’activité de nos hommes.<br /> Le ciel violacé où l’aurore glisse quelques rideaux roses piquetés de flocons de projectiles restera dans la mémoire de tous les spectateurs. Quelques avions se détachent et viennent survoler notre fort à basse altitude. Ce sont des avions allemands de reconnaissance. Nos sections de MiCAvi et les FM du corps de garde ouvrent le feu. Les avions ripostent, gagnent de la hauteur, mais continuent à survoler le fort et ses environs, à la recherche sans doute de nos unités frontières. Cet événement est rapporté au major Bovy qui donne l’ordre de précipiter l’évacuation des baraquements par le personnel dont la présence en surface n’est plus d’absolue nécessité.<br /> Il est 5 heures. Le major reçoit du chef de corps l’ordre de faire sauter la destruction du BAT et d’incendier les baraquements. Le chef de corps fait part de ce que le fort d’Eben Emael a été attaqué.<br /> Après avoir contacté le DLO, qui déclare que toutes les destructions prévues ont été exécutées, le major Bovy prend sur lui d’exécuter les tirs d’accrochage prévus. Un tel tire sur le B.A. de Gensdesbloem, dans la brume matinale, les observateurs n’observent aucun coup, le tir ne peut être conduit à bonne fin.<br /> A 5 h 30, tout le personnel a gagné l’intérieur du fort, à l’exception du personnel de Génie sous les ordres du sergent Maréchal ; quelques hommes surveillent l’incendie des baraquements et qui détruisent dans la suite le pont Carpeaux.<br /> Au moment où le major est avisé de la parfaite exécution des travaux prévus, il sursaute brusquement à son PC, terrassé par une embolie.<br /> Comme une traînée de poudre, cette triste nouvelle se répand dans tous les bâtiments du fort. Elle y sème la consternation et provoque de vifs regrets parmi les officiers, sous-officiers, brigadiers et soldats dont le major avait su gagner l’estime par son affabilité, son esprit de travail et de justice.<br /> Le corps du major est encore étendu au PC quand le lieutenant J. Barthélemy venant d’Hechteren rentre avec le premier camion.<br /> A 7 heures, tous les officiers et la troupe rentrant du camp d’Hechteren auront réintégré le fort.<br /> A Hechteren, tout est calme. A 0 h 20, les troupes campées et cantonnées reçoivent l’ordre de se tenir prêtes à recevoir un ordre d’alerte. Le personnel subalterne reçoit du Capt Guéry l’ordre de se tenir prêt à embarquer dans un délai minimum. Le matériel était prêt à charger. Le Lt Col Scoly du RFL présent au camp est avisé de l’ordre reçu et de l’ordre donné et demande aux autorités du camp de pouvoir charger sur camions personnel et matériel du RFL. En attendant des ordres précis, il décide de tenir les troupes prêtes à quitter le camp, mais ne peut les charger sur camions.<br /> A 1h35, nouvel ordre du cdt du camp. Les troupes campées doivent immédiatement rejoindre leurs garnisons respectives. Les véhicules sont parés, personnel et matériel chargés. Le convoi est prêt à partir. Les opérations de remise et de reprise sont écourtées, le départ a lieu vers 2 h 30.<br /> A 3 h 30, le convoi passe à Eben au moment où les premiers planeurs allemands descendent aux environs du fort d’Eben Emael. Le camion contenant le matériel TS s’attarde à Eben pour remettre au fort d’Eben Emael le matériel utilisé au camp par les unités du RFL.<br /> La descente sur Visé se fait à grande vitesse, le convoi passe sur la rive droite de la Meuse et file vers Julémont par la route de Visé – Berneau. Hélas, dès la sortie de Visé, il est arrêté, les chicanes sont fermées, force est de rebrousser chemin. Pour éviter toute nouvelle surprise désagréable, le Capt Guéry téléphone à l’EMR à l’effet de demander l’itinéraire libre pour regagner Battice. Il est invité par l’officier de service, le Lt Walbers, à passer par Liège où des instructions lui seront données. Ordre est donné aux convoyeurs des véhicules, tous officiers, de filer vers Liège et de se rendre au siège de l’EMRgt, instruction de se suivre à moins de cent mètres. Le pont de Visé est maintenant obstrué, les camions se dispersent et filent vers Liège, les uns empruntant la rive droite, les autres franchiront la Meuse au pont d’Hermalle-sous-Argenteau et gagneront Liège par la rive gauche.<br /> A l’EMRgt, le Capt Guéry apprend les premiers faits saillants de la journée, violation du territoire, attaque du fort d’Eben Emael dont deux bâtiments ont déjà sauté, mais il ne peut savoir si la guerre a été déclarée et quelle a été la réaction de l’autorité.<br /> On ne sait rien de plus. Le Capt Guéry s’est vu fixer l’itinéraire à emprunter pour gagner Battice. Il reçoit ordre d’aller le plus près possible avec les camions. Dans le cas où les camions seraient arrêtés et dans l’impossibilité d’aller de l’avant, il devra les abandonner et rejoindre le fort éventuellement à pied avec son personnel. Le Cdt Guéry quitte l’EMRgt et file vers Battice par l’itinéraire Bois de Breux, Beyne Heusay, Fléron où certains de ses camions se trouvent déjà arrêtés devant les obstacles C du fort.<br /> Après entente avec le Cdt du fort, le passage est ouvert, franchi par les véhicules puis refermé. C’est au cours de cette dernière opération que le Cdt Guéry voit arriver le motocycliste du fort. Interpellé, celui-ci décide de se rendre à la rencontre de la troupe et annonce la mort du major Bovy. Laissant le commandement de la colonne au capitaine Vandescamps, le Cdt Guéry, qui va devoir prendre le commandement du fort, prend place dans le sidecar et file à grande vitesse en direction de l’est. Il arrive à destination vers 6 h 25 et pénètre par Wancourou. Là, il apprend que le véhicule piloté par le lieutenant Barthélemy, véhicule absent à Fléron, a rejoint le fort. Les autres véhicules restés sous les ordres du Cpt Vandescamps rejoindront peu après.</p><br /> <br /> <p style="text-align:center"><img src="https://www.freebelgians.be/upload/caporal_mai_2012_003_battice.jpg" alt="" class="valign_" /></p><br /> <p style="text-align:center">Dessin extrait de ‘’Ceux du fort de Battice en 1940’’ édité par l’Amicale des Anciens du Fort de Battice en 1989</p><br /> <br /> <p style="text-align:justify">Au fort, les coupoles de 120 exécutent les tirs d’interdiction, d’entretien des destructions avec grande régularité.<br /> Dès 6 h, les coupoles de 75 entrent aussi en action.<br /> A 8 h, la ferme Donéa est détruite.<br /> A 9 h, le toboggan saute : une rupture dans les canalisations d’eau se produit et l’eau inonde partiellement la batterie PC Wanendmont. Remède est apporté. L’accès au fort par le toboggan est muré par du béton.<br /> A 10 h, le monte-charge de la coupole 75 AN est hors service. Faute de pièces de rechange, le ravitaillement de cet organe de feu devra être apporté, au cours de toute l’action du fort, par une corvée spéciale.<br /> Vers 11 h, nos deux équipes de DLO et notre … du PO de la maison Grise rejoignent le fort, ils nous font part de ce que les U.Cy.F. sont parties sans les prévenir. Des cavaliers allemands sont venus jusqu’au… Fonck. Sur ordre supérieur, le personnel du PO maison Grise vient vers 12 h de regagner leur poste. Il doit y renoncer, ayant à nouveau rencontré une avant-garde allemande.<br /> Pendant ce temps, deux patrouilles à vélo sont envoyées à l’extérieur. La première, brigadier Potjans et soldat Wonck se rend dans la région Chaineux, Houlteau, …. Elle y apprend par des civils que des groupes de soldats allemands ont été vus et que les positions d’accueil ont été abandonnées par les U.Cy.F. dès le début de la matinée.<br /> La seconde, soldats Pireaux et X, qui s’est dirigée sur Clermont, signale la présence de petites unités allemandes dans la région.<br /> Aux coupoles, le personnel rencontre quelques difficultés, certains mouvements fonctionnent de façon défectueuse. Des spécialistes de la FRC arriveront vers midi… ils repartiront vers 16 h sans avoir remédié aux inconvénients qui leur ont été signalés.<br /> Le moral de la garnison est excellent. Aux coupoles, dans les cloches et les coffres, partout la bonne humeur règne, chacun s’efforçant de ne parler que de choses drôles. Les mots d’esprit et les plaisanteries fusent, se succèdent sans interruption ; à aucun moment on ne verra des figures sombres reflétant l’angoisse ou le cafard.<br /> Vers 12 heures, le personnel du P.O. de Tombeux rentre au fort.<br /> A signaler également au point de vue garnison de défense que vers 7 h 30 du matin, M. Désirant, adjoint technique des B.M. arrive au fort. Vers 10 h 30, une partie du personnel inutile à la défense quitte l’ouvrage sous la conduite de l’adjudant Duvivier à l’effet de regagner le cantonnement de repos. Les comptables des unités emportent les documents administratifs.<br /> Les lieutenants Poncelet et Lequarré font prendre leur voiture automobile garée au village par des militaires de cette faction.<br /> Vers 13 h 30, une patrouille de deux hommes, soldats Dandrifosse et Collard, qui s’est rendue à la BAT, rentre au fort, déclare avoir vu des soldats allemands et signale que le soldat Ré Kaimers, blessé, est à l’extérieur du fort.<br /> Le malheureux qui n’est pas rentré au fort après la destruction du pont Carpeaux est allé sans autorisation et à l’insu de tous à l’aventure… vers le BAT…<br /> Dans l’après-midi, le fort de Fléron accroche sur les fonds de Wancourmont et de Stockis, endroits non battus par les coupoles du fort. Dès le début de l’après-midi, le P.O. cuirassé MN 29 signale le passage de troupes au carrefour de Kerchof. Elles sont immédiatement prises sous le feu de l’artillerie du fort.<br /> Vers 17 heures, le major commandant le bataillon des U.Cy.F, qui avait son PC à Battice, nous téléphone que la mission est terminée, qu’il s’en va et nous souhaite bonne chance.<br /> Notre DLO auprès de cette unité rentre au fort peu de temps après. Nul doute que les postes d’accueil ne serviront pas.<br /> A 14 heures, le PO VM 23 annonce que des Allemands ont atteint Verviers. Le mdl Poncelet, observateur au profit du fort de Fléron a quitté son PO alors que les Allemands atteignent Bellaire et que les destructions de Dolhain étaient réalisées. Ce sous-officier est allé renforcer le personnel du PO sur ordre du major Herbillon commandant le IV RFL dont le fort de Fléron fait partie.<br /> Toute la journée, de nombreux civils passent sur la grand’ route et également dans la tranchée du chemin de fer. Dans la foule des fuyards, on note la présence de nombreux jeunes gens.<br /> Le tir d’accrochage sur la maison de la BAT est effectué au début de l’après-midi. Sans relâche, les coupoles exécutent les tirs lointains des objectifs prévus et sur les unités ennemies signalées dans la région du nord du fort et se dirigeant vers l’ouest.<br /> Les mouvements ennemis (nombreux passages) au nord et le calme au sud nous font supposer que la position fortifiée de Liège est tournée par le nord.<br /> Peu d’ordres du commandant de groupement, aucun des commandants de régiments A/CA et IIICA, au cours de cet après-midi.<br /> A 18 heures, on annonce du bâtiment 1 que des civils venant de Battice et porteurs d'un drapeau blanc avancent vers le fossé. Le lieutenant Tiquet et l'adjudant Doutrelepont se trouvent en présence d'un civil étranger inconnu accompagné du garagiste Wiady de la commune et de quelques gamins. L'inconnu annonce une grosse attaque de l'artillerie allemande et conseille de réfléchir avant qu'il ne soit trop tard. Cette plaisante menace fait sourire nos officiers qui éconduisent promptement l'inconnu. Tandis que cet incident plutôt comique se passe au bâtiment 1, l'officier d'administration du groupement, adjudant Herpet vient ravitailler le fort en pain et viande fraîche. Il repart après avoir accompli normalement la mission.<br /> Vers 19 heures, le soldat rengagé Kainers est aperçu rampant dans la tranchée du chemin de fer, épuisé, blessé. Recueilli par une patrouille sortie sous la conduite du mdl Cabay, il est transporté à l'intérieur du fort où les médecins procèdent, dans la salle d'opération, à l'extraction de plusieurs balles.<br /> Malgré les soins immédiatement prodigués, le soldat Kainers succombera trois jours plus tard suite aux blessures graves reçues.<br /> Peu après, l'équipe de M.V.D. exécute un tir sur la ferme Marnette où la fuite en pâture des animaux inquiets constatée par le bâtiment Il fait supposer que quelque chose s'anormal se passe.<br /> Dès la tombée de la nuit, alors que les tirs d'artillerie continuent, des petites armes entrent en action car de tous les bâtiments, le PC PA est avisé que certains mouvements sont décelés aux environs immédiats du fort. Les embrasures de nos bâtiments font l'objet de tirs précis et systématiques de la part de l'ennemi. La vigilance est grande chez les hommes, ce qui sauvera le fort de toute attaque brusquée.<br /> Jamais l'ennemi ne pourra approcher assez près pour mettre à mal les embrasures soit à l'aide de cartouches d'explosifs, soit à l'aide de tout autre moyen mis en œuvre contre d'autres ouvrages (Lance flammes)...<br /> Le Bâtiment IV est pris sous le feu de pièces de petits calibres installées à Chaineux, tirant des projectiles pour cuirasse. Ces pièces sont immédiatement contrebattues avec succès.<br /> Le PO MM 12 est soumis plusieurs fois au cours de la nuit au tir d'armes automatiques ennemies très rapprochées. Des armes automatiques installées dans le couvert au nord de la ferme Donéa tirent dans les embrasures du P O où le séjour dans la cloche est rendu impossible. Le P O est dégagé par le tir de coupoles 75.</p><br /> <br /> <strong>Samedi 11 mai</strong><br /> <br /> <p style="text-align:justify">La nuit est très agitée. Les P O ne voient rien ou presque rien tant il fait sombre. On tire dans les embrasures des bâtiments. A certains moments, les B I et B V II signalent la chute de parachutistes aux environs sud du fort. Il est impossible d'avoir confirmation de l'événement. Les armes tirent à la moindre manifestation en vue d'éviter l'approche de l'ennemi et le lancement dans les embrasures d'engins explosifs (20.000 cartouches tirées).<br /> A 3 heures, le SLt Jodain est allé remplacer l'Adjudant Doutrelepont au Mi Anti Avi. Les munitions sont en grande partie consommées (6.000 traçantes, 1.000 ordinaires) en raison des nombreux tirs effectués sur les avions qui ont survolé la position la veille et dès l’aube de ce jour.<br /> Les tirs d'interdiction et d'entretien des destructions continuent.<br /> Signalées par nos P O, de nombreuses troupes ennemies (colonnes de toutes armes) passent aux carrefours au nord du fort.<br /> La mission des interdictions primant tout, nous ne pouvons distraire qu'une partie de nos moyens pour contrebattre ces troupes. Tant pis pour les tirs d'interdiction, mais de tels objectifs ne peuvent passer inaperçus.<br /> De nombreux civils passent encore aux environs du fort et se dirigent vers l'ouest. Vers 10 heures, le P O MN 29 signale un rassemblement de soldats allemands dans un verger au N.E. de la Croix des Fames. Afin de les identifier, le chef du P O envoie un volontaire. Le soldat M38 Maertens part, rentrant de son expédition, le soldat Maertens, qui est porteur de sa veste en toile bleue, n'est pas reconnu par les camarades alors qu'il s'approche en rampant du fort. Le chef du P O Mdl Servais croit qu'il a à faire à un ennemi et tire dans sa direction avec son pistolet GP. Comble de malheur, la balle a atteint l'homme en pleine poitrine. Maertens, grièvement blessé, est ramené dans L'abri. La consternation est à son comble, le chef du P O est désespéré. Impossible d'envoyer un médecin à ce poste éloigné. Des mesures d'ordre service sont édictées par téléphone au P O. Des nouvelles sont prises souvent et des conseils donnés. Le malheureux Maertens agonisera et finalement succombera le mercredi 15 en présence de ses camarades impuissants.<br /> Malgré ce tragique événement, le personnel du P O MN 29 fera preuve d'un courage et d'un cran remarquables jusqu'à la dernière minute de sa résistance.<br /> A 13 heures, la section de M.L.C.A. en position sur le massif subit une violente action ennemie. Mitraillée des ruines de la ferme Donéa et des environs de la gare de Battice, elle est de plus prise à partie par des pièces de petit calibre et réduite au silence alors que des avions survolent l'ouvrage. Des organes de feu du fort entrent en action pour protéger la section de ML, sans grand succès. On tente de ravitailler Le personnel au cours d'une accalmie.<br /> Deux soldats, Bastin et Claes sortent par le BE. A peine ont-ils franchi la poterne que des balles ennemies semblant provenir du dessus du B. I. sifflent à leurs oreilles. Ils ne peuvent mener à bien leur mission.<br /> L'action du fort est concentrée sur l'endroit d'où semblait sortir les coups.<br /> Les mitrailleurs se trouvent dans une situation dont la gravité grandit. Pris sous le feu ennemi, gênés par le tir de nos autres armes, privés de munitions adéquates à leur mission, ils demandent l'autorisation de tenter l'évacuation de la position et de rentrer dans l'ouvrage.<br /> Invités à prendre patience, Le moment étant mal choisi, ils finiront plus tard, aidés par l'action du fort, à rentrer dans l'ouvrage avec armes et munitions. Le mouvement difficile a été effectué sans perte.<br /> Dans La matinée, Le P O 305 a signalé le passage à Chaineux de troupes et de charrois. Les pièces de 75 concentrent leurs tirs sur le centre du village et les routes y aboutissant. L'ennemi est dispersé.<br /> Dans le courant de l'après-midi, Le P O VM 23 voit une douzaine de soldats allemands s'approcher de l'abri à la faveur du chemin creux.<br /> Le chef du PO Maréchal de Logis M 38 Van Reye décide d'effectuer une sortie pour se dégager. Armés de FM, GP et grenades, ils parviennent à surprendre L'ennemi et à le disperser. Rendant compte de l'incident, le chef du PO nous apprendra que 5 soldats allemands sont restés sur le terrain.<br /> (Le 10, le MdL Poncelet du fort de Fléron qui se trouve au PO VM 22 a reçu de son commandant de groupe l'ordre de rejoindre son fort avec les deux soldats. L'un d'eux sort en compagnie du soldat M 38 Delmotte afin d'éclairer la route. Des minutes s'écoulent, les deux soldats ne rentrent pas.<br /> Le 11, par après, le MdL Poncelet et son 2e soldat quittent le PO à leur tour. Le Cdt du fort de Fléron, Capitaine Glime nous apprendra le lendemain à 1 heure que son observateur a rejoint sauf, mais seul. On n'aura plus de nouvelle du soldat Delmotte.)<br /> Après midi, nous sommes bombardés par des obus de moyen calibre ; les environs de la coupole B Nord et du Bâtiment II sont particulièrement visés.<br /> Le Cdt du Groupement donne ordre d'exécuter avec toutes les coupoles un tir de concentration sur Aubel, localité occupée par de nombreuses unités ennemies. Le déclenchement du tir se fait sur son ordre, les forts d'Evegnée et de Fléron participent à cette concentration. 200 obus sont tirés.<br /> Le Cdt du fort de Neufchâteau demande un tir sur une batterie installée en lisière du bois de Los, au bord de la route Merchoff.<br /> Il fera observer le tir. Le tir de contre batterie est ouvert sans délai. Une pièce est détruite, la batterie est neutralisée, le personnel abandonne le matériel et se réfugie dans le bois. Nous y transportons le tir. Ultérieurement, à la demande du fort de Neufchâteau, le tir sera repris cette fois avec les coupoles de 120.<br /> De l'intérieur, on nous signale qu'une batterie de gros calibre s'installe dans le bois de Fawes au nord de La Croix de Charneux. Il y a probablement corrélation avec les renseignements reçus le matin du PO MN 29 lors de sa tragique aventure.<br /> Nos PO tant extérieurs que du fort signalent le passage de colonnes ennemies au nord de l'ouvrage. Nous prenons ces colonnes sous nos feux, décidés maintenant à ne plus perdre les occasions qui nous sont offertes et ce au détriment peut-être des tirs d'interdiction et d'entretien des destructions qui eux, à l'exception de celui ajusté sur la BAT, sont tous tirs non observés.<br /> De nombreux mouvements ennemis semblent se produire dans le fond de Stockis. A notre demande, le fort de Héron y exécute un tir. Les coups tombent trop au nord, nous avisons Héron de notre observation. Coups sur région Chapelle Ste Cécile et Fond de Stockis est épargné.<br /> La nuit arrive sans apporter grand changement dans le déroulement des tirs d'interdiction et d'entretien des destructions.<br /> Cependant le tir sera repris à la demande du fort de Neufchâteau sur le bois de Loo avec coupoles de 120. Dès la nuit tombante, notre PO MN 29 sera attaqué. Cette action restera sans résultat positif pour l’instant grâce à la rapide intervention de nos pièces de 75.<br /> Au cours de la journée, une pièce 120 de la coupole B sud subit une grave avarie : chemise fêlée de la culasse à la volée, ce qui met cette pièce pratiquement hors de service. Aux autres pièces, le chargement se fait à la main, le fonctionnement automatique étant avarié.</p><br /> <br /> <strong>Dimanche 12 mai</strong><br /> <br /> <p style="text-align:justify">Au cours de la nuit, le BVII signale que la position des MI A AV du massif semble être occupée par l'ennemi ; l'embrasure de la cloche Nord est presque sous un feu <br /> continuel. Nous demandons au fort de Héron un tir contre infanterie sur le massif (cordonnées communiquées). Plusieurs projectiles arrivent près du BVII sur l'alle ...<br /> Dès 5 h30, nous subissons un violent bombardement à obus de gros calibres. Le rectangle de dispersion paraît être orienté suivant l'alignement BSud BIV. il s'agit de calibre au moins égal à du 280 et d'obus de semi rupture dont l'éclatement fait littéralement sauter les coupoles et les B sur leur base.<br /> Le Cdt de groupement nous annonce de bonnes nouvelles. Situation des forts de Liège est bonne, les ouvrages résistent toujours et les Français sont à Boncelles.<br /> Tandis que ces nouvelles nous parviennent, nous captons à la TSF une émission de l'INR au cours de laquelle le premier ministre Pierlot communique. Les Allemands ont franchi le canal Albert sur deux ponts dont la destruction n'a pu être opérée. Les officiers qui en étaient chargés ayant été surpris et tués. Les Allemands ont lancé une colonne motorisée jusque Tongres. La situation est grave mais pas désespérée. Les troupes françaises et anglaises ont pris contact avec les nôtres.<br /> La guerre a revêtu une cruauté plus grave encore que les précédentes, des villes ouvertes ont été bombardées, des colonnes de réfugiés civils mitraillées par l'aviation allemande.<br /> Le Cdt de groupement nous signale l'existence du PC ennemi dans l'immeuble du Bourgmestre de Herve et nous donne ordre d'exécuter un tir sur cet objectif.<br /> Il est 12 heures, un tir de 60 coups est exécuté.<br /> Vers 13 heures, alors que le calme est revenu, une colonne ennemie venant d'Henri-Chapelle débouche au carrefour de la Baraque se dirigeant vers Battice. Il s'agit d'un convoi du génie avec des ? et passerelles qui vient sans doute à la BAT.<br /> Pris immédiatement sous le feu de nos coupoles de 75, le convoi s'arrête ; dispersé, il s'éparpille dans les couverts au sud de la route à hauteur de la chapelle St Roch et gagne le sud-ouest par Gareyé (?).<br /> D'autres unités allemandes passent à Froidthier, Merschoff, Clermont. Il s'agit d'unités montées, elles subissent le feu de notre artillerie.<br /> La nuit, une grande vigilance de nos hommes sera de rigueur car les tirs ennemis reprendront dans les embrasures de différents bâtiments comme au cours des nuits précédentes.</p><br /> <br /> <strong>Lundi 13 mai</strong><br /> <br /> <p style="text-align:justify">Vers 2 h 30, le chef du BI signale que des tirs ??? sont exécutés dans les embrasures de son ??? puis annonce des mouvements d'approches, une action ennemie est incontestablement dirigée contre son ouvrage. Les C.60 tirent, les Mides casemates du BVI ! ainsi que celles de la casemate 0 du BI ! barrent le bâtiment.<br /> La position des MVD qui n'est pas occupée en permanence peut constituer pour l'ennemi une sérieuse protection. Des grenades sont lancées du BI avec succès, car on entend des cris de douleur chez l'assaillant.<br /> Le sous-lieutenant Renaux qui se trouve au BI nous apprendra par après que l'attaque a été repoussée et que l'ennemi a laissé quelques cadavres sur le terrain. Ceux-ci seront enlevés à la pointe du jour. La position des MVD et sa tranchée de communication permettent à l'ennemi de s'approcher de nuit du BI presque à l'insu des défenseurs.<br /> Le jour vient, nos observateurs scrutent le terrain ; ils ne découvrent aucun mouvement suspect. Ils s'étonnent que l'assaillant semble n'avoir effectué aucun travail dans les environs immédiats. De ci de là, certains croient apercevoir de petits travaux de terrassement (emplacements de tir pour armes automatiques). Une longue et minutieuse observation ne fera toutefois déceler que des trous d'obus.<br /> Dès 7 heures, le fort est soumis aux bombardements d'obus de gros calibre. Cadence lente et régulière. Nous tirons sur Charneux, sur la route d'Henri Chapelle où des troupes ennemies sont signalées. Nous tirons aussi sur la ferme César, où un va-et-vient de motos et d'autos fait présumer qu'un PC est installé à cet endroit.<br /> Vers 10 heures, la coupole B sud est coincée, une tôle gouttière tordue a penché entre la cuirasse et la contre cuirasse. Sous la direction du Lt. Barthélemy, qui s'est rendu sur les lieux, le 1er M d Logis Noël remet la coupole en état en allant sous les voussoirs (ou voussures?) non sans péril alors que le bombardement se poursuit.<br /> La radio nous apprend que le repli sur la ligne WK s'est effectué en bon ordre, que les unités françaises et anglaises ont eu liaison avec nos troupes contre attaquent du côté de Gembloux. La bataille fait rage sur la route entre Dinant et Sedan. Des relations du combat corsent le communiqué.<br /> Après-midi, alors que le temps est radieux, l'ennemi tente un coup de main sur le BII. Il tient sans doute à se rendre compte de la rapidité de réaction des nôtres.<br /> Un soldat se dresse à 20 mètres du BI ! et tire dans une embrasure. Il est abattu par la Mi de casemate Est. Une petite pièce est en batterie dans la coupole au sud du chemin de fer tandis qu'une mitrailleuse installée 100 mètres plus loin entre en action.<br /> D'autres pièces sont repérées aux abords de la ferme Queruette. Le périscope de la cloche observatoire du BI ! particulièrement visé est percé de deux balles.<br /> Cependant le C.60 et la Mi de casemate Est ont ouvert le feu sur ces objectifs... Les Allemands abandonnent la partie.<br /> Le Commandement du fort de Neufchâteau demande un tir sur les ruines de ses baraquements où les Allemands ont installé des Mi. Le tir exécuté sans retard donne des résultats : une Mi est détruite.<br /> Peu après, le Cdt du fort de Pepinster a recours à nous pour dégager son abri de la route Pepinster - Tancrémont qui est l'objet d'une attaque de blindés ennemis. Toujours dans le courant de l'après-midi, nous détruisons une pièce installée dans le fond de Vaucouvert. Du bâtiment Jonckay, nos observateurs voient deux camions automobiles montant la route venant d'Aubel. Ils ouvrent immédiatement sur cet objectif le feu de leurs FM. Les camions sont abandonnés par l'ennemi qui s'enfuit. Cet incident se passe à la fin du jour. Dès que la nuit est tombée, le chef du BII, mdl Jorissen, annonce qu'il entend des bruits suspects au pied du bâtiment, face à l'est. Il semble que l'ennemi ait entrepris un travail de sape à la jonction du bâtiment et du mur barrant le fossé. Le canon de coupole est tire à l'inclinaison minimum et une coupole de 75 tire fusant.<br /> Du BII, on signale que le bruit a cessé mais il reprendra dans la nuit.<br /> Au BI, une pièce est venue s'installer soit dans la position des MVD, soit à la crête derrière ou dans le réseau des barbelés et tire sur le BVII. Jusqu'au 17, elle s'installera dans cette région toutes les nuits malgré nos tirs de Mi et de coupole 75. Est-ce de la ténacité de l'adversaire ? Est-ce sûreté de protection ?<br /> La nuit, une batterie ennemie se décèle par les lueurs aux abords du cimetière de Battice ; elle est neutralisée par les coupoles de 75 des BIV et VI. La position des MiA.Avi. semble à nouveau occupée par l'ennemi et le tir est repris pour le déloger.<br /> Un contrôle de cet incident qui s'est déjà produit est ordonné. On n’en conclut que les tirs ennemis signalés dans l'embrasure de la cloche N du BVII ne proviennent pas de la position de MiA.Avi. comme cru, mais bien des ruines et abords de la ferme Donéa.<br /> Le pavillon Closset en ruines sert également à abriter l'ennemi pour des actions contre la cloche centrale.<br /> Le PO MN29 subit plusieurs attaques, il est chaque fois dégagé par nos tirs spécialement prévus.<br /> Le PO 303 est à son tour attaqué. Notre A aérien le dégage assez rapidement.<br /> Le PO MN 12 a connu les jours précédents ses embrasures battues par des armes automatiques installées très près.<br /> Au cours de la journée, les forts de Boncelles et de Flémalle ont lancé des SOS, nous sommes dans l'impossibilité de leur prêter l'appui de nos feux (hors de portée).</p><br /> <br /> <strong>Mardi 14 mai</strong><br /> <br /> <p style="text-align:justify">Matinée calme. Le PO MN 12 demande à être ravitaillé, nous apprenons que son effectif, prévu normalement à 4, est de 5 et les provisions sont fortement entamées.<br /> L'officier des services extérieurs, le Lt Poncelet (?) qui est en relation téléphonique presque constante avec les postes extérieurs, a appris que MN 29 a encore des vivres à suffisance (l'effectif à ravitailler est réduit) 303 et VM 23 n'ont pas encore entamé leurs vivres stockées (ils parviennent à se ravitailler à l'extérieur).<br /> Si le moral du MN 29 subit un rude coup par l'agonie d'un de leurs, le soldat Maertens, le courage ne lui manque à aucun moment, malgré les nombreuses actions ennemies qui sont et seront encore dirigées contre le fort.<br /> La radio nous apprend que l'armée hollandaise a capitulé.<br /> La Meuse est franchie par les Allemands au sud de Dinant, la colonne ennemie se dirige vers Rocroi. La situation n'est pas désespérée et dans la région de Sedan, l'ennemi est maintenu et en certains points refoulés.<br /> Profitant du calme, le Cdt du fort décidé de tenter le ravitaillement du PO MN 12. Une patrouille sous les ordres du S Lt Renaux et comprenant le brigadier Delhougne et les soldats Dandrifosse, Gillard, Bouchet, Collis J. tous volontaires, vont par le BI, toutes précautions prises. A peine franchi le réseau normal en fil de fer, elle est prise sous le feu des mitrailleuses ennemies installées dans la gare de Battice. Alors que sur ordre de l'officier le gros de l'effectif rebrousse chemin, les soldats Bouchet et Collis J. qui au moment de l'incident avaient franchi le chemin de Stockis continuent vers le MN12.<br /> Les canons de 60 du BI et la coupole 75 AN entrent en action dès que la patrouille se trouve à l'abri des MVD et neutraliseront et détruiront les armes automatiques ennemies repérées vers la gare de Battice et au nord de celle-ci. Ordre est donné à la patrouille de renoncer provisoirement) la mission, elle rentre dans le fort par le BI sans autre incident.<br /> Les deux soldats qui avaient pris le devant se paient le luxe de tirer au FM sur des avions qui viennent survoler le fort à basse altitude et finalement rentrent au fort.<br /> A notre demande adressée au Cdt de groupement de tirer sur le fort survolé par avions, un tir fusant est effectué par les forts d'Evegnée et de Fléron en concentration. Ce tir s'abat sur le village de Battice qui disparaît à nos yeux dans un véritable nuage blanc (tir trop court).<br /> Tous ces incidents n'empêchent pas le fort de poursuivre l'exécution du programme de tirs d'interdiction et d'entretien des destructions qui lui incombent d'après les ordres du Cdt de groupement.<br /> Cette autorité reviendra encore plusieurs fois sur la question et ajoutera de nombreux tirs à ceux prévus.<br /> Vers 16 heures, le PO 305 signale qu'une pièce est installée dans une maison à Gelée. Une coupole 75 contrebat et détruit cet objectif.<br /> Un motocycliste passant sur la route Verviers - Battice est abattu au F.M. par le personnel du PO 305 qui usa du calme relatif pour s'approvisionner et même par fraction prendre les repas à la ferme voisine.<br /> La nuit est calme. Un incident qui aura de graves conséquences sur la suite des opérations se produit au cours de cette nuit.<br /> Les forts avancés ne seront plus en communication téléphonique avec les forts de 2ème ligne. Nous restons en relation téléphonique avec les PO extérieurs et les forts de Neufchâteau et Pepinster.<br /> Si aux environs immédiats du fort tout paraît calme, nos PO extérieurs signalent que les bruits de charroi en mouvement sur les routes de leur secteur se font entendre. Ils ne peuvent nous donner des précisions sur les points de passage ni itinéraires.<br /> </p><br /> <br /> <strong>Mercredi 15 mai</strong> <br /> <br /> <p style="text-align:justify">Au lever du jour, les PO ne signalent aucune activité ennemie, les tirs d'interdiction et d'entretien des destructions continuent. Le Cdt de groupement nous confirme à ce sujet l'ordre par TSF. Dans la journée, l'I.N.R. appelle les forts de Liège à plusieurs reprises pour leur faire part du message royal suivant :<br /> « Colonel Modard, commandants de forts, officiers, sous-officiers, soldats de la PFL, résistez jusqu'au bout pour la Patrie. Je suis fier de vous. Signé Léopold. »<br /> L'I.N.R. rappelle que le colonel Modard fut en 1914 l'un des défenseurs du fort de Loncin, que comme son prédécesseur l'avait fait en 1914, il s'était enfermé dans un ouvrage pour diriger la résistance, que sous les ordres d'un pareil chef, les forts ne pouvaient que combattre vaillamment ; l'I.N.R. nous transmet l'admiration et la sympathie de la population tout entière, à ceux qui incarnent les plus belles vertus de la race.<br /> A la demande du Cdt du fort de Pepinster, nous exécutons dans la journée un tir fusant (hauteur 100m.) sur le fort de Pepinster survolé par des avions ennemis.<br /> Nous subissons un bombardement à obus de gros et moyen calibre. Le tir est bien ajusté et nos indices font supposer qu'un observateur ennemi se trouve dans le clocher de Battice. Quatre coups sont tirés et atteignent de plein fouet.<br /> Le calme de cette fin de journée nous permet d'envisager une nouvelle tentative de ravitailler la PO MN12.<br /> Toutes mesures prises, une patrouille de 5 hommes, sous le commandement du Mdl Fischer, sort par le BI, remplit sa mission sans encombre, en profite pour visiter puis incendier les camions abandonnés par l'ennemi sur la route d'Aubel.<br /> A sa rentrée sans encombre au fort, elle rapporte un fusil allemand, deux masques anti-gaz, une toile cirée et deux carnets de bord ; elle nous fait part également que les soldats allemands se trouvent nombreux dans les fermes environnantes et que l'un d'eux aurait dit à un infirmier que ses camarades et lui devaient se rendre à Henri-Chapelle en vue de préparer l'attaque générale du fort. Tout est paré dans le fort en prévision de cette action ennemie et la vigilance est doublée.<br /> Dans la soirée, une colonne ennemie signalée venant de Petit Rechain est prise sous notre feu à hauteur de Manaihant. La colonne reflue, rebrousse chemin, elle sera à nouveau prise à partie à Petit-Rechain.<br /> Comme la nuit précédente, les PO extérieurs cuirassés sont attaqués par l'ennemi et dégagés par nos tirs fusants ou percutants.<br /> Le commandant du fort de Pepinster nous demande d'intervenir à son profit ; une de ses prises d'air est sous le feu d'une pièce ennemie installée à 500 m (?) de la cheminée. Notre intervention opportune fut couronnée de succès car le Cdt du fort nous remercie et nous apprend que la pièce est détruite, deux servants sont tués, un 3ème blessé est fait prisonnier et a déclaré qu'il était en possession de projectiles contenant du gaz et destinés aux embrasures.<br /> Le Cdt du fort de Pepinster nous demande de transmettre ce renseignement à l'Autorité Supérieure, il n'obtient, déclare-t-il, de son Cdt de groupe plus de réponses à ses appels.<br /> Nous accédons à la demande et recevons dans la suite ordre de mettre les bâtiments sous pression et les masques en position d'attente.<br /> NB. Cette mesure a déjà été prise dès réception du communiqué.<br /> Par La radio, nous apprenons à plusieurs reprises que le gouvernement a quitté Bruxelles, que la Ligne KW est abandonnée, que l'on se bat toujours à Sedan, amis que les colonnes motorisées allemandes avancent d'une part en direction de Rethel et d'autre part en direction d'Avesnes. ( ?)</p><br /> <br /> <strong>Jeudi 16 mai </strong> <br /> <br /> <p style="text-align:justify">Le jour arrive. Aucune attaque générale n'est imminente (absence de tout indice).<br /> Avant midi, les forts de Barchon, Evegnée, Fléron et Embourg envoient des SOS.<br /> Nous les aidons dans la mesure de nos moyens.<br /> Embourg est hors portée ; au moment de ces appels, Barchon ne peut être secouru, nos pièces étant occupées ailleurs.<br /> Dans la matinée, Le PO VM23 voit défiler au lieu dit (?) une colonne de gros chars qui passe à vive allure. Le tir que nous exécutons ne peut être ajusté sur l'objectif qui a disparu.<br /> A 12 h 30, le fort de Neufchâteau lance à son tour un SOS. Nous parvenons à le dégager en tirant sur lui.<br /> A 12 h 30, le PO MN29 est attaqué. Nous tirons sur lui pour le dégager. De son côté, il fait emploi de pistolets GP et de grenades. Des blessés allemands restent sur place jusque sur l'escalier d'accès.<br /> Au cours de l'après-midi qui est calme, plusieurs bombes de MVD sont tirées, les unes dans les fonds de Stockis et de Jonckay, les autres sur des wagons restés en gare de Battice et qui offrent à l'ennemi des abris et un moyen de masquer les vues des BI et IV en les libérant sur la voie en déclivité vers le fort. Le personnel du PO VM23 effectue une sortie au cours de laquelle ils parviennent à s'approvisionner en vivres au village de Grand-Rechain où une cinquantaine d'Allemands passent près d'eux sans les voir. Des provisions pour plusieurs jours sont ainsi amenées dans l'abri.<br /> L'artillerie du fort ne reste pas inactive. Plusieurs tirs : tirs d'interdiction, d'entretien des destructions, aide aux forts de Neufchâteau et Pepinster.<br /> La coupole 75IV ouvre le feu sur une troupe de cyclistes passant à Manaihant. L'ennemi se réfugie dans les maisons. Le PO 305 nous signale bientôt que l'ennemi a perdu 3 tués, 10 blessés (?)<br /> A 18 heures, le fort règle le tir des coupoles de 75 sur la caserne des U.Cy.F. à Henri-Chapelle. Les Allemands étant signalés dans cette caserne par l'autorité supérieure, le fort concentre le tir de ses coupoles de 75 sur cet objectif. Un incendie se déclare au but.<br /> Le PO MN29 va vivre ses derniers moments. Attaqué une fois encore vers 21 heures, le chef du poste attendra que l'ennemi soit à l'intérieur du réseau de sûreté et ensuite sur l'abri pour demander secours au fort, ce qui dénote l'excellence du moral des défenseurs.<br /> Ce gradé signalera au fort la position de l'assaillant... Brusquement la communication est coupée. Le fort qui est prêt entre en action au profit de ses PO.<br /> Le cœur serré, un officier reste à l'écoute. Les PO MN12 et Jonckay sont alertés. Ils ne peuvent nous renseigner.<br /> MN12 verra plus tard des lueurs sur MM29, lueurs rougeâtres, fugaces et, dira-t-il, tirera des coups de feu dans cette direction... Nous continuons à tirer... Jonckay qui observe inlassablement dans cette direction essaie d'entrer en relation avec le PC MN29 par signalement optique. Il lui semblera même peu avant minuit que les camarades répondent à leurs appels. Lueur d'espoir !<br /> L'I.N.R. qui émet de Lille nous apprend la retraite stratégique des armées belges, anglaises et françaises sur l'Escaut, nous annonce la chute de Bruxelles, alors que la radio allemande parle d'avance sur Avesnes et Rethel.<br /> L'espoir un moment comblé d'être dégagés est maintenant bien perdu.<br /> Perdu aussi l'espoir au sujet de la vie du PO MN29 </p><br /> <br /> <strong>Vendredi 17 mai </strong> <br /> <br /> <p style="text-align:justify">Nos TS, patiemment, essaieront d'entrer en contact optique avec le PO MN 29, ils devront abandonner tout espoir.<br /> Après 8 jours, notre premier PO extérieur tombe.<br /> Hommage soit rendu à tous les militaires de ce poste qui ont vécu de si tragiques moments, l'âme tranquille de ceux qui savent faire leur devoir.<br /> Dans la matinée, le Cdt du fort de Neufchâteau fait appel à notre concours pour le dégager. Notre tir a un succès complet. Les colonnes ennemies se déplaçant de Froithier vers Val Dieu sont également harcelées avec succès. A remarquer que nos communications téléphoniques avec notre fort frère Neufchâteau se font en wallon car nous supposons l'ennemi à l'écoute sur ces lignes téléphoniques.<br /> Notre PO Jonckay signale une batterie installée dans une prairie au sud de Julémont. Il s'agit d'une batterie de moyen calibre tirant vers l'ouest, sections à 200 m. d'intervalle. Contre battue immédiatement, cette batterie sera neutralisée et les pièces abandonnées par leur personnel.<br /> Dans la suite, après arrêt du tir, nous serons avisés un peu tardivement que les pièces quitteront leurs emplacements. Une nouvelle intervention de notre part sur cette batterie qui gagne la grand route de Julémont ne donne aucun résultat précis.<br /> Le fort de Neufchâteau est sous le feu d'une grosse pièce d'artillerie installée dans le bois des Fawes. Elle est rapidement neutralisée.<br /> Un peu avant midi, nous faisons la pénible constatation que nos communications téléphoniques sont coupées avec les forts de Neufchâteau et Pepinster et, chose plus grave, avec nos PO extérieurs 307, VM23. MN29 est perdu depuis la veille et MN12 nous reste étant relié directement à l'ouvrage.<br /> Nous reprenons contact avec les forts de Neufchâteau et Pepinster par le truchement de la TSF.<br /> Pepinster nous apprendra qu'il est lui en relation téléphonique avec nos PO307 et VM23.<br /> Après-midi, le village de Battice et la région sud du fort disparaissent dans un nuage créé par des projectiles fumigènes ennemis. Un redoublement de vigilance est de rigueur. Quand les nuages artificiels sont dispersés, aucune constatation anormale ne nous permet de connaître le motif de cette activité ennemie.<br /> Comme les jours précédents, les tirs d'interdiction et d'entretien des destructions se poursuivent.<br /> De son côté, l'I.N.R. insiste sur la bataille de Sedan, parle de l'armée allemande dans le nord de la France et de la retraite des Alliés sur l'Escaut.</p><br /> <br /> <strong>Samedi 18 mai </strong> <br /> <br /> <p style="text-align:justify">Au cours de la nuit, il est 1 heure, une patrouille composée de 3 soldats (Van Begin, Collis J., Bouchat) sous les ordres du Mdl Fischer sort par le BV(?) Elle a comme mission de se rendre au BII et de se rendre compte si aucun travail de sape n'a été effectué par l'ennemi au pied du bâtiment, les bruits suspects dont il a été question précédemment se sont renouvelés toutes les nuits aux dires du chef du bâtiment et d'autres gradés. A sa rentrée, la patrouille rapporte une réponse négative catégorique.<br /> Le bombardement du BIV par obus de petit calibre reprend dès le matin et durera toute la journée.<br /> Nous apprenons de Cdt du fort de Pepinster que son ouvrage n'est plus en communication téléphonique avec nos PO305 et VM23.<br /> Nous sommes en droit de nous attendre à voir rentrer le personnel de ces PO car il leur a été à nouveau rappelé par l'officier des services extérieurs au début de l'action que leur mission prenait fin dès qu'ils n'auraient plus de liaison avec le fort.<br /> Dans ce cas, la destruction des documents et du matériel s'impose et ils devaient tenter de regagner le fort.<br /> Les bâtiments V et Waucomont sont (?), leur attention est spécialement attirée vers le PO305 où aucune activité anormale n'est signalée.<br /> Peu après, le Po du V signale qu'il voit de la fumée s'élever du PO 305. Détruiraient-ils leurs documents ?<br /> Des civils travaillent dans les prairies voisines. Depuis deux ou trois jours, nos PO signalent la présence de civils dans les prairies avoisinantes.<br /> A la ferme Mariette même le fermier et sa fille viendront rendre visite à la ferme alors que le fort est bombardé et qu'il tire.<br /> Au début de l'après-midi, deux hommes du Génie Van Begin et ... sortent par el BI, gagnent le BIT par la voie ferrée, poursuivent leurs investigations en direction des fermes Ledoux et Mariette.<br /> Ils rentrent après un quart d'heure d'absence, nous rassurent complètement au sujet du BIT et rapportent des fleurs champêtres !<br /> Ils n'ont vu aucun ennemi.<br /> La radio allemande annonce que Lille est prise, que les blindés allemands sont arrivés à Arras et donne encore beaucoup d'autres détails moins réjouissants les uns que les autres.<br /> L'I.N.R. qui émet de Paris confirme ces nouvelles alarmantes, il annonce la destitution du général Gamelin au profit du général Weygand qui prend le commandement supérieur des armées françaises.<br /> A partir de 13 h 30, les fronts sud et ouest de l'ouvrage sont bombardés avec obus fumigènes qui forment malgré le vent un rideau que la vue de nos observateurs ne peut percer. Des obus explosifs tombent également sur ces fronts. Que prépare cette action ennemie ? Déplacements de pièces, organisation de travaux ou simplement passage de troupes ?<br /> Dans l'incertitude, nos coupoles tirent sur les points de passage obligés au sud et au s.o. de l'ouvrage.<br /> Dans les cloches Mi et observation, le personnel est prêt à toute éventualité.<br /> Vers 18 heures, alors que le bombardement diminue d'intensité, que la vue est meilleure, rien d'anormal n'est constaté sur ces fronts.<br /> A 19 heures, une patrouille sortira par le BI et ira sans encombre ravitailler à nouveau le personnel du MN12, seul observatoire extérieur qui nous reste.<br /> Cette sortie sera mise à profit pour parfaire l'incendie d'un des deux camions abandonnés par l'ennemi sur la route d'Aubel.<br /> Cette action est l'œuvre d'un soldat appartenant au PO.<br /> Le soir, une voiture automobile arrive sur la route jusqu'à hauteur des camions incendiés, prise sous le feu du B. Jonckay, elle rebrousse précipitamment chemin après avoir éteint tous les feux, ce qui la sauvera, le tir de Jonckay n'ayant pu être ajusté.<br /> Nos TS essaieront en vain pendant deux heures d'entrer en communication avec le PC 305 par liaison optique.<br /> Notre 2e PO extérieur est vraisemblablement perdu pour nous. Quel a été son sort ? Quel est celui du PO VM23 dont nous somme sans nouvelles ?</p><br /> <br /> <strong>Dimanche 19 mai</strong><br /> <br /> <p style="text-align:justify">Cette journée paraît devoir être calme, nos observateurs n »ont rien à signaler.<br /> A 10 heures, des hommes sortent par le BI, longent la tranchée du CFW jusqu'au passage à niveau non gardé à hauteur de la ferme Mariette et à travers champs gagnent l'ancienne route et s'approchent de la destruction BAT. Ils rentreront sans incident et n'auront rien à dire. La BAT est dans l'état où nous l'avons mise en la détruisant. Aucun travail de réfection ne semble avoir été tenté par l'ennemi.<br /> Les tirs d'interdiction et d'entretien des destructions se poursuivent inlassablement.<br /> Plusieurs avions viendront survoler le fort à basse altitude. Deux coupoles de 75 risquent deux projectiles sur ces objectifs aériens.<br /> Une patrouille sortira dans l'après-midi par le bâtiment de Waucomont, atteindra sans encombre les ruines des baraquements incendiés qu'elle visitera. A sa rentrée, nous apprenons qu'aucune trace ennemie n'a été relevée et que le toboggan est très ( ?) bien que le tunnel livre encore passage.<br /> Le calme qui règne dans cette région nous incite à nous ravitailler de viande fraîche. Une vache est capturée dans une prairie avoisinant le N. Waucomont, elle sera abattue, dépecée. Les déchets recouverts de chlorure de chaux seront enfouis et les défenseurs recevront de la viande fraîche dès le surlendemain.<br /> Au cours de l'après-midi, nous tirons au profit du fort de Neufchâteau, ainsi que sur une colonne ennemie se déployant sur la grand route d'Henri-Chapelle.<br /> Aux environs du monument Fonck, dans une prairie, des Allemands chargent du bétail sur camions.<br /> Notre tir bien ajusté les met en fuite.<br /> Il fait un temps superbe. Notre observateur du BII nous signale un PC installé dans la brasserie de Thimister. Hélas, à cette heure, 16 heures, de nombreux civils sont aperçus sur la place, se servant à l'épicerie et le tir ne peut être exécuté au moment favorable.<br /> Vers 19 heures, l'ennemi reprend ses bombardements du fort avec obus de moyen calibre.<br /> La nuit sera plutôt calme, on a cependant le pressentiment que ce calme ne se prolongera pas.<br /> </p><br /> <p style="text-align:center"><img src="https://www.freebelgians.be/upload/officiers_battice.jpg" alt="" class="valign_" /><br /> Officiers de Battice et d’Evegnée.</p><br /> <br /> <p style="text-align:justify">Le fort de Battice rendit les armes le 22 mai 1940 suite à un bombardement intensif aérien allemand.<br /> <br /> Sources :<br /> Revue Le C.A.P.O.R.A.L. mai 2012<br /> Revue Le C.A.P.O.R.A.L.juillet 2012<br /> Revue Le C.A.P.O.R.A.L.novembre 2012<br /> Revue Le C.A.P.O.R.A.L.mai 2013<br /> Revue Le C.A.P.O.R.A.L.juillet 2013<br /> Amicale des Anciens du Fort de Battice.</p> Sun, 30 Apr 2023 11:37:19 +0200 Le lieutenant Richard Smekens rejoignit l’Angleterre via Dunkerque https://www.freebelgians.be/articles/articles-1-226+le-lieutenant-richard-smekens-rejoignit-l-angleterre-via-dunkerque.php https://www.freebelgians.be/articles/articles-1-226+le-lieutenant-richard-smekens-rejoignit-l-angleterre-via-dunkerque.php <p style="text-align:justify">Le lieutenant Smekens et vingt de ses hommes passèrent dans l’enfer de Dunkerque pour rejoindre l’Angleterre</p><br /> <br /> <p style="text-align:center"><img src="https://www.freebelgians.be/upload/smekens_freebelgians_1.jpg" alt="" class="valign_" /></p><br /> <p style="text-align:center">Richard Smekens en uniforme (après guerre)</p>[/align]<br /> <br /> <p style="text-align:justify">Richard Smekens fut un des premiers Belges à refuser la défaite et à atteindre l’Angleterre. En août 1939, il commandait la 2ème compagnie du 25ème bataillon de Génie qui s’est formé à Auderghem. Le 4 septembre, on le retrouve dans les Ardennes auprès du groupement K (général Keyaerts). Quand la guerre éclate, le 10 mai 1940, le bataillon commence son job en détruisant les ouvrages sur la Salm. Les opérations se terminent dans la nuit du 27 au 28 mai, en Flandre, par la destruction des ponts des canaux Léopold et de Schipdonk. Le 28 à l’aube, à Klemskerke, c’est la capitulation. Maurice Vanneste et Pierre Lefevre se rendent alors chez le lieutenant Smekens au P.C. de la Compagnie pour lui manifester leur envie de continuer la lutte. Ce dernier réunit alors sa compagnie, forte de 140 hommes, en ordre de bataille. Après avoir fait exécuter toutes les sonneries réglementaires, comme s’il se fut agi d’une parade, il annonça la capitulation et fit part de son intention de poursuivre la lutte. Il demanda à ceux qui voulaient le suivre de faire un pas en avant. Vingt hommes franchirent ce pas qui devait finalement les amener en Angleterre. Ce fait semble unique dans toute l’Armée belge, ce qui lui donne une grande valeur malheureusement oubliée de nos jours.<br /> Les volontaires vont alors se diriger vers Dunkerque. Ils vont encourir, dans les heures qui suivent le dédain des Français bien au courant du discours de Paul Reynaud qui traitait les Belges de tous les noms. La petite colonne motorisée qui s’est formée arrive dans la nuit du 29 au 29 mai à Dunkerque. Le 29, le lieutenant Smekens, Vanneste, Brion et Lefevre vont en reconnaissance à La Panne pour voir ce qui s’y passe. Mais là aussi, les militaires sont mal accueillis. Le soir, le détachement se retrouve à Adinkerke au poste frontière de « Papegaai ». Dans l’entre-temps, onze militaires belges dont le brigadier Arthur de Jonghe (plus tard major aux commandos britanniques) et un caporal hollandais ont rejoints les volontaires. Le 29 mai à 21h, les efforts du lieutenant Smekens et les négociations du Vicomte de Jonghe aboutissent : le détachement belge est incorporé dans la 1ère Cie du 92ème Bataillon du Génie de la 2 D.I.N.A. (Division d’Infanterie Nord-Africaine), unité commandée par le capitaine Jacques Madrolle. La nuit du 29 au 30 se passe à la belle étoile, dans les dunes.</p><br /> <br /> <p style="text-align:center"><img src="https://www.freebelgians.be/upload/smekens_trajet_freebelgians_2.jpg" alt="" class="valign_" /></p><br /> <p style="text-align:center">Trajet Klemskerke-Dunkerque</p><br /> <br /> <p style="text-align:justify">Trois militaires belges se joignent à eux le 30 mai ce qui fait monter l’effectif du détachement à une trentaine de volontaires. Le 30 mai vers 14 h., Smekens et ses hommes quittent Adinkerke à pied pour Dunkerque à la demande du capitaine Madrolle. Le détachement marche en tête du 92ème Bataillon du Génie français. C’est en sifflant des marches, qu’ils entrent dans Dunkerque en flammes. Les abords du port et le port lui-même sont violemment bombardés par l’aviation et l’artillerie allemande. Le détachement belge se dévoue sans compter dans l’enfer de Dunkerque auprès des blessés qu’ils se chargent d’évacuer. Les Belges ne seront pas épargnés puisque que le commandant Blumlein et le brigadier Verboven sont grièvement blessés et transportés dans un bateau sanitaire.<br /> L’opération Dynamo est commencée depuis le 26 mai. Elle doit aboutir à l’évacuation la plus complète possible des forces alliées par voie maritime vers l’Angleterre. A la nuit tombante, le 30 mai, le détachement belge est embarqué sur le « St-Helier ». Ce navire aura l’honneur d’être le bateau qui embarquera, le 3 juin, les derniers hommes du corps expéditionnaire britannique. Après cette date, l’opération dynamo sera prolongée pour continuer l’évacuation de soldats français. C’est le 4 juin 1940 à 3 h 40, que le tout dernier navire, le « Shikari », quitta Dunkerque. Au total, 338 000 soldats alliés purent être évacués.<br /> Le 31 mai à 7h.30, le détachement débarque à Folkestone. Les Anglais obligent les Belges à remettre leurs armes... Pour eux aussi, l’armée belge a capitulé. Par chemin de fer et puis par cars, Smekens et ses hommes sont conduits au camp Perham-Downs (près de Salisbury). Le lieutenant Smekens se met alors en rapport téléphonique avec l’Ambassade de Belgique à Londres. Tout s’arrangera rapidement car le lieutenant général Chevalier van Strydonck de Burkel, qui se trouve en Grande-Bretagne à Tenby, a eu, lorsqu’il était colonel au 1er Guides, le père du lieutenant Smekens comme adjudant-major. Le 3 juin, les Belges peuvent quitter Perham-Downs pour rejoindre le camp belge de regroupement de Tenby dans le sud du Pays de Galles. Commence alors une période d’incertitude qui durera pendant quelque deux mois : y aurait-il oui ou non un gouvernement et une nouvelle armée belge ? Au cours de cette attente, les volontaires se livrent au travail dans les champs et à la construction d’abris au profit de la Protection civile. La première unité est formée le 13 août 1940, et portait le nom d’Unité Combattante Belge (U.C.B.). Elle comprenait en plus de trois pelotons normaux, un quatrième peloton, qui comptait des gradés trop nombreux pour recevoir une affectation d’encadrement. Petit à petit de nouvelles recrues belges arriveront à Tenby, parmi lesquelles beaucoup de jeunes (notamment Pol Renkin et Barette, qui s’illustreront quatre ans plus tard au sein de l’unité parachutiste belge). L’arrivée de cette centaine de jeunes gens nécessita la formation d’une deuxième compagnie dont le lieutenant Smekens prit le commandement et au sein de laquelle Lefevre fut affecté comme adjoint au chef du 2ème peloton, sous les ordres du sous-lieutenant Neuray, qui devait trouver la mort dans un accident de moto.<br /> <br /> Sources iconographiques et internet :<br /> <a href="https://www.maisondusouvenir.be/lieutenant_richard_smekens.php">https://www.maisondusouvenir.be/lieutenant_richard_smekens.php</a></p> Thu, 01 Sep 2022 08:40:27 +0200 Mémoires de guerre de Marcel Labie https://www.freebelgians.be/articles/articles-1-217+m-moires-de-guerre-de-marcel-labie.php https://www.freebelgians.be/articles/articles-1-217+m-moires-de-guerre-de-marcel-labie.php <p style="text-align:center"><img src="https://www.freebelgians.be/upload/labiefreebelgians.jpg" alt="" class="valign_" /></p><br /> <p style="text-align:center"> Photo prise le 31 mars 1940 lors d’une permission</p><br /> <br /> <p style="text-align:justify"><strong>1939 : Mobilisation générale</strong><br /> Jeudi 01/03. Nous sommes 40 à être appelés sous les armes à la caserne Baron Rucquoy à Tournai pour faire notre service militaire au 12e Chasseur à pied, 1e compagnie, 2e peloton, je suis tireur FM (fusil mitrailleur). Nous étions 5 du village à y être casernés : Willy Croissiaux, André Jaivenois, Gérard Dubuisson, Jules Coulon et moi-même (Marcel Labie), nous ne sommes pas heureux du tout, car entrer à l’armée quand c’est la guerre en Europe de l’Est (Pologne), cela ne présage rien de bon.<br /> <br /> <strong>1940: La guerre</strong><br /> <br /> Le vendredi 10/05/1940 : A 2 heures du matin, appel, on se lève, nous recevons nos armes et munitions. Nous quittons la caserne à 4 h 30 et arrivons à la ferme de la Fauvette à Guaurin-Ramecroix, mais par manque de place, nous sommes dirigés sur la ferme du Grand Malvit qui se situe à Ramecroix, question de nous rendre du baume au cœur, nous constatons que celle-ci est plus confortable.<br /> Le 11/05/1940 : Il y eu des combats aériens toute la journée et la nuit fut mouvementée à cause des alertes incessantes et des raids destructeurs sur Tournai, à 3 h du matin, nous embarquons en train, nous passons par Ath-Lessines-Grammont.<br /> Mardi à 9 h, après Alost, avant d’arriver à Gand, à Gontrode exactement nous sommes mitraillés et nous fuyons dans les champs voisins. Nous parvenons à Gand vers 12 h. Nous sommes logés dans une école et ravitaillés. <br /> Le 12/05/1940, c’est le dimanche de Pentecôte, dès le matin, nous quittons Gand et à 9 h 30, nous arrivons au village de Kieldrecht et abrités dans le salon communal, là, ayant appris qu’il y avait une messe à 10 h, nous nous y sommes rendus.<br /> Le 13/05/1940, on peut qualifier cette journée de calme, malgré quelques raids allemands.<br /> Le 14/05/1940, Cette nuit, il y a eut deux alertes au loin, à minuit, lors de la relève de la garde, des chasseurs ardennais passent près de nous. A 14 h 30, la moitié du 2e peloton monte la garde de guet hors du village pour surveiller les avions ennemis. A 16 h 30, passage de troupes françaises avec de lourds canons, tirés par des chevaux. (Quel contraste avec les chars allemands !)<br /> Nous apprenons que ces Français allaient remplacer nos camarades belges à Doel. A 19 h 30, un important passage de cavalerie française se se poursuit pendant 20 minutes. A 20 h, le 3e peloton rentre après une ronde de 24 km à la recherche de l’ennemi.<br /> Le 15/05/1940 : Toute la nuit, passage de bataillons français, en continu des canons et de 5000 hommes.<br /> A 6 h, nous nous levons, tout tremble, à 10 km, les canons tonnent, ils tirent sur un objectif distant de 35 km.<br /> A 11 h 45, le lieutenant annonce notre départ pour Gand à 15 h 30, mais à 14 h, nous partons à pied vers Beveren Waas, nous y arrivons à 18 h, puis en train vers Lokeren que nous atteignons à 20 h, là, nous sommes restés en attente pendant 7 h, avant de rejoindre Gand vers 3 h 20. Sur le parcours, nous avons rencontré Gérard Dubuisson, Georges Overlau, beaucoup de réfugiés et de nombreuses colonnes de Français. La gare de Lokeren était démolie, elle avait été bombardée le 11/05/1940 à midi (il y eut 6 tués).<br /> Le 16/05/1940 : Nous sommes toujours parqués dans nos wagons, des trains de réfugiés et des convois français nous croisent.<br /> Le 17/05/1940 : Et finalement, en passant par Bruges et Dixmude, nous traversons la frontière à 14 h 30 et arrivons à Dunkerque vers 17 h 30, de là, nous partons pour Boulogne, arrivée à 1 h 30 du matin. Le train de Gérard Dubuisson, partait après le nôtre, il a été bombardé et immobilisé à Dunkerque.<br /> </p><br /> <br /> <p style="text-align:center"><img src="https://www.freebelgians.be/upload/labiefreebelgians_2.gif" alt="" class="valign_" /></p><br /> <br /> <p style="text-align:justify">Le 18/05/1940 : Nous voilà repartis à 10 h 30 par Etampes (Paris Plage), nous rencontrons toujours des réfugiés et le train fait de nombreux arrêts. Nous passons par Tréport et Dieppe qui venaient d’être bombardés. Ensuite par Rouen, Lisieux, Le Mans, Angers, Niort, Bordeaux, Agen, Montauban, Toulouse, Béziers, Montpellier, Avignon, soit un périple de 9 jours en train.<br /> Le 22/05/1940 : A 13 h 30, nous débarquons à Bagnols-sur-Cèze, petit village près d'Avignon. à 17 h 30, à pied, nous nous mettons en route et passons par Saint-Gervais, nous arrivons à 20 h au sommet d’une montagne. Là, on trouve un petit groupe de maisons entourées de vignes, à 22 h, nous sommes au hameau de Saint Gely, nous dormons sur de la paille dans une grange.<br /> Depuis le 16/05/1940, nous vivons un bien triste exode rendu très pénible par le ravitaillement qui faisait défaut et très mal distribué.<br /> Le vendredi 24/05/1940, Nos équipements sont là, nous faisons notre lessive. Je suis mis au repos par le médecin pour raison de maladie.<br /> Le dimanche 26/05/1940 : A 9 h 30, messe militaire en la chapelle du Saint-Sauveur suivie d’une réunion avec les habitants du village, puis, vers 11 h 30, à Cornillon, le commandant rend hommage aux morts de 1914-1918. A 18 h, j’assiste au salut à la chapelle, j’étais très triste toute la journée surtout pendant les offices. Le soir, nous montons de garde et je suis de piquet.<br /> Le 28/05/1940 : Après les exercices vers 15 h 30, le commandant annonce la triste nouvelle ‘’Le Roi a capitulé’’ ce qui fut un bien triste moment pour les Belges. A 17 h, s’adressant à nous, le commandant qualifie le Roi de ‘’traître’’, annonce que le gouvernement belge se retire sur Londres pour continuer la lutte et que le Roi est chassé.<br /> Le 29/05/1940, le jour suivant, à la demande du commandant, l’aumônier célèbre la messe et un salut. <br /> <br /> <strong>Nous sommes ‘’Bataillon de travailleurs’’</strong><br /> <br /> Le 05/06/1940 : Il fait 37°, « état d’alerte », et inspection par le lieutenant dans le cantonnement.<br /> Le 06/06/1940 : Nous sommes équipés (armes et munitions). Le soir, je suis de sentinelle aux abords du bureau militaire, le temps est pluvieux et orageux, je m’abrite sous un porche.<br /> Le 07/06/1940 à 20 h, la TSF (la radio d’époque) annonce que les troupes belges qui sont en France vont monter en ligne, ce qui est très inquiétant pour nous.<br /> <br /> <strong>Abandon et Détention</strong><br /> <br /> Dimanche 09/06/1940. Après la messe, à 6 h, départ à pied jusqu’à la grand’ route, puis en autocar pour Bagnols-sur-Cèze, où j’ai revu André Jaivenois et Willy Croissiaux. Nous sommes embarqués dans un train de marchandise pour Pont-St-Esprit.<br /> Le 10/06/1940 : Après avoir roulé toute la nuit en train et traversé une bonne partie de la France pour remonter vers le nord et les zones de combat, nous sommes, à 13 h 45 à Bar-le-Duc, puis à Verdun vers 17 h 15 et nous débarquons finalement à 18h 15.<br /> Nous partons à pied vers 21 h, traversons un petit hameau où nous sommes bien accueillis ensuite, dans un village évacué, nous cherchons de la nourriture dans les fermes. Et, l’on entend le canon, enfin vers 23 h, nous repérons une grange près de Verdun où nous dormons dans la paille.<br /> Le 13/06/1940 : Nous repassons au centre de Verdun à 9 h puis par un village évacué. Après-midi, il y eut des raids aériens sur Verdun.<br /> Le 14/06/1940 : Vers 22 h 15, tout en redescendant, une nuit froide se présente à nous, nous la passons dans un bois près de Souilly. La nuit était rythmée par les avions et la DCA des combats aériens sur Verdun. Les 1ère , 2ème et 3ème compagnies marchaient toujours ensemble en direction de Bar-le-Duc. Tandis que des convois de ravitaillement montaient vers le front, des troupes en retraite passaient en sens inverse, accompagnées de réfugiés qui comme nous descendaient vers le sud.<br /> Là, nous nous reposons dans un bois, juste après avoir dévalisé une fromagerie abandonnée. A peine installés, nous devons rebrousser chemin car les Allemands sont là devant nous. On cherche à se sauver car nous sommes mitraillés et bombardés. A 22 h, nous sommes à Dieuze, où du ravitaillement nous est procuré par des soldats français. Là, nos gradés nous disent : « Vous êtes libres, faites ce que vous voulez, gagnez Neufchâteau ! » A partir de ce moment le bataillon va se disloquer. En effet, c’est la débandade, par petit groupe, nous nous dispersons pour passer la nuit, mais vers 3 h du matin, notre groupe trouve un petit village, on se couche dans une grange où nous abandonnons nos armes. Depuis une semaine, nous ne nous reposions que de temps à autre au bord du chemin.<br /> Le 16/06/1940 : Nous voici errant sur les routes, en une interminable colonne, ayant mal aux pieds, je trouve un vélo qui me vient bien à point. De passage à Domrémy vers 19 h 30, on retrouve le commandant qui nous dit : « Ne vous occupez plus de moi, allez le plus loin possible vers la Suisse ». A 21 h, nous arrivons à Neufchâteau qui avait été bombardée le matin. A minuit, nous nous couchons à quelques-uns dans une grange. Toute la contrée avait été pillée.<br /> <br /> Le 17/06/1940 : Vers 2 h, on nous dit : « Filez vers Epinal ! » Mais bien vite à bout de souffle, nous faisons une halte dans un bois. Vers 5 h 30 nous repartons. Sur notre route, nous voyons des villages bombardés et abandonnés, nous y remarquons 6 morts. Il pleut quand vers 17 h, nous entrons à Darnieulle, on se réfugie encore dans une grange sur du foin et nous soupons chez l’habitant avec des soldats français.<br /> Le 18/06/1940 : Réveil à 8 h, nous partons pour Epinal. A 10h, nous sommes à l’entrée de la ville et on nous conduit à la caserne des tirailleurs marocains. Endroit où le 12e chasseur à pied est regroupé. Nous y arrivons vers 11 h, on cherche place mais tout est désert. A 20 h, « Crac » voilà l’ennemi qui arrive dans la ville, nous sommes mitraillés. A quelques-uns, nous nous sauvons dans une ferme sur la route de Bousey. Nous n’avons plus aucun bagage, nous n’avons plus rien. Nous sommes ravitaillés par des soldats français et nous y dormons.<br /> Le 19/06/1940 : Vers 9 h, avec l’habitant, nous allons à Sanchez, nous mettre à l’abri dans un fortin de l’autre guerre (celle de 1914-1918). Le soir venu, nous revenons souper à la ferme, mais nous retournons dormir au fortin. Nous entendons toujours les mitrailleuses allemandes.<br /> Le 20/06/1940 : Toute la nuit, le canon a tonné. A 11 h, nous revenant à la ferme pour diner. Nous n’avions pas remarqué que l’ennemi était très proche, soudain, « alerte », en longeant les murs, nous nous sauvons vers une cave de la ferme, mais dans le fossé que je devais traverser, je suis blessé au bras droit, nous sommes alors faits prisonniers dans la cave vers 13 h.<br /> Vers 16 h, en avant par Epinal, nous traversons Xertigny, vers 22 h, là, je suis soigné par un brancardier allemand (un pansement rudimentaire). Je me couche dans une grange, avec Willy Croissiaux et des soldats allemands (les soldats sont chiches, corrects, honnêtes…)<br /> Le 21/06/1940 : Le matin, avec Willy en auto, nous allons à Bains-les-Bains. A 16 h, Willy est fait prisonnier tandis que je suis emmené au poste de la Croix Rouge (hôtel des postes). Vers 20 h, je reçois une piqûre antitétanique alors que près de moi un soldat français gravement blessé, meurt.<br /> Le 22/06/1940 : Je suis soigné.<br /> Le dimanche 23/06/1940 : Armistice<br /> Le 24/06/1940 : Défilé des troupes allemandes. A 15 h 30, je repars pour Epinal (hôpital St Joseph). Là, on me fait encore une piqûre antitétanique avec toujours un pansement au bras. Pour la première fois, je dors dans un lit.<br /> Le 26/06/1940 : En ambulance, on me reconduit à la caserne Coursy d’Epinal pour me soigner. Pendant ce temps, mes copains étaient rassemblés dans une prairie sous la pluie.<br /> Le 28/06/1940 : Hold-up dans la cuisine de la caserne avec un copain d’Ormeignies, nous avons bien mangé. Mais, nous dormons sur le sol.<br /> Le 30/06/1940 : C’est dimanche, à la caserne vers 14 h, je retrouve André Jaivenois et Louis Renard parmi les soldats et les civils. Alors, nous restons ensembles. La nourriture que nous avons est constituée de pain d’orge, d’eau et de pois cassés.<br /> Le 06/07/1940 : Les civils belges sont libres.<br /> Le 07/07/1940 : Messe à 7 h 33 par un aumônier.<br /> Le 08/07/1940 : Nous mangeons du pain moisi récupéré dans une maison abandonnée.<br /> Le 13/07/1940 : Les 800 Alsaciens sont libres.<br /> Chaque jour de corvée à la caserne, en nettoyant, nous trouvons des capotes (manteaux) de soldats français pour nous couvrir. Nous sommes appelés au bureau soit disant avant de partir (où ?), mais après une longue attente, on reste à la caserne.<br /> Le 14/07/1940 : Dimanche, messe à 7 h 30.<br /> Le 15/07/1940 : Nous sommes de corvée W.C.. Le groupe de soldats français part ailleurs tandis que nous recevons un demi-pain.<br /> Le 17/07/1940 : L’adjudant annonce notre prochain départ. Le soir, nous sommes contents car nous recevons des biscuits et une gamelle pleine.<br /> Le 21/07/1940 : Messe à 8 h830, nous sommes toujours dans l’attente.<br /> Le 24/07/1940 : On part à 10 h 30. Il y a 17 wagons, nous passons par Lunéville.<br /> La destination de ce train est Sarrebruck et ce dernier y arrive vers 21 h 30.<br /> Le 25/07/1940 : A 11 h, Willy Croissiaux, embarqué dans un autre train, s’en échappe et nous rejoint, heureusement car son train s’enfonce en Allemagne. Tandis que le nôtre arrive à Cologne à 20 h.<br /> Le retour<br /> Le 26/07/1940 : A 8 h, nous nous retrouvons à la frontière hollandaise. Pourquoi n’avons-nous pas passé le Rhin ? (nous n’en connaissons pas la raison)<br /> Le 27/07/1940 : A 18 h 45, nous sommes à Hasselt. A00 h 30, nous dormons dans la gare.<br /> Le 28/07/1940 : A 4 h 30, départ pour Mons. Vers 7 h 30, nous arrivons au passage à niveau de Jurbise (aujourd’hui viaduc), puisque le train ralentissait, nous sautons<br /> De là, nous allons vers le champ d’aviation de Chièvres où les Allemands s’installaient déjà. Nous le contournons et rejoignons la maison de Michel BAUGNIES, l’oncle d’André qui habite Vaudignies, après quelques mots de réconfort, il nous embarque dans sa voiture direction Huissignies. A 10 h 30, chez-nous, c’était la sortie de la messe, nous débarquons au milieux d’une foule inhabituelle : c’était la première eucharistie de l’abbé Marquegnies ; sitôt sortis de la voiture, nous avons été entourés par la foule qui avait oublié le nouveau curé, pour nous embrasser, il y avait longtemps que des soldats n’étaient plus rentrés au village. (En effet, nous étions les derniers encore absents, beaucoup d’autres étaient rentrés bie avant nous.) Nous étions 5 ; André Jaivenois, Willy Croissiaux, Louis Renard, Louis Lefebvre de Blicquy et moi Marcel Labie.<br /> J’ai envie folle de retrouver mon père, ma mère et surtout ma fiancée Rose Dupont<br /> <br /> Nous étions heureux d’être rentrés mais à la fois tristes pour les PG (Prisonniers de Guerre) toujours en Allemagne.<br /> <br /> Sources bibliographique et iconographiques :<br /> Maison du Souvenir<br /> <a href="https://www.maisondusouvenir.be/marcel_labie.php">https://www.maisondusouvenir.be/marcel_labie.php</a></p> Tue, 30 Nov 2021 20:07:19 +0100 Jules Pirson Cycliste Frontière – Témoignage. https://www.freebelgians.be/articles/articles-1-214+jules-pirson-cycliste-fronti-re-t-moignage.php https://www.freebelgians.be/articles/articles-1-214+jules-pirson-cycliste-fronti-re-t-moignage.php Milicien de la classe 1934, Jules Pirson à servi au U.Cy.F (Cycliste frontière) comme fusilier. <br /> <br /> D'abord 4 mois à Elsenborn, puis 4 mois à la caserne de Rencheux dont la construction n'était pas encore terminée. A la mobilisation de 1938, il faisait partie du 36èmeRégiment de Chasseurs Ardennais, 7° Compagnie. <br /> Voici son témoignage.<br /> Le 10 mai 1940, notre peloton est installé dans une carrière, à Salmchâteau, du côté de Ste Marie, sur une colline dominant la route qui conduit à Beho. Vers 2 h du matin, nous sommes réveillés. Cette fois l'alerte est sérieuse. Il faut occuper les positions ! Le jour se lève à peine que de violentes explosions, à l'est, nous confirment que cette fois nous sommes en guerre car les postes avancés sont en train de procéder aux destructions prévues. Les heures passent dans une atmosphère tendue. Les armes sont prêtes et les guetteurs attentifs. Vers midi, un bruit de moteur attire notre attention. Cela vient du côté de Bech ... Un side-car apparaît, ce sont des Allemands ! L'adjudant Brack donne l'ordre d'ouvrir le feu; distance 700 mètres. FM et fusils tonnent. Le side-car boule dans un fossé. Le feu cesse. <br /> Il est environ 16 h lorsque nous apercevons des fantassins ennemis progressant en tirailleurs en direction de la route que nous dominons. Les balles sifflent au-dessus de notre position. Nous répliquons avec vigueur au tir ennemi. Les Allemands tentent à plusieurs reprises de progresser vers nos positions. Chaque tentative est brisée par la violence de notre riposte. La nuit tombe, le feu cesse de part et d'autre, sauf quelques tirs sporadiques. Notre adjudant nous donne l'ordre de repli. (Plus tard, nous apprendrons qu'un jeune milicien avait été chargé de nous notifier l'ordre de repli bien avant la décision prise par l'Adjudant. Ce messager n'est jamais venu !. Tant bien que mal, nous trouvons nos vélos et rejoignons, par un petit chemin, la route de La Baraque au lieu-dit La Bedinne. En selle pour Lierneux, Manhay, Grandmenil où je passe à la maison paternelle qui est déserte ... Un billet sur une table porte ce message : "Nous sommes évacués à Roche-à-Frêne". Je rejoins mes camarades qui sont en train de traverser le Bois-du-Pays. Je m'accorde encore un petit arrêt chez J. Bastin de Ninane dont la maison est située en face du chemin qui conduit à Roche-à-Frêne, pour saluer la famille. Un petit sprint et je rejoins le peloton roulant vers Bornai. <br /> Samedi, 11 mai, la Compagnie prend position à Sy, pour surveiller le passage de l'Ourthe. Vers 16 h, des éclaireurs ennemis s'amènent dans le lointain. Ils tiraillent sans grande conviction. Nous ne ripostons pas afin de ne pas dévoiler nos positions. A 2 h, nous continuons notre repli nocturne en tâchant de faire le moins de bruit possible. <br /> <br /> <p style="text-align:center"><img src="https://www.freebelgians.be/upload/temploux.jpg" alt="" class="valign_" /></p><br /> <p style="text-align:center">Temploux</p><br /> Le 12, la Compagnie pédale sur l'itinéraire : Ouffet, Huy, Andenne, Namur. A Temploux, le grand rassemblement de plusieurs milliers de Chasseurs attire l'essaim de Stukas tournoyant et plongeant dans un ballet mortel. Officiers et soldats se dispersent, cherchant un abri. Je parviens à m'introduire dans un conduit en béton à l'entrée d'une prairie et j'attends. Le sol tremble lorsqu'éclatent les bombes ... et cela n'en finit pas ! Enfin l'attaque cesse. Je m'extrais, non sans peine, de mon abri de fortune et traverse la route ... pour tomber sur un compagnon de classe à l'école primaire de Grandmenil. Tous deux nous sommes sonnés, mais sans une égratignure. On se regroupe tant bien que mal pour gagner Perwez où, le matin du lundi 13, l'ordre est donné de creuser des tranchées. A peine avons nous commencé le travail, voilà ces maudits avions allemands qui surgissent pour nous attaquer. Leur forfait accompli, le travail reprend à grands coups de pelle. Puis, tout à coup, des sifflements et des explosions C'est l’artillerie ennemie qui entre dans la danse. Le lendemain 14, vers 2 h, nous nous replions pour faire place à des troupes françaises, des Sénégalais. A l'aube, le repli, sous les fréquentes attaques aériennes qui brisent le moral de certains soldats fatigués, prend l'allure d'une débandade. Le désarroi s'empare de petits groupes de combattants, à bout de nerfs. <br /> <br /> <p style="text-align:center"><img src="https://www.freebelgians.be/upload/perwezcentrebis.jpg" alt="" class="valign_" /></p><br /> <p style="text-align:center">Perwez</p><br /> <br /> Comme après Temploux, chacun cherche à rejoindre sa compagnie. Avec quelques camarades, je me mets en route. Nous passons à Villers-la-Ville, puis à Genappe où, le soir, je retrouve mon frère Omer qui m'accompagnera jusqu'à notre retour à Grandmenil. Le mercredi 15 nous couchons à Oudenaarde en compagnie d'une bande de Chasseurs, nous atteignons Lichtervelde. Le lendemain, nous sommes à Pittem où je rencontre un ami de Grandmenil, Georges Depierreux. Par Torhout Diksmuide, le samedi 18, nous aboutissons à Furnes pour passer la nuit. Toute cette randonnée s'est déroulée sur des routes encombrées de civils et sous la surveillance des Stukas dont les mitrailleuses ne font différence entre civils et militaires. <br /> Le dimanche 19 mai, mêlés à une foule de militaires belges, amalgame de soldats, d'officiers et de sous-officiers de toutes les armes nous passons la frontière française. Tout ce monde passera la nuit à Saint Omer. Le lendemain les officiers tentent un début d'organisation. Il nous faut continuer le repli en France. Le mardi 21, en route pour Abbeville. Les Allemands nous y ont précédés et tiennent le pont sur la Somme. Il faut éviter Abbeville en gagnant Le Crotoy la baie de la Somme. Nous avons réussi à passer la baie de la Somme. Nous avons réussi à passer la baie de la Somme à marée basse avec nos vélos et nos armes. <br /> Toujours poursuivi par les avions ennemis, notre groupement avance pour faire étape à Notre Dame de Bondeville, à proximité de Rouen. Étape suivante : suivante, Brionne, le jeudi 23, jour de la Fête-Dieu. Ensuite Conches et Aigle où nous cantonnerons deux jours. Ces journées vont permettre aux officiers de mettre un peu d'ordre dans la troupe hétéroclite que nous formons. Nous devons cesser d'être des nomades pour redevenir des soldats. <br /> Le dimanche 26, au matin, nous sommes 150 Chasseurs embarqués dans un train qui nous transporte vers une gare située entre Sète et Montpellier, dans une localité appelée Montbazin, où nous débarquons le 29. Nombre de Français nous font grise mine. Ils reprochent à notre Roi et son armée d'avoir capitulé. Impassibles, nous écoutons leurs récriminations exprimées dans un langage fleuri et percutant. Nous resterons près de deux semaines à Montbazin. <br /> A partir de fin juillet, les Autorités belges et françaises organisent le retour des Belges : évacués, CRAB, militaires ... et ils sont nombreux ! Le 12 août, à 19 h, nous avons la chance, mon frère et moi, de faire partie d'un petit groupe des soldats belges, 20 Chasseurs et 18 Artilleurs, installés sur le quai dans l'attente d'un train de rapatriement. Une demi-heure après, adieu Montbazin ! Le lendemain, à Bordeaux, nous recevons de la Kommandatur un document qui nous permettra de passer la ligne de démarcation. En voiture ! Nous saluons Paris au passage et le samedi 17 août, voilà Mons. Encore un peu de patience ... Nous sommes à Bruxelles, le lendemain au matin. En hâte, nous sautons dans un train à destination de Marloie. Là, nous prenons notre courage à deux mains; en avant, marche ! Après je ne sais combien de kilomètres, nous parvenons à arrêter un camion ... allemand. Le chauffeur accepte de nous prendre. Le dimanche 18 août, au soir, nous sommes à Grandmenil, heureux de pouvoir embrasser nos parents qui pleurent de joie.<br /> Ici s’arrête le témoignage de Jules Pirson.<br /> Source : Livre de Charles Bonmariage ‘’Témoignages’’ édité par la commune de Manhay en 1994.<br /> Crédit Photos :<br /> <a href="https://www.facebook.com/login/?next=https%3A%2F%2Fwww.facebook.com%2FFraternelleRoyaledesChasseursArdennais%2Fposts%2F3046755468690985%2F">https://www.facebook.com/login/?next=https%3A%2F%2Fwww.facebook.com%2FFraternelleRoyaledesChasseursArdennais%2Fposts%2F3046755468690985%2F</a><br /> <a href="https://www.fraternellechasseursardennais.be/bnmotoscha.html#laroche">https://www.fraternellechasseursardennais.be/bnmotoscha.html#laroche</a> Tue, 31 Aug 2021 09:42:58 +0200 L’exode de Mme Léa Dorys (née en 1928 ??) de Clavier https://www.freebelgians.be/articles/articles-1-213+l-exode-de-mme-l-a-dorys-n-e-en-1928-de-clavier.php https://www.freebelgians.be/articles/articles-1-213+l-exode-de-mme-l-a-dorys-n-e-en-1928-de-clavier.php <p style="text-align:center"><img src="https://www.freebelgians.be/upload/1280px_clavier_jpg01_eglise_saint_barthelemy.jpg" alt="" class="valign_" /></p><br /> <p style="text-align:center">Eglise Saint Barthélémy de Clavier de nos jours.</p><br /> <br /> <p style="text-align:justify">« Cette histoire que je vais vous raconter est un épisode de ma vie qui a changé mon entrée dans l’adolescence.<br /> Avril 1939 ! Je prépare ma communion solennelle.<br /> De bon matin, mes parents me conduisent à Liège afin d’y effectuer des achats en vue de cette fête. Dans le magasin où j’essaie une belle robe blanche de première communiante, la radio ou plutôt la T.S.F., la R.T.B.F. de l’époque, diffuse un discours hurlant d’Adolf Hitler, Führer du IIIe Reich. Mes parents et les vendeuses frémissent en entendant cette voix remplie de haine. Que prépara-t-il pour l’Europe ? Rien de bon, quel noir présage…<br /> L’été se passe comme à la campagne entre la fenaison et la moisson. Il y a les grandes vacances puis septembre 1939. Hitler envahit la Pologne, la Tchécoslovaquie, l’Autriche est déjà annexée. Branle-bas de combat dans les états alliés. Mobilisation, on rappelle les soldats.<br /> Quel émoi dans les familles, les visages se crispent, les cœurs se serrent au départ des fils, des époux, des pères. On ne sait que penser. L’hiver approche, des cantonnements de soldats s’établissent dans les villages. On creuse des tranchées, on place des barrières antichars. Degrelle, un pro-allemand, fait des meetings, il essaie de faire croire à l’Ordre Nouveau de Hitler.<br /> L’hiver 39 – 40 fut très dur. Il gelait à pierre fendre et ces pauvres soldats grelottaient.<br /> Vint le printemps, avec ses jonquilles, ses agneaux, ses poussins qui naissaient dans une douceur de vivre inquiétante !<br /> Voici le 10 mai 1940 ! et les semaines qui suivirent.<br /> Vers 5 heures, un magnifique soleil éclairait la terre, quand, dans le ciel, des avions laissaient des traînées blanches. Anormales ces choses, nous n’avions jamais vu cela. Tout à coup, des bruits sourds nous parviennent. A la radio, les infos. Le speaker, d’une voie émue, nous annonce que la Belgique est envahie. Les Allemands ont déjà pris le fort d’Eben-Emael, la gare de Jemelle est bombardée. Les réfugiés des cantons de l’Est sont sur les routes.<br /> Et nous, qu’allons-nous faire ? Partir ou ne pas partir ?<br /> L’après-midi, un dernier train emmène les jeunes hommes vers quelle destination afin d’échapper à la mainmise teutonne. Des mères courent derrière le convoi, font des signes désespérés à ces jeunes garçons qui vont vers l’inconnu. Les reverront-elles un jour ?<br /> La nuit du 10 au 11 mai, nous ne dormons pas car, sur la route, des garnisons de soldats en perdition cherchent vainement un chef qu’ils ne trouvent jamais.<br /> Et le jour se leva sur le deuxième jour de guerre. Mon père prend une décision, lui qui, pendant la guerre de 1914, avait été poursuivi par les soldats allemands, les uhlans, déchaînés sur la population belge. Nous allons partir car la moitié du village est déjà sur les routes de l’exode. Ma mère, convalescente d’une pleurésie, était très songeuse. « Tiendrai-je le coup ?» me disait-elle… mais l’itinéraire de mon père était fait.<br /> Il y avait dans sa famille une tante Maria, religieuse de son état au couvent de Pesches (Couvin). C’est là que nous irions et devinez avec quels moyens ? En bicyclette ! Mon Dieu, si loin… Nous réunissons le peu que nos vélos et nous-mêmes pouvions emporter. » <br /> <br /> « Le samedi 11 mai, par un beau soleil printanier, nous prenons le chemin de l’évacuation. Mais Pesches c’est loin et le pont de Dinant est déjà bombardé. Il n’y a plus que le pont d’Yvoir. Dans un vacarme invraisemblable, des éclats d’obus tombent partout, les soldats, les civils sont mêlés dans une peur qui vous prend aux tripes.<br /> Nous logeons chez un boulanger d’Anhée et, le lendemain, nous reprenons la route.<br /> Alors, c’est l’horreur qui nous attend, des réfugiés, ils sortent de partout, à pied, à vélo, en camion, les fermiers avec leurs chariots, leur famille et une partie du cheptel.</p><br /> <br /> <p style="text-align:center"><img src="https://www.freebelgians.be/upload/pont_de_dinant_freebelgians.jpg" alt="" class="valign_" /></p><br /> <p style="text-align:center">Pont de Dinant</p><br /> <br /> <p style="text-align:justify">Nous croisons l’armée française, uniforme bleu ciel, certains à cheval tirant de gros canons, la gourde de cognac à la ceinture.<br /> C’est à ce moment que nous fîmes la connaissance des avions « stukas » allemands qui plongeaient sur nous, tuant et blessant soldats, civils et animaux. Ce n’était plus de la peur qui était en nous, c’était… la terreur et cela ne faisait que commencer. Les blessés hurlaient, les morts gisaient et les bêtes tuées gonflaient alors que les soldats français montaient au front. Quel front, la 5e colonne fouinait dans les files de soldats et de réfugiés. Il y avait des prêtres,, des moines, des religieuses, étaient-ce des vrais ? Dans quelle tragédie de l’histoire étions-nous devenus les acteurs ?<br /> Nous arrivons à Philippeville sous les bombardements. On nous pousse dans les caves, abandonnant nos chers vélos. Heureusement, après l’alerte, nous les retrouvons. Et puis, c’est Mariembourg, Couvin où nous voyons défiler cette armada d’hommes, de femmes, d’enfants, de bestiaux cherchant un refuge bien précaire.<br /> En fin de journée, nous arrivâmes au couvent de Pesches. Les braves sœurs nous accueillent avec un calme et une gentillesse qui nous réchauffent le cœur. Elles nous donnent le gîte et nous essayions de dormir quand une sirène hurlante nous jette dans les caves. Les religieuses nous invitent à prier en implorant toutes les bénédictions du Ciel. Des enfants pleurent, des malades gémissent, des vieillards se traînent, des hommes jurent. Ce fut ainsi le restant de la nuit.<br /> A l’aube, nous avons droit à un petit déjeuner et puis l’ordre de l’armée française arrive : le couvent est réquisitionné car les Allemands avancent. Ils vont franchir la Meuse et les ponts détruits ne les tracassent pas, ils fabriquent des ponts artificiels. Drôle de guerre, les Français à cheval comme au temps de Napoléon, de l’autre côté, les Allemands super équipés et motorisés… Que faut-il en penser sinon sauver notre peau ?<br /> Nous reprenons notre route. Les herbes des accotements sont encore blanches de gelée car nous sommes en mai, ce sont les saints de glace. Dans une côte, maman, au bord de l’épuisement, ahane sur son vélo. Un soldat français la voit, il prend sa gourde et lui dit : « Buvez un coup de gnôle, ça vous remettra d’aplomb ! » En effet, maman, en avalant une lampée, fut tout estourbie. « Ça me réchauffe et me descend dans les jambes ! » En avant, nous reprenons notre courage à deux mains et nous repartons.<br /> La nuit arrive, nous nous dirigeons vers le monastère de Scourmont où les moines, bien que trappistes, nous alimentent et nous nous reposons dans les annexes. Alors là, la détresse humaine est à son comble. Une personne malade décède, une jeune femme accouche sur un lit de paille, une autre, un bébé de cinq mois dans les bras, a perdu sa famille. On fait une collecte pour lui procurer des langes, des vêtements, de la nourriture. Faut-il que ce soit la guerre pour qu’on s’aime ? Le jour se leva dans une belle pagaille. Nous enfourchons nos bécanes et en route pour une nouvelle page de l’exode.<br /> Il y en avait qui montaient au front en chantant « Venise provençale », les pauvres, ils ne savaient pas ce qui les attendait ; nous, nous descendions. » <br /> « Vint la frontière française, mais plus de douaniers, plus de contrôle. La douce France nous offrait ses paysages bucoliques sous un beau soleil et sous les mitraillages répétés des avions allemands. Bientôt, l’armée française se retire sous la pression des terribles Germains. Nous battons en retraite avec les chars d’assaut du général De Gaulle. Nous passons par Plomion où nous rencontrons des fermiers de notre village.<br /> Après ce fut la Fère en Tardenois, Laon, Montmirail puis Dormans/Marne. A notre grand étonnement, sur le pont de la Marne, l’armée française sépare les Wallons et les Flamands. La guerre est loin d’être terminée et, déjà, la politique entre en jeu.<br /> Toujours à vélo, nous reprenons la route, Epernay nous voit passer, Aix en Othe, Marigny le Châtel, finalement Tonnerre. Clavier est déjà bien loin…<br /> Là, stop. On nous conduit à la gare, plus de vélos, on nous embarque sur le grand express qui va vers la Méditerranée. Hélas, à Dijon, tout le monde descend sur les quais. Ca va mal dans le Nord, le train doit remonter pour charger les blessés de la bataille qui continue là-haut.<br /> De Dijon, on nous expédie à Nevers où nous retrouvons des habitants de Clavier, désignés eux pour Toulouse.<br /> Saint-Etienne nous voit arriver à 22 heures sans manger ni boire. On nous place dans une salle de la gare, obscure, mais il y a des lits et des affiches sur les murs : « Silence, ne parlez pas, on vous écoute ! » Quelle ambiance ! Fourbus et décontenancés, nous dormons quelques heures. A 5 heures, embarquement pour Lyon où nous arrivons en plein bombardement de la gare de Perrache. On court dans les abris dans un va-et-vient indescriptible.<br /> Qu’allons-nous devenir ? Et la journée se passe. Soudain, on nous rassemble dans des vieux cars réquisitionnés je ne sais où, plus brinquebalants que roulants, entassant les personnes et les bagages.<br /> Le jour s’achève sur la vallée du Rhône, le car s’engage dans les chemins étroits, en lacet, pendant des dizaines de kilomètres et c’est Esclassan en Ardèche qui voit arriver des réfugiés sales, fatigués, affamés. On nous restaure tant bien que mal. Du riz à l’ail pour nos pailles nordiques, cela passait difficilement. Heureusement, il y avait le pinard à volonté. Cette piquette transfigurait les visages émaciés de toutes ces gens, des Belges qui parlaient le français. Les indigènes étaient vraiment étonnés de nous entendre parler leur langue.<br /> Nous n’y séjournons que quinze jours, Maman ne supportant pas le Mistral qui souffrait fréquemment et Papa s’ennuyant dans ce bled reculé.<br /> Un beau jour, il s’engagea pour travailler dans l’armée française. Comme la main-d’œuvre belge était renommée, on l’engagea dans une tréfilerie de Domène dans l’Isère, entre Grenoble et Chambéry. » </p><br /> <br /> <br /> <p style="text-align:center"><img src="https://www.freebelgians.be/upload/domene_isere_freebelgians.jpg" alt="" class="valign_" /></p><br /> <p style="text-align:center">Domène (vue générale)</p><br /> <br /> <p style="text-align:justify">« Alors une autre épopée commença. Un jour, avec nos pauvres bagages, la bouchère nous descendit avec ses gorets, poulets, canards et autres volatile qu’elle destinait au marché de Valence. Mais Valence, ce n’est pas Grenoble. Avec les quelques francs français que nous avions, nous allons à la gare et embarquons pour Grenoble où nous arrivons le soir. Plus de train pour Domène ! La seule solution qui restait c’était : nous dormirons dans la salle d’attente jusqu’au lendemain matin à 5 heures, heure du premier convoi pour notre destination.<br /> Nous somnolions sur les banquettes de la salle d’attente, Maman dans un tel état de fatigue et de crises d’asthme que je ne sais comment elle a tenu.<br /> Arrivèrent près de nous trois officiers de l’armée française. Un peu interloqués, leurs yeux nous regardèrent. Allait-on nous mettre à la rue ? Ils nous posèrent maintes questions, tout étonnés de voir des réfugiés belges égarés chez eux. Ils nous dirent de ne pas bouger et, quelque temps après, ils nous emmenèrent dans un des plus beaux hôtels de la ville, le « Suisse et Bordeaux ». C’est là que j’ai eu treize ans.<br /> Après un excellent repas, on nous conduisit dans une chambre à coucher digne d’un palace, au quatrième étage. Je pensais «Si les avions viennent bombarder, qu’allons-nous devenir si haut ? » J’ai dormi sur les marches de l’escalier, prête à m’enfuir et mes parents ont dormi sur les carpettes, les lits étant d’une blancheur et d’une propreté exemplaires, nous aurions souillé la literie… Ma mère, bonne ménagère belge, ne voulait pas salir et avoir le nom de « sales gens », vu que des quolibets avaient déjà été lancés « Boches du Nord » en faisant allusion à la félonie de notre Roi…<br /> Le lendemain matin, le train nous emmena à Brignoud près d’où Papa devait travailler. Nous y sommes restés jusqu’au 15 août, dans une cité ouvrière où il y avait déjà des réfugiés de la révolution espagnole, des Italiens fuyant Mussolini, des juifs polonais et yougoslaves fuyant les nazis. Dans cette cité très calme au pied du massif de Belledonne dans l’Isère. Notre séjour débuta avec l’aide de charmants français qui nous aidaient. Nous ne les avons jamais oubliés.<br /> Petite anecdote, Maman ayant perdu sa carte d’identité n’était pas crue par les autorités quand elle affirmait qu’elle était bien la femme de mon père et ma mère. Tous les samedis, elle devait se présenter à la gendarmerie afin de prouver qu’elle était toujours là et pas une espionne. Ouf !<br /> Un beau matin, nous avons reçu des papiers de la Préfecture nous invitant à rejoindre la Belgique. Comment ? Nous étions deux familles belges dans la cité. On réunit les quelques billets que nous avions car, en plus du salaire de mon père, on nous allouait une somme d’argent tous les mois. Avec tout cet argent, ils achetèrent une vieille Peugeot à un garagiste de Grenoble.<br /> Nous avons donc repris la route du retour, cette fois-ci en passant par Bourg dans l’Ain, le Jura. Cette route que nous suivons est bondée de soldats français en déroute et qui se rendent aux Allemands. Je vois les yeux de mes parents se remplir de larmes lorsqu’ils aperçurent les premiers soldats allemands, les « Schleus ! » Une chape de plomb nous tombe sur le dos. On nous arrête, nous questionne, les papiers… et toujours Maman sans carte d’identité qui pose problème ! Enfin, après une fouille en règle, les barrières se lèvent et nous remontons, comme on dit, dans cette France occupée. Les fermiers ont à la moisson et le soleil d’août nous réchauffe de ses rayons. La nourriture est toujours rare et la faim se fait sentir.<br /> Trois jours après notre départ de Grenoble, c’est la Belgique. Quelle joie de retrouver son pays. Les gens vaquaient à leurs travaux et cela sentait si bon le savon vert ! Revoir notre village, notre maison ; comme nous étions heureux.<br /> Un médecin de Grenoble avait remis Maman en forme, l’air de la montagne lui était favorable. Moi je parlais le français avec l’accent que je perdis très vite pour retrouver l’accent liégeois.<br /> P.S. Nos vélos que nous croyions perdus quand nous les avons laissés en gare de Tonnerre, un brave cheminot de la gare de Montpellier, car eux sont allés jusque là-bas, nous les a renvoyés au mois d’octobre. Merci la S.N.C.F. »<br /> Source :<br /> <a href="https://lapetitegazette.net/category/guerre-1940-1945/le-10-mai-1940/">https://lapetitegazette.net/category/guerre-1940-1945/le-10-mai-1940/</a><br /> https://fr.wikipedia.org/wiki/Clavier_(Li%C3%A8ge)#/media/Fichier:Clavier_JPG01.jpg<br /> <a href="https://www.facebook.com/259531074757735/posts/554660268578146/">https://www.facebook.com/259531074757735/posts/554660268578146/</a><br /> <a href="https://www.geneanet.org/cartes-postales/view/5034574#0">https://www.geneanet.org/cartes-postales/view/5034574#0</a><br /> </p> Sat, 31 Jul 2021 14:27:38 +0200 Et oui, il y eut une Marine Belge en 1940 https://www.freebelgians.be/articles/articles-1-212+et-oui-il-y-eut-une-marine-belge-en-1940.php https://www.freebelgians.be/articles/articles-1-212+et-oui-il-y-eut-une-marine-belge-en-1940.php <p style="text-align:center"><img src="https://www.freebelgians.be/upload/tender_1freebelgians_juillet_2021.jpg" alt="" class="valign_" /></p><br /> <p style="text-align:center">Tender 1, cliché via le Musée Royal de l’Armée</p><br /> <br /> <p style="text-align:justify">Les événements du 10 mai 1940 entraînèrent la mobilisation générale mais le Corps de Marine n'en reçut l'ordre que le 12. La 2ème escadrille fut formée aussitôt (commandant le lieutenant Duchêne et ensuite le lieutenant Graré) et dirigée sur Zeebrugge, port qui comme ceux d'Ostende et de Bruges, passèrent sous les ordres du major Decarpentrie.<br /> Chacune de ces deux subdivisions devait comprendre 3 patrouilleurs, 2 dragueurs de mines, 2 arraisonneurs, 1 canot automobile qui, sauf le canot, devaient avoir un canon de 4,7 et deux mitrailleuses. Mais on était loin de posséder ce matériel, on procéda alors par réquisitions pour parer au plus pressé ; la 1ère escadrille s'adjoignit les chalutiers en bois O. 140, O.317 et, la 2ème escadrille, les Z.8, Z.25 et H.75 (O = Ostende, Z = Zeebrugge, H = Heyst) ; on réquisitionna le yacht Aloha pour servir, en cas de déplacement, de logement au personnel du bureau du commandant du Corps.<br /> Puis la 1ère escadrille reçut, de l'administration de la Marine, les vedettes rapides R I et R II acquises pour suivre les tirs de la D T C A et repêcher les aviateurs ayant amerri.<br /> La 2ème escadrille réquisitionna le remorqueur de mer Graaf Visart, appartenant au port de Zeebrugge et mit un équipage militaire à bord du remorqueur de rivière Baron de Maere qui avait été abandonné dans ce port.<br /> Quant à la 3ème escadrille il lui fallut se contenter de la trop vieille Police de la Rade III ; le commandant Delstanche se tira d'affaire en réquisitionnant les Brabo 1, 2, et 3, le premier de l'Etat et les autres de la Société de pilotage des bassins, le Tolwacht de l'administration de la Marine et le yacht Restless d'un particulier ; il y joignit un yacht abandonné sur la rive gauche du fleuve et qu'il baptisa La Prairie.<br /> Sur l'ordre du commandant du se corps, la 3ème escadrille dut procéder à la reconnaissance de la côte du Zuid-Beveland ; dans la nuit du 14 au 15 mai, le Brabo I et le Tolwacht partirent à cet effet de Doel vers la frontière hollandaise pour y observer les mouvements des Allemands, les autorités françaises occupant la rive gauche avaient été prévenues au préalable. Les deux unités revinrent sans avoir rien vu, mais en passant devant le fort Frédéric occupé par le poste français relevé récemment et non averti comme il aurait dû l'être, elles essuyèrent un feu violent. Une fusée verte fut lancée de ce fort et alors les troupes belges défendant l'autre rive du Bas-Escaut, ouvrirent également le feu sur les embarcations. Grâce aux précautions prises par le commandant Delstanche qui avait fait border les, bastingages de sacs de sable, deux matelots du Brabo I seulement furent blessés; l’un est resté invalide de guerre, l'autre rejoignit l'escadrille au bout de peu de jours.<br /> Le Restless qui devait participer à cette opération et qui avait été retenu plus longtemps à Anvers par sa mise en armement, brûla le Doel et fila impétueusement vers la frontière ; il alla s'échouer sur le banc de Saeftingen où il dut attendre la marée et où il fut canonné par une pièce antitank ennemie. Il rentra à l'aube, ramenant évidemment des renseignements utiles.<br /> A Doel il fut bombardé par des avions, subit des dégâts, dut être ramené à Anvers et fut remplacé par la Prairie.<br /> L'ordre de se replier dans le port d'Anvers parvint le 15, pendant deux jours nos marins durent y opérer des destructions dans la rade et organiser le passage des troupes en surface, ils mirent également hors d'usage les bateaux de transbordement et, le 18, au petit matin, la 3ème escadrille quitta Anvers pour gagner Ostende par les eaux intérieures. La Police de la Rade III étant trop vieille et d'un trop grand tirant d'eau, fut sabordée au ponton Margerie et, le 20, l'escadrille rejoignit le Corps de Marine ; emportant tout le matériel possible.<br /> Voyons ce qui se passa à la côte ; dès lors le récit prend les allures laconiques d'un journal de bord : les installations du port d'Ostende furent mises en état de défense; le 10 mai, une section de mitrailleurs fut placée sur le toit de l'Ecole de Marine. Le 12, la 2ème escadril1e se porta au secours de l'allège-citerne Jura de Basel qu'une mine magnétique avait fait couler, seul le patron put être sauvé.<br /> Le 13, les mitrailleurs occupant le Zinnia (garde-pêche) et l'Ecole de Marine d'Ostende reçurent des bombes, le premier groupe força un stuka à amerrir. Au large de Zeebrugge, la 2ème escadrille sauva l'équipage du bateau italien Foscolo.<br /> Le 14, cette escadrille prit possession, à Zeebrugge, du s/s Sigurd Faulbaums, steamer letton, prise de guerre dont la machinerie était démontée ; ce cargo fut peu après chargé de plomb par nos marins.<br /> Le 16, la 2ème escadrille encore porta secours à un navire grec échoué dans les Wielingen.<br /> Le 17, au soir, les patrouilleurs A 4, A 5 et A 6, de la 1ère escadrille, allèrent se faire démagnétiser à Dunkerque, escortant les steamers Turquoise et Améthyste ; ils furent soumis dans cette rade à des bombardements intensifs mais revinrent, sans dommage, à Ostende, le 19.<br /> Durant la nuit du 19, le port d'Ostende dut être évacué ; l'amirauté britannique ayant décidé de le bloquer ainsi que celui de Zeebrugge, les bateaux restèrent au large. Mais l'opération projetée fut remise au lendemain et les unités rentrèrent à l'aube du 20. (Cette façon de procéder, commandée par les circonstances, fut reprise journellement jusqu'au 22 mai).<br /> Le 21, le A 4 commandé par le lieutenant Van Vaerenbergh, leva l'ancre, chargé de sommes considérables appartenant à la Banque nationale ; il se dirigea sur Dieppe, mais le port étant fermé, l'amirauté britannique lui enjoignit de se rendre à Folkestone. Le commandant du A 4 éprouva bien des difficultés pour obtenir que l'on prît, en fin de compte possession de son précieux dépôt : les colis éventrés laissaient couler l'or sur le pont.<br /> C'est au cours d'une des sorties nocturnes mentionnées ci-dessus que le 22 à 0 h. 25, le yacht Aloha heurta une mine magnétique au large d'Ostende et périt corps et biens.<br /> Ce jour, à l'aube, le commandant Van Strydonck, commandant la 1ère escadrille, chargé d'une mission spécialement délicate et secrète par le grand quartier général, partit en voiture pour Boulogne, tandis que les O.140 et O.348 commandés par les lieutenants Everaert et Duchêne, prenaient la même direction.<br /> Bien entendu, dès l'ouverture des hostilités, les ports belges furent soumis à des bombardements intensifs tant diurnes que nocturnes, le Zinnia faillit être coulé, une mine magnétique jetée d'un avion tomba si près du navire que le parachute s'accrocha à la passerelle.<br /> Enfin, le 22 mai, le Corps de Marine reçut l'ordre de se replier.<br /> La 3ème escadrille arrivée d'Anvers à Ostende le 20, servit à alimenter les autres en personnel, mais lorsque parvint l'ordre de la retraite, le commandant du Corps fusionna les escadrilles en une seule, elle fut confiée au capitaine-commandant Delstanche, ancien second du Navire-école L'Avenir.<br /> Après avoir mis hors d'état tout ce qui ne pouvait être amené : le C 4 et le yacht Prince Charles, les Brabo I, II et III, le Restless, le Tolwacht et la Prairie, la nouvelle subdivision prit la route de l'Angleterre, emmenant les remorqueurs John P. Best et Valentin Letzet venus d'Anvers.<br /> A l'escadrille de Zeebrugge, il fut décidé d'enlever également le Sigurd-Feulbeums dont la machine avait été réparée tant bien que mal, et de le faire remorquer par le Graaf Visart et le Baron de Maere. On prit la mer péniblement à 23 heures, mais le lendemain, vers midi, tandis que le lieutenant Séron, commandant, se trouvait sur la passerelle supérieure, on entendit une formidable et sourde explosion : le s/s venait de heurter une mine magnétique ... Le lieutenant aperçut une immense gerbe d'eau projetant des morceaux de bois, de plomb, etc. L'arrière du navire coupé, disparut aussitôt.<br /> Avant d'avoir eu le temps de sauter par-dessus bord, l'officier fut happé par une lame et projeté dans la cale n° 2. Remontant à la surface, il put saisir les débris de deux panneaux d'écoutille et s'en servir comme flotteur. Un second maître et un matelot trouvèrent un abri sur un radeau, le reste du personnel avait pu prendre place dans un canot.<br /> Tout l'équipage fut sauvé grâce au sang-froid du second maître Vlietinck, patron du Graaf Visart, et au dévouement de ses hommes. Le naufrage eut lieu à environ 5 milles dans le N. O. Q. O. de la bouée du Dijck.<br /> Le Corps de Marine devait gagner la France, mais l'amirauté anglaise le détourna de sa destination et, de Ramsgate, le dirigea sur Dartmouth; les hommes en surnombre furent, malgré les démarches, on ne sait trop pourquoi, envoyés à Tenby, dans un camp de soldats belges isolés.<br /> Le 22 mai, le commandant de la 2ème escadrille prête à prendre également le large à Zeebrugge, embarqua à bord d'un chalutier, un général belge et son état-major. Ayant rejoint le Corps dans les Downs, ce général obtint, des Anglais, l'autorisation de se rendre à Caen; dans la nuit du 24 au 25 mai, il passa avec sa suite sur le A 6 qui avait reçu le personnel du R l, et cette unité se dirigea vers le cap d'Antifer ; il ne put rejoindre notre flottille que bien plus tard, au Verdon, l'avant-port de Bordeaux.<br /> Le 27, le A 4, enfin délesté de son or, rejoignit le Corps à Dartmouth.<br /> Les marins étaient impatients de reprendre part à la lutte. Le 28 leurs démarches aboutirent, on les autorisa à gagner le Havre, mais à la nouvelle de la capitulation de l’Armée Belge, intervint un désespérant contrordre. Seulement le lendemain, à dix heures, l'état-major du Corps reçu des instructions émanant de l’ambassade belge de Londres, en vertu desquelles le A 4 devait se rendre sans retard à La Panne pour y embarquer des forces armées ; le vaillant petit bateau leva l'ancre aux approches de minuit.<br /> Les événements se précipitant, le 30 au début de l'après-midi, il fut enjoint encore au major Decarpentrie de rassembler les chalutiers belges et leurs équipages réfugiés en amont de Dartmouth, d'aller à Douvres et de là à la côte belge pour coopérer au sauvetage. Surgirent alors de sérieuses difficultés : si les patrons étaient tout disposés à exposer leur vie, ils étaient responsables de leur bateau vis-à-vis de leur armateur ; or on ne leur donnait aucune garantie. Il en résulta d'interminables discussions qui ne se terminèrent que tard dans la nuit du 31 : onze patrons de chalutiers seulement répondirent à l'appel.<br /> Les marins militaires n'avaient pas attendu pour agir. Le 30, à 23 h. 50, les A 5 et Z.25 auxquels on adjoignit le bateau pilote P 16, non armé, que prêta l'administration de la Marine, prirent le large. Le 31, à 2 h. 30, les O.317, Z.8 et H. 75 suivirent cet exemple ; les, R I et R II étaient indispensables à Dartmouth, et les deux remorqueurs étaient impropres à participer à ces opérations spéciales.<br /> Le 1er juin à l'aube, quelques chalutiers se mirent également en route ; l'un d'eux, le O. 92 dépourvu d'équipage, fut monté par des membres du Corps de Marine.<br /> Le 2 juin, les Z. 8 et O. 317 rentrèrent à Dartmouth. Le chef de groupe informa alors le commandant du Corps qu'il avait été arrêté la veille au large de l'île de Wight par un garde-côte anglais qui lui avait ordonné de rentrer. Ils ne purent donc accomplir leur généreuse mission.<br /> Le 5, les A 5 et Z. 25 revinrent également et signalèrent que le 1er juin, à Douvres, ils avaient été détournés aussi de leur mission initiale par l'aviso français Diligente qui leur avait enjoint au nom de l'amirauté du Pas de Calais de se rendre à Dunkerque ; ils s'y distinguèrent.<br /> Là, au cours d'un violent bombardement par avions, le A 5 embarqua à son bord 234 militaires, le Z. 25 90 soldats, et le H. 75 plus de 200 hommes appartenant au 142ème d'artillerie, au corps de transport et aux troupes coloniales.<br /> Pendant ce sauvetage, une bombe tomba près du A 5, blessant le second maître Hermie qui perdit le bras droit, ainsi que cinq Français, tandis qu'elle tuait deux autres Français.<br /> Les A 5 et Z. 25 allèrent débarquer leurs passagers à Ramsgate puis rejoignirent Dartmouth par ordre. Le H.75 déposa ses rescapés à Douvres et fut renvoyé par la Diligente pout repêcher des naufragés, puis il gagna Cherbourg.</p><br /> <br /> <p style="text-align:center"><img src="https://www.freebelgians.be/upload/onimprovise_freebelgians_juillet_2021.jpg" alt="" class="valign_" /></p><br /> <p style="text-align:center">Un canon de 4.7 à bord d’un des navires de la ‘’Marine Belge’’ (Photo via ‘’Le Soir’’)</p><br /> <br /> <p style="text-align:justify">Le H.75 fut cité à l'ordre du jour des armées françaises et reçut les félicitations de l'amiral. Voici le texte de la citation : ‘’A été un des derniers bâtiments à prendre des rescapés à Dunkerque, a embarqué sous le feu de l'ennemi dans la nuit du 2 au 3 juin, 240 officiers et soldats français.’’<br /> Le même honneur aurait dû, être réservé aux A 5 et Z. 25 qui avaient partagé ces dangers.<br /> Nous ne savons pas quel fut le sort des chalutiers volontaires partis de Dartmouth après tant de tergiversations.<br /> Grâce aux incessantes démarches de l’ambassade belge, au bout de quelques jours, ce qui restait en Angleterre du Corps de Marine put enfin se rendre en France, abandonnant le John P. Best et le Valentin Letzer à la disposition de l'ambassade de Belgique à Londres.<br /> A Lorient, les unités navigantes sous les ordres du major Decarpentrie furent rattachées au 5ème groupe de la marine de guerre française, les Z. 8 et Z.25, transformés en dragueurs, effectuèrent des besognes périlleuses jusqu'à ce que ce port trop directement menacé et déjà en flammes, dut être évacué ; nos navires partirent alors pour Le Verdon. En route, le A 5 prit à la remorque le bâtiment français la Cherbourgeoise. Signalons que l'amirauté désira conserver les deux remorqueurs Graaf Visart et Baron de Maere ainsi que les vedettes rapides R I et R II qui furent, paraît-il, incendiées.<br /> La flottille fut rejointe au Verdon par le commandant Van Strydonck, à bord du bateau-pilote P.13.<br /> Ces deux chalutiers, qui avaient quitté Ostende le 23, furent prévenus par signaux en passant au large de Calais, qu'il fallait se rendre dans ce port. Le commandant Van Strydonck avait été pris sous le feu des tanks allemands à l'entrée de Boulogne et avait dû rebrousser chemin ; peu après, sa voiture fut détruite par une bombe, ce qui l'obligea à se replier sur Calais, où il put s'embarquer finalement sur ses chalutiers et continuer sur Boulogne ; mais là, la rade étant en flammes et sous le canon, il prit la résolution d'aller à Fécamp. Il y apprit que sa mission était terminée et qu'il fallait continuer vers Cherbourg, où il retrouva le A 6.<br /> Appelé à Poitiers près du général Denis, ministre de la Défense nationale belge, le commandant fut chargé d'aller recevoir des recrues aux Sables d'Olonne et de se mettre à la disposition de l'amirauté. Dès le 5 juin, on joignit aux O.140 et O.348, le A6, le P 13 et le tender T 1, ces deux derniers de notre administration de la Marine ; le T 1 reçut l'équipage du vaillant H.75 que l'amirauté réquisitionna également pour le dragage des mines. Ensuite, le commandant reçut la direction du Corps de marine en France : on ignorait l'arrivée du major Decarpentrie et de sa flottille, ce qui prouve le désarroi du moment. Ainsi fut constituée, à Rochefort, le 13 juin, l'escadrille belge du front ouest.<br /> Le 15, les O.140 et O.348 durent se rendre au Verdon pour des missions d'arraisonnement, de reconnaissance avec la marine française, et de dragage ; le P 13 partit pour La Rochelle, le A 6 et le T 1 pour La Pallice.<br /> Au Verdon, les O.140 et O.348, aux ordres du commandant du front de mer, reçurent l'ordre de se rendre à Bordeaux, où, équipés pour le dragage des mines magnétiques, ils entrèrent aussitôt en fonctions et prêtèrent secours aux s/s français Mexique et Mercedette, qui sautèrent néanmoins.<br /> Le T 1, sans cesse poursuivi par les Stukas, gagna péniblement Le Verdon; il avait rempli diverses missions; à La Pallice, le 17 juin, notamment, il avait été chargé de, remorquer une vieille péniche chargée de fer et de la promener autour du paquebot Champlain portant du matériel de guerre, afin de détourner les mines magnétiques. Rien n'y fit, le vapeur heurta trois mines et sombra, mais le T 1, le A 6 et le commandant Van Strydonck sauvèrent, l'équipage.<br /> Le 18, ces deux bateaux allèrent enquêter en rade des Basques et des Trousses au sujet des mines lancées par avions, puis on leur fit transporter à bord du Golo, en rade d'Aix, des troupes françaises. Le 20 enfin, nos bâtiments purent rejoindre le Corps au Verdon.<br /> Voilà donc ce dernier reconstitué sous les ordres de son chef, il ne restait plus, toutefois, que les unités suivantes: A 4, A 5, A 6, O. 140, O.317, O.348, Z.8, Z.25, P 13, P 16, P 17 et T 1 ; l'on manquait de vivres à ces bords, impossible de s'en procurer suffisamment sur place.<br /> L'invasion se poursuivant avec rapidité, ordre fut donné de partir pour le sud; le T l fut attaqué par l'aviation en sortant de la Gironde ; son commandant, le second maître Rascar, fut blessé à la main par un éclat de bombe d'avion. La mer était mauvaise, la tempête obligea la flottille (sauf le P 13) à se réfugier à Saint-Jean-de-Luz, le 25. Dans la matinée, on apprit que l'armistice avait été signé entre Français et Allemands; pour ne pas être faits prisonniers, les officiers résolurent de gagner l'Espagne, nonobstant l'épuisement du personnel, le manque de vivres, d'eau potable et les avaries des machines, qui n'avaient pu être révisées depuis le 23 mai ; les cartes de navigation faisaient défaut, les compas se déréglèrent par suite de remagnétisation.<br /> Tous les bâtiments ne purent être sauvés à cause de l'état de la mer : le Z.25 dut être abandonné car son pont étant ouvert, il ne pouvait affronter une mer démontée et, de plus, le lourd moteur dont il était muni n'était pas boulonné ; à peine sorti du port, le A 6, dont la machine était, trop endommagée ou sabotée, dut être évacué et laissé en panne, la partie saine de son équipage passa sur le O.348 ; le O.317 dut, de même, être laissé sur place, car sous l'influence probable de certains sous-officiers, l'équipage excipant de l'armistice, refusa de continuer sous prétexte qu'il avait le droit de rentrer en Belgique.<br /> Le P 13, portant le commandant Van Strydonck et deux officiers outre son équipage, était parti pour Arcachon le 20 juin, pour y chercher du ravitaillement ; lorsqu'il voulut repartir, le 23, la passe était bloquée et le bâtiment lui-même avait subi des avaries, il ne restait qu'à attendre la capture après avoir accompli tout ce qu'il importe de faire en semblables circonstances.<br /> Pendant ce temps, la flottille épuisée, voguait vers Portugalette où elle atterrit le 26 et fut internée, sauf le P 16 qui parvint à Lisbonne, ayant à bord le lieutenant Gonze, du Corps de Marine ; l'état-major était celui de l'administration de la Marine, les 45 marins militaires avaient débarqué en France.<br /> Les équipages retenus en Espagne d'abord au camp de Miranda puis à la caserne d'Orduna tandis que les officiers avaient Bilbao comme prison (le sous-officier Verbrugh décéda à Orduna) furent rapatriés le 23 février 1941. L'équipage du P 13 put déjà rejoindre la Belgique le 4 juillet 1940, sauf son commandant qui ne rentra avec son second que le 21 août ; il rapportait le pavillon de son navire qu'il avait soigneusement soustrait aux recherches de l'adversaire.<br /> Les lieutenants Massart et Van Vaerenberg ainsi que le sous-officier Doutrepont reçurent l'ordre de rester en Espagne pour l'entretien et la conservation du matériel.<br /> Le P 13 fut amené à La Pallice par un équipage français sous les ordres d'un officier allemand, et sérieusement armé : les marins belges avaient énergiquement refusé d'accomplir semblable mission.<br /> Les O.317 et Z.25 restés à Bayonne purent être conservés comme bâtiments civils, le A 6 fut considéré comme prise de guerre.<br /> Et ceci clôt l'histoire de vaillants marins belges et de leurs petits bateaux. Malgré le découragement que seul, de 1830 à 1940 – pendant cent dix ans – on leur prodigua en récompense de tant de dévouement, les uns et les autres accomplirent toujours leur devoir, improvisant pour suppléer au manque du plus strict nécessaire, peinant sans compter, souriant au sacrifice ; c'est toujours avec des ‘’coquilles de noix’’ qu'ils surent faire honneur, et combien, au pavillon, à nos couleurs si chères, en maintenant intactes les magnifiques traditions des vrais loups de mer.<br /> <br /> Sources : Musée du Souvenir :<br /> <a href="https://www.maisondusouvenir.be/corps_de_marine_en_1939_1940.php">https://www.maisondusouvenir.be/corps_de_marine_en_1939_1940.php</a><br /> Livre ‘’Jours de guerre’’ numéro 2, édité par le ‘’Crédit Communal de Belgique’’ (1990)<br /> </p> Wed, 30 Jun 2021 19:51:31 +0200 Fort d’Aubin-Neufchâteau 10-21 mai 1940 https://www.freebelgians.be/articles/articles-1-204+fort-d-aubin-neufch-teau-10-21-mai-1940.php https://www.freebelgians.be/articles/articles-1-204+fort-d-aubin-neufch-teau-10-21-mai-1940.php <p style="text-align:center"><img src="https://www.freebelgians.be/upload/plan_aubin_neufchateaunfreebelgianstest1.jpg" alt="" class="valign_" /></p><br /> <br /> <p style="text-align:justify">Ce charmant petit village, formé d'une série de hameaux aux noms délicieux : Les Weides, Affnay, Wodémont, Wichampré, Mauhin, Aubin et Neufchâteau, était tout à fait ignoré du reste de la Belgique, jusqu'au jour terrible de la guerre où la grosse voix de ses canons attira l'attention du pays et où la résistance magnifique de la garnison qui s'y battait força l'admiration des ennemis eux-mêmes.<br /> C'est en 1936 que le fort d'Aubin-Neufchâteau fut construit, et les travaux étaient à peine terminés le 10 mai 1940.<br /> <br /> Le fort de Neufchâteau fait partie d'une puissante organisation défensive qui couvrait la position de Liège. Une ligne principale partant d'Eben-Emael, Neufchâteau, Battice, Pepinster, Remouchamps, Comblain-au-Pont (ces deux derniers forts ne furent jamais construits). Entre des forts de la rive droite de la Meuse, des casemates devaient être construites qui abriteraient de la grosse artillerie, mais les événements ne permirent pas leur établissement.<br /> Le rôle du fort de Neufchâteau était donc d'interdire l'infiltration dans les intervalles des gros ouvrages : Battice et Eben-Emael, de défendre aussi la « ligne d'invasion » traditionnelle allant d'Aix-la-Chapelle à Visé par Gemmenich et Aubel.<br /> Seuls les enfants se figurent encore un fort comme on en reçoit à Saint-Nicolas, sur le modèle du château des Comtes, à Gand, ou celui de Bouillon. Un fort moderne est une véritable caserne souterraine. Celui d'Aubin était enfoui à trente mètres de profondeur.<br /> Le ‘’cerveau’’ du fort est le ‘’ bureau de tir’’ ou le P. C. (Poste de Commandement) qui, par un réseau téléphonique des plus fournis, met le Commandant de la position en relation constante et rapide avec tous les éléments du fort.</p><br /> <br /> <p style="text-align:center"><img src="https://www.freebelgians.be/upload/oscar_d_ardennefreebelgians.jpg" alt="" class="valign_" /></p><br /> <p style="text-align:center">Oscar D’Ardenne commandant du Fort d’Aubin-Neufchâteau</p><br /> <br /> <p style="text-align:justify">Une ‘’centrale électrique’’ puissante, construite dans le fort même par l'officier électricien, le lieutenant Radoux, assure l'énergie nécessaire pour tous les besoins de la garnison : ventilation, éclairage, coupoles et ascenseurs, cuisine électrique.<br /> Deux ‘’organes’’ sont importants pour la position fortifiée : les poumons et les yeux.<br /> Les poumons sont les deux ‘’prises d'air’’ qui portent les noms de bloc 0 et bloc P. De puissants ventilateurs pompent l'air extérieur et le chassent dans les ‘’gaines d'air’’ circulant dans tout l'ouvrage et assurant ainsi un air vif et frais. Le danger des attaques par gaz pouvant être spécialement grave pour une forteresse, la prise d'air est munie d'une ‘’cheminée’’ en acier spécial, très résistant, et qui peut s'élever au-dessus des vagues toxiques. En fait, elles servirent surtout d'excellent ‘’poste d'observation’’.<br /> Les ‘’yeux’’ du fort sont les P. O., ou postes d'observation. Sous de petites cloches blindées, un guetteur et un téléphoniste veillent, et, par un périscope ou à la jumelle, fouillent l'horizon et communiquent avec le P.C., les observations faites. C'est de là que les mouvements de l'ennemi sont surveillés ; c'est de là aussi que se règlent les tirs de l'artillerie.<br /> Comme arme de guerre, le fort est muni de coupoles, de coffres de flanquement et de bloc mortier. Ces noms sont nouveaux pour les profanes, et le soldat de forteresse les emploie facilement sans se faire comprendre de son interlocuteur.<br /> Le ‘’massif’’ ou le fort proprement dit. Deux coupoles, armées chacune de deux canons jumelés de 7,5 et flanquées, de droite et de gauche, d'une cloche d'observation. Le B III est l'entrée, ou techniquement ‘’la poterne d'entrée’’, d'un blindage d'acier et de béton. Au centre, le bloc M. ou le bloc mortier. Alors que les coupoles se soulèvent et pivotent vers la direction du tir avant de lâcher leur bordée, le bloc mortier est dissimulé et expédie discrètement ses petites bombes à ailettes si efficaces pour la défense rapprochée.<br /> Le fort est entouré de fossés protégés par un mur vertical de plus de 4 mètres, empêchant toute attaque par blindés. Les fossés sont à sec.<br /> Dans les angles se trouvent des ‘’coffres de flanquement’’ ; de là, un canon de 4,7, des mitrailleuses et fusils-mitrailleurs et tubes lance-grenades assurent un bon accueil à qui voudrait s'aventurer dans les fossés.<br /> Enfin, pour terminer, la rampe d'accès est une route encaissée menant vers les fossés et défendue par le coffre C III et par les mitrailleuses de la poterne ; un goulot protégé de deux fortes grilles en ferme l'accès.<br /> <br /> <strong>9 mai 1940.</strong><br /> L'alerte réelle est donnée vers 1 h. 30 et confirmée par T. S. F. à 2 h. 20.<br /> Les hommes sont à leur poste dans les locaux de détente de chaque organe de tir. Les Mi. C. A. sont en place sous le commandement du lieutenant Everard de Harzir.<br /> A 4 h. 10, les premiers avions survolent le fort. L'aube se lève, claire, sans brouillard ; à peine une légère brume couvre-t-elle la vallée de la Meuse du côté d'Eben -Emael.<br /> <br /> Les postes de guet ont fort à faire. De minute en minute, ils nous transmettent leurs observations.<br /> A 4 h. 40 : 33 avions survolent Eben-Emael ; à 4 h. 44 : 38 sur la ligne frontière hollandaise, et le flot continue... A 4 h. 46 : 60 appareils vers Van Roost et 36 vers Maëstricht. Le spectacle est émouvant et imposant ; un vrai défilé de revue... Le ciel est rempli de ces oiseaux de mort et l'atmosphère bourdonne.<br /> A 4 h. 52, c'est de Fouron que les escadrilles surgissent, volant de 7.000 à 9.500 mètres, points blancs qui brillent dans l'aube. Tout à coup, 16 gros bombardiers volant bas viennent vers le fort. L'attaque va-t-elle commencer par un bombardement ? Non... ils passent, mais bientôt un éclatement terrible et une gerbe de feu surgit sur le massif d'Eben-Emael.<br /> A 5 h. 12, un avion passe à dix mètres du P. O. de Fouron, et à 5 h. 13, c'est Mauhin qui signale 30 avions au-dessus de son abri.<br /> Eben reçoit la visite des parachutistes : à 5 h. 25, Aubin les voit descendre<br /> Le moral des hommes n'est atteint en rien. Bien au contraire, quel calme devant la ruée !<br /> Au coin des baraquements, on regarde, par groupe, pendant que les « bleus », les braves petits gars de la classe 40, se démènent. Cloos, s'affaire, il a l'œil à tout, sur la cave à vider, les meubles à faire sortir, les papiers à brûler, les avions à regarder aussi !... Le vaillant adjudant fait son travail avec méthode, comme s'il assistait à une réception de marchandises venant d'un dépôt-annexe.<br /> Pendant ce temps, la D. C. A. hollandaise tire sans arrêt. Un nuage de poussière couvre le fort d'Eben-Emael ; on voit très distinctement les points blancs des parachutes. Les forts de Pontisse et de Barchon tirent de toutes leurs pièces sur le massif d'Eben et leur tir est efficace : ils nettoient les coupoles du flot des assaillants.<br /> Il est 6 h. 07. Un coup éclate, Neufchâteau a ouvert le feu !<br /> Ces coupoles sombres et muettes qui, depuis des mois, sont occupées et toujours immobiles... les P. O. équipés et qui n'ont encore servi qu'à admirer le paysage, tout cela va se mettre en branle. Tir d'interdiction et entretien des destructions.<br /> Le commandant d'Ardenne est au bureau de tir ; il ne le quittera plus avant le lendemain à l'aube, sans perdre un instant son petit air gavroche qui a fait tant de bien au moral des hommes pendant le siège. Il a l'air satisfait, tous les rouages fonctionnent à merveille... le fort, ‘’son’’ fort est au point. Neufchâteau entre dans l'Histoire.<br /> A l'extérieur, les mitrailleuses anti-avions sont à leur poste, et le lieutenant Everard de Harzir, officier des services extérieurs, s'extériorise effectivement. Ses longues jambes le transportent partout avec une vitesse qui semble lui conférer le don d'ubiquité. On le voit aux Mi C. A. et, tout à coup, le voilà au Bloc P. Comment y est-il arrivé ? C'est un mystère... mais on l'a à peine retrouvé, qu'il apparaît près des baraquements. C'est presque un feu follet... de dimension, évidemment.<br /> Rosalie Maison près de l’entrée du Fort, notre voisine, était pour les soldats, des plus accueillantes. Elle gardait les vélos qui permettaient de vite regagner la ferme familiale aux heures de liberté, elle logeait les ouvriers des travaux d'aménagement, elle cachait aussi l'entrée du fort et... justement, parce qu'elle cachait l'entrée, il faut la faire partir. Le sergent Dewolf, encore un brave celui-là, avec son équipe de Génie, se charge de déplacer notre encombrante voisine... 150 kilos de poudre... ce sera beau !<br /> Les braves habitants d'Aubin sont sur le seuil de leurs portes ; ils n'ont guère l'impression de se trouver en guerre.<br /> <br /> Le D.L.O. (Détachement de Liaison et d’Observation) de Merkhof, communique que les Unités Cyclistes Frontières se replient. Les guetteurs du poste de Hombourg restent en poste avancé. <br /> Ces braves, qui auraient pu se retirer, ont choisi volontairement la mission la plus difficile. Ils savent qu'ils seront bientôt les seuls soldats belges sur une distance de plus de dix kilomètres. Ils quittent le village et s'installent au tournant de la route, derrière une haie qui leur permet d'observer la place de Hombourg.<br /> Bientôt, ils signalent l'arrivée des Allemands. Les troupes s'arrêtent et vont bivouaquer sur la place... Ils s'installent, en effet... A ce moment, le commandant d'Ardenne déclenche une salve de cent coups, qui offre à ces indésirables la réception qui leur convient. Quelques instants plus tard, le major des U. Cy. Fr. confirme le bon ajustage du tir, tout a fait but...<br /> Les observateurs se replient à Remersdael et dirigent, par leurs observations, de nombreux tirs de retardement qui battent ainsi les passages obliges, et contrarient l'avance de l'ennemi.<br /> Un moment, ils voient s'avancer vers eux deux cavaliers allemands ; l'un est abattu, l'autre blessé. Quelques instants plus tard, c'est un motocycliste qui voit sa mission terminée par le fusil-mitrailleur des guetteurs. Il est neuf heures, quand les troupes d'avant-garde atteignent enfin Aubel.<br /> Cependant, il semble que la majeure partie des envahisseurs soient sur les routes parallèles à la frontière hollandaise et à la rivière la Woer, qui baigne les villages de Fouron-Saint-Pierre et Fouron-Saint-Martin. Aux endroits repérés d'avance en temps de paix, des tirs d'interdiction s'abattent à la demande des observateurs qui ont été places de tous côtés, et qui sont reliés au fort par vingt kilomètres de câble de campagne.<br /> La D. C. A. hollandaise tire toujours beaucoup. Les avions allemands volent à très basse altitude, et le poste de Fouron est bientôt attaqué par une compagnie allemande. Le brigadier Lescrenier est abattu de six balles de mitraillette à la tête, tandis que le chef de poste, le maréchal-des-logis Gosset, parvient à replier son groupe vers l'armée de campagne.<br /> Des éléments allemands étant signalés par le poste de La Heydt, vingt-cinq coups s'abattent sur eux, et on les voit se replier derrière la crête qui nous sépare de la Hollande. Mais les guetteurs de La Heydt sont repérés et doivent employer mille ruses pour se replier vers le fort, tout en continuant les observations.<br /> A ce moment, le Ct. A./C. A. (Commandement de l’Artillerie du Corps d’Armée) signale une forte batterie installée près de Withoek, en Hollande, et qui pilonne Eben-Emael. Le tir étant observé, une salve de cent coups s'abat sur ce gênant et le réduit au silence. Le Ct. A./C. A. téléphone lui-même sa satisfaction aux pointeurs.<br /> L'infiltration continue et, vers 10 heures, le fort est virtuellement encerclé.<br /> Les postes mobiles de guet ont dû se replier. Il reste les postes d'observation des quelques points stratégiques, mais il importe de jeter un coup de sonde pour connaître les diverses positions.<br /> Deux patrouilles de volontaires partent et rapportent des renseignements précieux. Pour prouver leur ‘’contact’’ avec l'ennemi, ils poussent le luxe jusqu'à rapporter des ‘’pièces à conviction’’ : fusil, pistolet automatique, jumelles. Une des patrouilles signale l'occupation d'Aubel. Les Allemands sont à la gare, à la poste et sur la place. L'ordre de tirer sur Aubel est donné. Cinq cents coups arroseront le village. On ne sait ce qu'il faut admirer le plus, le sang-froid du commandant et de ses officiers réglant le tir avec le plus de précision possible pour épargner la population qui n'a pas été évacuée, ou de braves artilleurs qui, presque tous, sont de la région et qui tirent peut-être sur leur propre maison. C'est une heure tragique pour la garnison ! Les observateurs signalent que le tir a été efficace et qu'aucun civil n'a été atteint.<br /> Vers 12 heures, le poste de Mauhin ne répond plus. Voilà un secteur important neutralisé ; des coups dangereux viendront de là.<br /> A 14 heures, les patrouilles repartent, mais peut-être trop enhardies par le succès de la randonnée du matin, elles se sont aventurées trop loin. Le fort est encerclé définitivement avant qu'elles puissent rentrer.<br /> A 19 heures, les M. C. A. rentrent, et les barrages sont mis aux postes d'entrée. A la fin de cette première journée, le colonel Modard félicite le commandant pour les tirs accomplis ; le début dans la campagne est remarquable, paraît-il.<br /> La journée s'achève et les derniers dispositifs pour soutenir le siège sont pris.<br /> Lentement la brume envahit le pays, la nuit s'étend et les sentinelles, le doigt sur la gâchette, sont aux postes de guet des coupoles et des cloches d'observation. Les obus allemands atteignent de temps à autre des ouvrages sans y faire beaucoup de dégâts. Ce sont des 8,8 de rupture, tirés par les FLAK de la D. T. C. A. allemande.<br /> Plusieurs sont repérés et réduits au silence ; des explosions sont observées et le tir est si précis que les habitants, restés terrés dans leurs caves, sont menacés par la soldatesque qui les accuse d'espionnage pour le Fort d’Aubin.<br /> Vers 9 heures, des ombres glissent, approchent des barbelés qui sont écartés ; la sentinelle fait les sommations... silence... deux silhouettes se dressent et tentent d'escalader la clôture... une salve, les corps s'écroulent... Hélas ! les deux victimes sont les patrouilleurs qui essayaient de rentrer au fort sans s'être fait reconnaître.<br /> Louys est tué net, une balle au poumon ; Van Ingelgom est blessé à l'épaule... un troisième patrouilleur parvient à se faire identifier et on organise immédiatement les secours. Les barrages sont enlevés, les barbelés déplacés. Le docteur Maréchal est le premier au poste et se glisse jusqu'aux victimes. Van Ingelgom est rentré ; Louys est tombé de l'autre côté des barbelés, il est mort ... il sera impossible de le ramener tout de suite, les rafales de mitrailleuses crépitant dans notre direction... il faut se replier en vitesse.<br /> Le lieutenant Maréchal parvient cependant à se glisser près du corps de notre ami et s'assure qu'il ne respire plus et qu'il est impossible de le dégager. Van Ingelgom est descendu à l'infirmerie.<br /> L'installation sanitaire du fort d'Aubin est tout à fait au point. Salle de visite et dispensaire, salle d'hospitalisation et salle d'isolement, salle d'opération avec les appareils de stérilisation les plus modernes et un matériel en parfait état.<br /> Le service médical est assuré par le lieutenant-médecin Georges Maréchal, qui est vraiment l'homme qu'il faut dans un fort : courageux sans forfanterie, audacieux sans imprudence, conservant un calme serein, même devant les situations les plus tragiques.<br /> Il sait que sa vie est précieuse, car il est indispensable à la garnison ; aussi ne s'exposera-t-il jamais inutilement. Mais lorsqu'un homme est en danger, rien ne peut entrer en ligne de compte, et son audace est superbe. Au point de vue médical, les deux médecins – car il y a aussi le brave Albert Delrez, qui est ‘’interne’’ au fort, rivalisent de compétence. C'est grâce à eux, à leur dévouement et leur abnégation, à leurs nombreuses nuits de veille au chevet des blessés, que les pertes seront des plus réduites. Travail tenace et peu spectaculaire que celui du service de santé, mais combien important ! Ceux qui racontent un siège oublient parfois, involontairement, ces dévouements, et c'est dommage.<br /> Il y a aussi les ‘’pilules’’, braves brancardiers. Il faut du cran pour aller dans une coupole battue par la mitraille rechercher un camarade blessé, il faut surtout beaucoup d'abnégation et de charité pour donner à tous les blessés le réconfort et les soins, être sur pied à toute heure et parfois au moment où un instant de repos est possible. Un coup de téléphone annonçait : un blessé au bloc 0 ; une équipe filait à la salle d'opération, une autre au secours de la victime.<br /> Cette première journée du siège est passée, tout est mis au point, sous le feu de l'ennemi. Il n'y a pas encore eu de gros bombardement ; il est vrai que tout cela est relatif !<br /> <br /> <strong>11 mai.</strong><br /> Les Allemands se lèvent tôt ! Il faut le croire, car à deux heures du matin la vigie signale du mouvement du côté de Saint-Jean-Sart, et à quatre heures, de tous côtés, les Allemands expédient des obus de tous calibres. Ces messieurs poussent la gentillesse jusqu'à déposer, à dix mètres d'une cloche, un 320 non éclaté : on ne peut être plus gentil que d'envoyer un échantillon sans valeur afin de montrer la ration qu'on destine au fort. On saura plus tard que cette fourniture est faite par un gros canon sur rails qui opère de l'autre côté de la frontière.<br /> Vers neuf heures du matin, le concert est complet. Sur certaines coupoles, on enregistre jusqu'à vingt et vingt-cinq coups à la minute. <br /> Le bloc est soumis à un bombardement intensif, les hommes qui reçoivent ainsi le baptême du feu ont été impressionnés par les premières décharges. Il y a de quoi, et on peut dire que celui qui n'a jamais eu peur dans sa vie, c'est celui qui n'a jamais été en danger...<br /> Tout doucement, cependant, l'impression de sécurité s'affermit, le toit est solide, ça tient ! Et les figures se détendent, et on s'habitue, et on siffle un air, d'abord pour se donner contenance et puis parce qu'on est à l'aise, et voilà qu'un accordéon sort... et pendant que les Boches accompagnent de leur pilonnage massif, et les gars de Neufchâteau chantent à tue-tête : ‘’ Bonsoir, Marie Clapsabots... ‘’<br /> Tout à coup, un fracas de tonnerre... un corps qui fait pouf... et dégringole les trois mètres d'échelle qui conduisent à la cloche... l'observateur arrive, blanc comme un linge... un obus a traversé la cloche, passé au-dessus de la tête de l'homme et pénétré dans le blindage... sans éclater.<br /> Le Lieutenant Luysen ne fait qu'un bond, le voilà déjà dans la cloche... il récupère un G. P. (pistolet à grande puissance), les jumelles, et... apporte la tête d'obus encore chaude. C'est un 8,8 de rupture en métal spécial... il montre l'engin aux hommes, quand un nouveau fracas se produit et la cloche vole en éclats... un nouvel obus est entré et cette fois a explosé... il n'y avait plus personne, heureusement. Mince de veinards !<br /> L'émotion est forte, mais comme le commandant le note dans son rapport, on a vite fait de se ressaisir et de reprendre confiance. Awouters, « le rescapé », est déjà en route ; avec poutres et sacs de ciment, il refait un abri qui lui donne autant confiance que les aciers les mieux trempés.<br /> <strong>L'assaut.</strong><br /> Le travail de réfection est à peine terminé que les mitrailleuses crépitent de partout. Les mortiers 81, avec leur petit aboiement caractéristique, lancent les bombes à ailettes ; les canons crachent les boîtes à balles, arrosant le terrain et envoyant des salves nourries aux batteries qui sont observées...<br /> Les Allemands arrivent en rangs serrés. Ils marchent le torse nu, la mitraillette au poing, les grenades aux bottes... Leur entrain est incroyable... effrayant, même, il en tombe, il en tombe... il en revient de plus en plus. Les observateurs signalent les effets terribles de notre tir; aussi chacun s'y met avec ardeur et double la ration. C'est un feu d'enfer. Dix fois l'ennemi tente d'approcher des fossés, il est chaque fois refoulé avec de telles pertes qu'il finit par renoncer à son projet.<br /> L'alerte a été chaude. Un moment donné, Neufchâteau est submergé, les armes ne suivent pas et les forts voisins conjuguent leurs efforts pour le dégager. Barchon met un bon coup et tire avec un entrain endiablé. De son côté, Battice y met un bon coup aussi : ses 120 tirent tellement juste et les officiers de tir, en liaison avec notre commandant, comprennent si bien nos indications qu'il n'y a pas de gaspillage de munitions : les coups font but à chaque salve.<br /> Après une si belle réception, la politesse est de reconduire ses hôtes. Nous en connaissons les règles les plus élémentaires, et les fusants et les mitrailleuses conduisent les assaillants jusqu'à leur point de départ.<br /> Il s'agit maintenant de reconnaître les dégâts et les réparer. Il y a quelques blessés légers. Ils sont déjà soignés. La fenêtre du BI est enlevée, la lunette du CII est démolie, la cloche Mi droite du BI et gauche du BII sont atteintes de coups d'embrasure. Cloos et Idon les réparent avec les moyens du bord.<br /> A ce moment, le pilonnage de 8,8 redouble. Un coup d'embrasure bloque une coupole, abîmant le tube d'un 75. On joue de déveine au BII : une explosion prématurée met à mal le tube d'un 75…<br /> Il n'y a pas de tube de rechange !... Pendant que, sous le feu, le lieutenant Radoux et Idon vont travailler au chalumeau, le bureau de tir fait lancer l'appel suivant à l'armée de campagne :<br /> ‘’Envoyez-nous par avion tube 75 de rechange’’<br /> La garnison du fort était loin de se douter de ce qui se passait en Belgique. La réponse est tout à fait ahurissante :<br /> ‘’Ignorons où se trouve fonderie de canons ... ‘’<br /> Et les jours se suivent, répétant une alternance de bombardement et d'accalmie. Le mardi 14, il est enfin possible d'aller rechercher le corps de Louys. Avec précaution, les barrages sont enlevés, les guetteurs de tous les postes alertés, une reconnaissance s'installe, le fusil-mitrailleur en arrêt, et le lieutenant Maréchal, accompagné de l'aumônier, flanqués de mitrailleurs, s'avancent sur la rampe d'accès du bloc P. Morelle, Dejardin et Nix écartent les barbelés et dégagent le corps dé notre malheureux Louys ; les deux brancardiers l'enlèvent et on le dépose dans une fosse qui a été creusée au pied du bloc P. Une tôle épaisse est placée qui protégera sa tombe.<br /> Sur le bord du fossé, le corps d'un Allemand est resté en équilibre, mais il faudra attendre le 16 pour trouver une accalmie qui permette une expédition tout autour des fossés.<br /> En effet, le 14 et le 15, les bombardements ennemis sont incessants ainsi que les tentatives d'approche, chaque fois repoussées par les mitrailleuses et les boîtes à balles. Et voilà que le 16, dès l'aube, le calme est complet, silence partout, on ne voit rien ni dans la vallée, ni dans les bois.<br /> Profitant de ce calme nouveau, une équipe composée de l'adjudant Cloos, des soldats Morel, Dejardin, Nix et un autre, munis d'une pioche, d'une pelle, d'une échelle et d'un câble de T. S., s'avance. Il s'agit d'aller avec précaution, car le corps est mal placé ; pour l'approcher il faut se découvrir et risquer une rafale ennemie.<br /> A peine le corps est-il descendu qu'une alerte est donnée, une aviette de reconnaissance survole les fossés... Chacun se plaque à terre derrière des mottes de terre ou contre le mur de contre-escarpe, l'avion passé on reprend le travail, mais bientôt il revient plus bas. Stop... on se camoufle. Aussitôt on reprend l'ouvrage et Helmut Meller (c'est le nom de l'Allemand) est enterré.<br /> Voilà que pour une troisième fois l'avion revient. On dit que les meilleures farces sont les plus courtes ! C'est l'avis de Cloos. Armé de son fusil-mitrailleur, il attend stoïquement, aussi calme qu'à l'exercice. L'avion est à cent mètres de hauteur... tac tac tac tac ... et les Allemands apprennent ce qu'il en coûte d'être indiscret... L'avion est touché... et tout le monde rentre précipitamment. C'est ce qu'il y avait de mieux à faire.<br /> Revenant au bureau de tir afin de remettre au commandant les papiers et les documents trouvés sur l'Allemand, le soldat est surpris par l'atmosphère d'héroïsme qui y règne. Sur le tableau de son PC, le commandant a tracé la devise des d'Ardenne : « Regi et Patriae Fidelis ! » Et il raconte ce qui s'est passé pendant que l'équipe était dans les fossés.<br /> Le colonel allemand Runge s'était présenté à la poterne du bloc P. et avait demandé à voir le commandant. Les yeux bandés, il est introduit par le lieutenant Maréchal, et le commandant le reçoit à la limite des barrages. Le messager allemand vient proposer une capitulation honorable de la position.<br /> La réponse du commandant est claire et spontanée. Les Allemands avaient amené des otages de la population civile qui n'avait pas été évacuée. Tout d'abord, il exige le renvoi des otages, puis nettement :<br /> – Comment osez-vous me parler de reddition ? Je suis officier, j'ai juré sur mon honneur de défendre cet ouvrage jusqu'à épuisement de mes moyens, il n'est pas question de me rendre.<br /> Cette attitude en impose à l'Oberst qui se cale en position, et saluant le commandant lui demande l'honneur de lui serrer la main.<br /> Un répit d'une heure est accordé à la garnison. Si, le délai passé, le drapeau blanc n'est pas hissé, le fort sera l'objet d'une attaque sans précédent. Le Haut Commandement allemand a décidé d'en finir.<br /> Une heure, c'est vite passé... Les ordres sont donnés, les organes de guet sont renforcés, les brèches colmatées, les pièces mises en ordre de marche, les munitions dans les soutes de sécurité afin de prévenir toute explosion si un projectile entrait dans l'organe de tir.<br /> Les hommes sont abrités et on attend... Les officiers qui ne sont pas de service au bureau de tir se partagent les divers postes afin d'être auprès des hommes... Encore dix minutes ... Que vont-ils nous envoyer comme dégelée ? On connaît leur goût du kolossal, dans quatre minutes cela va barder...<br /> Ça y est, l'heure est passée. Silence… Il est exactement 13 h. 30, on attend… Il est 14 heures... toujours rien, un silence de mort plane sur toute la campagne, les périscopes fouillent en vain dans tous les sens. Tout est calme, le soleil radieux illumine les vallées de la Berwine et de la Bel... Rien ne bouge... Il est trois heures, les hommes ont les nerfs en boule... Un loustic se demande si les Boches n'ont pas levé le siège... Qui sait ?<br /> Ce qu'il en coûte de mentir !<br /> Il est à peu près quatre heures... Drinn drinn... le téléphone... C'est Battice qui nous dit :<br /> ‘’Une colonne venant d'Aix-la-Chapelle semble se diriger vers Aubin, elle vient de quitter Aubel...’’<br /> Ce sera un dérivatif heureux pour nos artilleurs excédés par la tension nerveuse à laquelle on les soumet. Tous les postes téléphoniques en simultané, le commandant ordonne :<br /> – Dès que la colonne sera en vue, laissez-la avancer, et au moment où la tête aura atteint les 3 Cheminées – c'est le lieu du croisement de route – feu de toutes les pièces et tir à vue à volonté.<br /> Lui-même grimpe dans une coupole, agile comme un gamin.<br /> La réception est grandiose... instantanément une pétarade fortissimo renverse les véhicules qui prennent feu, les mitrailleuses y enferment les occupants qui tentent la fuite... Quel nettoyage !... Camions et voitures ne forment plus qu'un amas informe de ferrailles... Nous saurons plus tard que vingt-quatre officiers de l'Oberfeldgendarmerie ont été tués. A Aix, le bruit courait que tous les forts de Liège étaient pris, que la route était libre... Le silence qui nous agaçait tant avait trompé les oberfeldgendarmes...<br /> Les heures passent et le même silence entoure la position fortifiée d'Aubin-Neufchâteau ; cela devient étrange, même inquiétant... Au bureau de tir comme dans les organes, on reste sur un ‘’qui vive’’ enrageant... Le lieutenant Renglet, calme et réaliste, déclare :<br /> – On ne perd rien pour attendre.<br /> Il a peut-être raison.<br /> La brume s'étend, le soir tombe lentement, lorsque tout à coup, à vingt heures exactement, tout l'horizon s'enflamme... le sol tremble, les coups pleuvent à une cadence infernale : c'est l'orchestre complet, depuis la basse des grosses pièces jusqu'aux glapissements stridents des 8,8 et des 3,7. En veux-tu ? En voilà ! Et ça vient de partout, de Hollande et d'Allemagne, de la vallée de la Woer comme de celle de la Berwinne, le fond du Val-Dieu et les hauteurs de Mauhin et de Wodémont sont embrasés.<br /> Que faire quand on attrape une douche, sinon faire le gros dos et attendre que cela passe ? C'est ce que fait la garnison du Fort. Les coupoles sont solides, les cloches tiendront ce qui sera possible, le béton est d'excellente qualité... Un fait certain, c'est que tant qu'ils tireront, ils ne viendront pas. Donc, tous dans les locaux de détente, et à la première accalmie, à vos pièces et... à la réparation.<br /> Nous sommes le 16, à vingt heures. L'averse dure jusqu'au 18 à l'aube ! On n'accusera pas les Boches d'être avares… Il faut croire que ce petit fort les emb… terriblement ! Après la reddition, le major allemand d'artillerie, dira qu'il a expédié mille tonnes de projectiles pendant ces trente-six heures. Merci du peu !<br /> Puisque il y a du loisir, le bombardement ne permet autre chose que d'attendre qu'il soit fini, il n'est pas question de lever les coupoles sous cette drache de fer... Allons faire un tour aux postes d'observation extérieurs.<br /> Comme on le sait, les forts souterrains ont des ‘’yeux’’ très loin dans les campagnes, à chaque crête de visibilité, les vallées sont surveillées et les trafics de l'ennemi signalés et interceptés. Les tirs sont précis et efficaces, car tous les passages importants sont repérés depuis de longs mois. C'est ainsi que sur les indications d'un poste d'observation, des véhicules allemands ont pu être suivis et détruits en pleine fuite sur une grand' route.<br /> Les P. O. n'ont pas eu tous la même vie. Certains étaient à découvert et ont dû se replier devant l'avance allemande. Ils le firent avec une telle habileté parfois qu'ils mériteraient d'être cités en exemple. Celui de La Heydt par exemple. L'équipe Awouters, Vielvoye, Tossen, Mannens, qui, grimpés sur les arbres sous lesquels les ‘’Grenzwacht’’ passaient, continuaient à être en communication avec le fort, quand le gros des Allemands arriva, ils parvinrent à décrocher et, avec des ruses de braconniers, à se faufiler entre les postes avancés et rentrer au fort.<br /> C'est un autre, que nous appelions N. V. 2, qui, attaqué par l'infanterie allemande, est dégagé par nos 75 et résiste plusieurs jours. Au moment de se rendre, il hisse le drapeau blanc. Les Allemands approchent... Un des leurs bute sur un pieu de barbelé, tombe sur une mine et le voilà parti en l'air avec son camarade... On ne les a jamais vus descendre. Le poste, qui s'était rendu, est resté plusieurs jours avant que les Allemands osent encore s'approcher !<br /> N. V. 5 a tenu dix jours ! C'est là qu'est mort le brigadier Jacques Demain.<br /> Un bon gosse, vrai fils de son père, le commandant Demain, de Huy, et victime de la guerre 14-18. Jacques est un soldat dans toute l'acception du terme, il aime le ‘’service‘’, aussi il n'est pas étonnant de le voir se présenter comme volontaire dès la première patrouille. Il accomplit sa mission avec une témérité et une prudence rares. Les termes semblent se contredire, mais c'est la caractéristique de Demain : une ‘’fougueuse prudence’’... Il va à Aubel, revient chargé de renseignements précieux ; il repart à Fouron, à Berneau, à Warsage, prend note des emplacements et calibres des pièces allemandes et rentre au poste N. V. 5 à la tombée de la nuit. Il est impossible d'atteindre le fort qui est investi de toutes parts. Demain a été légèrement blessé, il est plein d'appréhension, puis repart en reconnaissance. Il est suivi par un Allemand. Au moment où celui-ci épaule, Jacques fait de même... les deux coups partent et tous deux s'écroulent frappés à la tête.<br /> Parfois c'est le drame. A. M. V. 11, le maréchal-des-logis Bartholomé est au poste de guet avec son compagnon. Tout à coup, les Allemands attaquent et le soldat Nyssen tombe, tué net d'une balle à la tête. Les coups pleuvent et Bartholomé est enfermé dans sa coupole sans pouvoir avoir de secours ni se retirer. Nyssen, en tombant, a calé la plaque de sortie... Un tir de protection est déclenché par le fort qui le dégage. L'alerte a été chaude !<br /> La journée du 16 a été rude, avec la demande de reddition et la magnifique réponse du commandant d'Ardenne. Ce jour-là, la Belgique entière communiait à notre émotion et les milliers de réfugiés, sous les abris de France, furent réconfortés par le message du Roi Léopold III aux forts de Liège.<br /> C'est en effet le 16 que l'I.N.R.( Institut national de radiodiffusion) diffusait :<br /> « Allo, allo !... forts de Liège... allo, allo !... forts de Liège m'entendez-vous ? J'appelle les forts de Liège, j'appelle les forts de Liège, j'appelle les forts de Liège. Colonel Modard, commandants des forts, officiers, sous-officiers et soldats de la position fortifiée de Liège, qui résistez jusqu'au bout pour la Patrie, Je suis fier de vous ! »<br /> Ces heures-là ne s'oublient pas !<br /> Le soir, le commandant annonce que le fort d'Aubin-Neufchâteau est cité à l'Ordre du Jour de l'Année et de la Nation. Il l'a bien mérité.<br /> <br /> <strong>‘’L'Colletbeû’’ !</strong><br /> <br /> Sur la grand' route se trouve une plaque en fonte sur laquelle il est écrit ‘’M. D. N. – Défense de toucher.’’ Il suffisait d'enfreindre cette défense pour trouver le réseau des téléphones des forts de Liège. Aussi, dès le 1l mai, on entendait des grattements sur les lignes et les communications étaient chicanées.<br /> Mais l'initiative privée a du bon ! Une ligne, non prévue sur les plans, avait été établie entre les guetteurs de Saint-Jean-Sart (du fort de Neufchâteau) et ceux de la Croix de Charneux (qui dépendaient de Battice). Par cette ligne, il y avait moyen de rester en liaison avec le Fort de Battice. Les Allemands entendaient les conversations mais ne pouvaient empêcher qui que ce soit de parler.<br /> Le brave maréchal-des-logis Dechêne, qui dans les situations les plus difficiles a toujours conservé un excellent moral, inventa de faire désormais les communications en patois de Verviers.<br /> Il fallait se choisir un ‘’indicatif’’. Un cryptogramme fut lancé à Battice qui désormais, puisqu'il est un centre colombophile important, s'appellera « L'Coletbeû » ! tandis que le commandant d'Ardenne choisit le nom de « vi maïeté »… et ainsi va !<br /> Quelle ne fut pas la surprise des officiers du fort, lors de la reddition, de se voir interroger par l'Etat-major allemand :<br /> – Colletbeû, où ça est ?... Nous afons beaucoup entendu à téléphone : « Ici, Colletbeû », mais nous pas trouffer sur la carte...<br /> Le 18 à l'aube, le bombardement ralentit. On sait ce que cela veut dire et chacun se prépare à recevoir dignement ceux qui vont s'approcher. Les cloches d'observation ont bien tenu et les fusils-mitrailleurs sont en place ; les artilleurs sont à leurs pièces et l'assaut qui s'est déclenché n'a aucun succès ! C'est en vain que les Allemands montent et remontent vers la position, les boîtes à balles pleuvent, les mitrailleuses crépitent et le feu d'enfer, de Neufchâteau cette fois, oblige l'assaillant à rentrer dans les bois qui entourent le fort.<br /> L'après-midi de ce 18 mai, le Fort est gratifié d'un violent bombardement suivi d'un nouvel assaut qui est repoussé comme celui du matin, mais cette fois, il y a des victimes : Bosman est blessé par les éclats d'un coup d'embrasure à la coupole B II ; Wattaer, le maréchal-des-logis, Louis et Pinkers sont blessés, rien de grave heureusement.<br /> Du bloc 0, on assiste à un violent bombardement du côté de Pontisse et de Barchon.<br /> Un télégramme du vaillant major Simon, nous dit : « Courage, amis du Sud contre-attaquent ». Mais le feu de l'artillerie allemande pilonne les deux forts et à 14 heures Pontisse hisse le drapeau blanc ; à 15 heures, c'est Barchon qui se rend.<br /> Il reste trois forts de la position de Liège qui affrontent l'ennemi : Tancrémont, qui se rendra un jour après la capitulation, Battice et Neufchâteau, qui font équipe et tomberont presque en même temps.<br /> Le lundi 20, à 5 h. 30, la vigie du bloc P signale un parlementaire. C'est le capitaine Lannoy qui le reçoit. Mais le Commandant est vite à la poterne d'entrée.<br /> Le parlementaire allemand est accompagné du Révérendissime Père Albéric, abbé du Val-Dieu et ami personnel du Commandant et des officiers du fort. Le vénérable prélat est dans un état piteux. Requis par les Allemands comme intermédiaire, il a mis près de deux heures à franchir le kilomètre qui le séparait du fort, tant les tirs étaient précis et fréquents. Sa soutane blanche est maculée de boue.<br /> Le Père abbé est porteur d'une lettre du général allemand demandant la reddition. Il nous apprend aussi que les familles de nos soldats sont en bonne santé, qu'il n'y a pas de victimes dans la population civile. Il félicite la garnison de son héroïque résistance. <br /> Mais l'officier allemand intervient : <br /> – C'est par humanité, parce que le général Korner admire la garnison qu'il offre la capitulation avec les honneurs militaires.<br /> La garnison du fort se doute de la réponse du commandant d'Ardenne. Elle est nette :<br /> – Non<br /> L'officier allemand insiste :<br /> – Vous avez déjà tiré autant de coups, il ne vous reste presque plus de munitions.<br /> – Nous verrons, dit le Commandant, si vous savez bien compter !<br /> – Le haut commandement allemand a ordonné d'employer les moyens les plus violents...<br /> – Nous les apprécierons !<br /> On se croirait dans la légende !<br /> Les parlementaires se retirent. Selon les lois de la guerre, une trêve d'une demi-heure au minimum doit suivre le départ du parlementaire, mais l'ennemi est en rage ! Pendant que le lieutenant Maréchal ferme les portes du grillage, les coups partent.!<br /> <br /> La première salve tue, à son poste de guet, Louis Schmetz et blesse son compagnon. Ce dernier parvient à descendre seul l'échelle de la cloche, mais les éclats tombent à cadence tellement précipitée que, malgré toute leur ténacité, les brancardiers n'arrivent pas à dégager le corps de Schmetz avant dix heures.<br /> Au moment où Schmetz est atteint au bloc P, Martin est touché au bloc 0, il est gravement blessé à la face. <br /> L'une après l'autre, les cloches d’observation sont perforées de coups de plein fouet des canons à tir rapide 3,7 et 8,8 allemands et les dégâts sont considérables. Bientôt le fort se trouve aveuglé, les angles nombreux ne peuvent plus être observés.<br /> Les coupoles tirent de leur côté de façon intense et les mortiers crachent leurs bombes sans arrêt. Ce sont les mortiers qui s'avèrent le plus utiles, car leurs embrasures, à l'abri des coups ennemis, les rendent moins vulnérables. Pendant le siège, ils ont tiré 5.265 coups.<br /> Voilà qu'un coup direct emporte le phare du coffre II et le canon 4,7 qui flanque le fossé Est du fort. Le servant Straetmans, est tué à son poste, le brigadier Denis est gravement contusionné.<br /> Le tir ennemi est réglé et les explosions se succèdent dans la casemate, le séjour est impossible, les hommes descendent suffoqués.<br /> Les Allemands qui s'étaient précipités dans le fossé attaquent le coffre par le trou et sont maintenus à distance par le lieutenant Luyssen qui jette ses grenades à tour de bras... mais un lance-flammes entre en action ; il faut bien lâcher pied également.<br /> Le lieutenant Modave, un brave aussi celui-là, s'offre à aller en reconnaissance, mais arrivé à mi-hauteur des escaliers, il entend les voix et le bruit des Allemands pénétrant dans la casemate. Il n'y a plus d'espoir de ce côté. Il faut absolument « neutraliser » ce point. Contre- attaquer est impossible, un seul Allemand avec des grenades qu'il laisserait tomber dans la cage d'escalier, profonde de trente mètres, tiendrait en respect les meilleures volontés.<br /> Le Commandant ordonne de miner le coffre. Le soldat Renaud s'offre à placer les détonateurs. Deux cent quatre-vingts kilos de tonite sont amorcés.<br /> Ayant fait évacuer tous les hommes, le Commandant reste avec le lieutenant Radoux, le sergent Dewolf et le soldat Renaud.<br /> Le feu est mis aux poudres, la voûte se fend jusqu'à l'extérieur du sas ; une épaisse fumée noire s'élève et est observée du B III. Le C II n'est plus !<br /> Pour son dévouement, le soldat Renaud est promu caporal.<br /> Mais le manque de flanquement va se faire rapidement sentir. Les débris du coffre sont à peine retombés que les pionniers allemands attaquent de ce côté. Des assaillants attaquèrent sur le flanc Sud, tandis que d'autres se faufilaient vers la poterne d'entrée du B III<br /> Vers 4 heures, les troupes d'assaut prennent pied sur le massif central et immobilisent les coupoles avec leur lance-flammes, et les pionniers travaillent à miner les cloches qu'ils ont pu atteindre.<br /> Un accord avait été fait entre le Commandant d'Aubin et celui de Battice, en cas d'extrême urgence, le poste de T.S.F. devait, sur l'onde de Battice, lancer l'appel « TZ INF », « TZ INF », c'est-à-dire « tirez infanterie. »<br /> Depuis le début de l'attaque de son P. O. de Jonckay, le fort de Battice observait notre situation.<br /> Dans son journal de campagne, le lieutenant Lequarré, de Battice, nota :<br /> « Nous pouvons observer la violence du bombardement sur le fort de Neufchâteau ; des colonnes de fumée et de terre s'élèvent jusqu'à 150 et 200 mètres de hauteur. »<br /> Cette fois ce sont des fusées qui s'élèvent et marquent la progression des troupes allemandes. L'appel de Neufchâteau est entendu et Battice tire, tire de toutes se coupoles. Les Allemands qui sont tapis sur le massif central et qui l'occupent entièrement sont pris dans un tourbillon de fer et de feu. Les 120 tirent, fusant bas, les 75 percutant.<br /> C'est un carnage sans nom ! Plus de 600 projectiles sont expédiés sur la position et forcent les assaillants à se replier et abandonner la lutte.<br /> Le soir vient doucement et Neufchâteau répare ce qu'il y a moyen de réparer encore.<br /> Il y a très peu de victimes dans la garnison : trois morts et un blessé grave qui mourra le lendemain, quelques brûlés par les lance-flammes, mais très superficiellement. Le moral reste ferme. <br /> Hélas ! le matériel est en piteux état. Le mur de contrescarpe est arraché sur plusieurs dizaines de mètres de longueur des entonnoirs de 15 mètres de diamètre sur 10 de profondeur ont été creusés par les bombes d'avions et les mines qui ont sauté dans les fossés. La cheminée d'aérage du bloc 0 menace de s'écrouler, celle du P. est hors service. Toutes les cloches de guet sont détruites.<br /> Dès l'aube, les Allemands bombardent de toutes leurs grosses pièces. Les coupoles de Neufchâteau répliquent, mais les incidents de tirs se multiplient.<br /> Pendant ce temps, le Commandant fait sauter tout ce qui ne rend plus service afin de ne laisser aucune brèche à l'adversaire.<br /> A 10 h. 30, l'ennemi monte à l'assaut ; le fort de Battice est soumis à un tir d'interdiction violent.<br /> <strong>Le correspondant de guerre allemand qui prit part à l'attaque écrit</strong> <br /> <br /> <em>« C'est maintenant que nous allons voir si les lourds bombardements de ces dernières heures ont enfin épuisé les nerfs de la garnison qui, depuis dix jours, résiste dans sa caserne souterraine, et si la puissance défensive du fort est décidément paralysée.</em><br /> <em>« Une minute... deux minutes... silence sur Neufchâteau. De Battice seulement gronde l'écho des coups de notre artillerie qui redouble. Une troisième minute. Elle n'est pas écoulée que talc talc talc talc ! Le Belge se défend à nouveau ! N'en a-t-il pas encore assez ? »</em><br /> <br /> L'assaut est arrêté. C'est le vingtième depuis l'investissement de la position, mais les munitions s'épuisent. Les coupoles sont décidément hors service. A 12 heures, un obus atteint le bloc 0 et touche les mines ; l'ouvrage saute. Heureusement, il est inoccupé !<br /> A 12 h. 30 le B II est miné et saute à son tour. Et ainsi, les organes sont détruits l'un après l'autre, les hommes descendent au fur et à mesure dans la caserne souterraine où l'inaction forcée leur pèse terriblement.<br /> C'est le moment le plus pénible du siège. Comme un malade qui sent la paralysie l'envahir peu à peu, la garnison se sent mourir lentement et sans moyen de réagir. Soudain il est 13 h. 30, un choc formidable secoue tout le massif... 13,35 heures, une nouvelle secousse, et de cinq en cinq minutes, les ‘’Stuka’’ piquent sur le fort, lâchant des bombes de 1.600 kilos. La déflagration se fait sentir à plus de 200 mètres du point de chute.<br /> Pendant ce temps, l'ennemi s'est glissé dans les fossés. Les grenades glissent dans les tubes de lancement, et la casemate de 4,7 du CI se défend jusqu'à épuisement de ses munitions.<br /> De son côté, le Commandant a réuni son conseil de défense. Un dernier essai est fait pour obtenir l'appui de Battice. Là aussi la situation est tragique : une seule pièce de 75 est encore capable de tirer. Il n'y a plus de grenades, les munitions de 4,7 sont épuisées, les 7,5 et les mortiers sont hors de service et ont sauté, enfin il n'y a plus de balles traçantes pour la défense de nuit. Telle est la situation. Dans ces conditions le conseil décide la reddition de 1'ouvrage.<br /> Un télégramme est envoyé à Battice :<br /> « Toutes pièces hors d'usage. – J'ai fait sauter les bâtiments. – Merci pour votre aide. – Bonne chance à tous.<br /> Commandant Oscar d'Ardenne. »<br /> Il est 17 h. 10.<br /> Le drapeau, blanc va être hissé. Mais par où ? Toutes les embrasures sont détruites. Par un trou de lance-grenades, le drapeau blanc est glissé et aussitôt saisi par les assiégeants qui se trouvent au pied du mur. Un parlementaire attend le Commandant.<br /> Pendant ce temps on détruit tous les documents, tout le matériel qui ne peut tomber dans les mains de l'ennemi. Le poste émetteur est écrasé à coup de masse, les appareils téléphoniques volent en morceaux : c'est un beau carnage.<br /> Quand le colonel allemand descend dans le fort, il dit :<br /> – C'est terrible comme vous avez tout détruit !<br /> Et il ajoute :<br /> – A votre place, j'aurais fait de même.<br /> Le général Korner s'avance près du commandant d'Ardenne, lui remettant son épée en disant :<br /> – Pour sa belle défense, votre garnison recevra les honneurs de guerre ; veuillez faire sortir vos hommes en armes.<br /> La vaillante garnison s'en va en captivité en défilant entre les troupes d'assaut allemandes qui présentent les armes.<br /> <br /> Sources bibliographiques: <br /> <a href="https://www.maisondusouvenir.be/fort_aubin_neufchateau.php">https://www.maisondusouvenir.be/fort_aubin_neufchateau.php</a><br /> Fascicule édité par l’ASBLFort Aubin-Neufchâteau ‘’ R.F.L. Ceux d’Aubin-Neufchâteau’’<br /> Sources Iconographiques :<br /> <a href="http://www.fortlitroz.ch/essais-de-lobus-rochling-sur-le-fort-daubin-neufchateau-liege-belgique/">http://www.fortlitroz.ch/essais-de-lobus-rochling-sur-le-fort-daubin-neufchateau-liege-belgique/</a><br /> <a href="http://fort-aubin-neufchateau.be/fr/2013/04/oscar-henri-nestor-ernest-dardenne/">http://fort-aubin-neufchateau.be/fr/2013/04/oscar-henri-nestor-ernest-dardenne/</a></p> Sun, 01 Nov 2020 11:18:27 +0100